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Des poèmes - Page 13

  • Catégories : "Carpe diem", Des poèmes, Lamartine Alphonse de, Le XIX e siècle

    Le retraite (Méditations poétiques)

    Aux bords de ton lac enchanté,
    Loin des sots préjugés que l'erreur déifie,
    Couvert du bouclier de ta philosophie,
    Le temps n'emporte rien de ta félicité ;
    Ton matin fut brillant ; et ma jeunesse envie
    L'azur calme et serein du beau soir de ta vie !

    Ce qu'on appelle nos beaux jours
    N'est qu'un éclair brillant dans une nuit d'orage,
    Et rien, excepté nos amours,
    N'y mérite un regret du sage ;
    Mais, que dis-je ? on aime à tout âge :
    Ce feu durable et doux, dans l'âme renfermé,
    Donne plus de chaleur en jetant moins de flamme ;
    C'est le souffle divin dont tout l'homme est formé,
    Il ne s'éteint qu'avec son âme.

    Etendre son esprit, resserrer ses désirs,
    C'est là ce grand secret ignoré du vulgaire :
    Tu le connais, ami ; cet heureux coin de terre
    Renferme tes amours, tes goûts et tes plaisirs ;
    Tes voeux ne passent point ton champêtre domaine,
    Mais ton esprit plus vaste étend son horizon,
    Et, du monde embrassant la scène,
    Le flambeau de l'étude éclaire ta raison.

    Tu vois qu'aux bords du Tibre, et du Nil et du Gange,
    En tous lieux, en tous temps, sous des masques divers,
    L'homme partout est l'homme, et qu'en cet univers,
    Dans un ordre éternel tout passe et rien ne change ;
    Tu vois les nations s'éclipser tour à tour
    Comme les astres dans l'espace,
    De mains en mains le sceptre passe,
    Chaque peuple a son siècle, et chaque homme a son jour ;
    Sujets à cette loi suprême,
    Empire, gloire, liberté,
    Tout est par le temps emporté,
    Le temps emporta les dieux même
    De la crédule antiquité,
    Et ce que des mortels dans leur orgueil extrême
    Osaient nommer la vérité.

    Au milieu de ce grand nuage,
    Réponds-moi : que fera le sage
    Toujours entre le doute et l'erreur combattu ?
    Content du peu de jours qu'il saisit au passage,
    Il se hâte d'en faire usage
    Pour le bonheur et la vertu.

    J'ai vu ce sage heureux ; dans ses belles demeures
    J'ai goûté l'hospitalité,
    A l'ombre du jardin que ses mains ont planté,
    Aux doux sons de sa lyre il endormait les heures
    En chantant sa félicité.
    Soyez touché, grand Dieu, de sa reconnaissance.
    Il ne vous lasse point d'un inutile voeu ;
    Gardez-lui seulement sa rustique opulence,
    Donnez tout à celui qui vous demande peu.
    Des doux objets de sa tendresse
    Qu'à son riant foyer toujours environné,
    Sa femme et ses enfants couronnent sa vieillesse,
    Comme de ses fruits mûrs un arbre est couronné.
    Que sous l'or des épis ses collines jaunissent ;
    Qu'au pied de son rocher son lac soit toujours pur ;
    Que de ses beaux jasmins les ombres s'épaississent ;
    Que son soleil soit doux, que son ciel soit d'azur,
    Et que pour l'étranger toujours ses vins mûrissent.

    Pour moi, loin de ce port de la félicité,
    Hélas ! par la jeunesse et l'espoir emporté,
    Je vais tenter encore et les flots et l'orage ;
    Mais, ballotté par l'onde et fatigué du vent,
    Au pied de ton rocher sauvage,
    Ami, je reviendrai souvent
    Rattacher, vers le soir, ma barque à ton rivage.

  • "Carmen" de Théophile Gautier dans "Emaux et camées"

    Carmen est maigre - un trait de bistre
    Cerne son oeil de gitana ;
    Ses cheveux sont d'un noir sinistre ;
    Sa peau, le diable la tanna.

    Les femmes disent qu'elle est laide,
    Mais tous les hommes en sont fous ;
    Et l'archevêque de Tolède
    Chante la messe à ses genoux ;

    Car sur sa nuque d'ambre fauve
    Se tord un énorme chignon
    Qui, dénoué, fait dans l'alcôve
    Une mante à son corps mignon,

    Et, parmi sa pâleur, éclate
    Une bouche aux rires vainqueurs,
    Piment rouge, fleur écarlate,
    Qui prend sa pourpre au sang des coeurs.

    Ainsi faite, la moricaude
    Bat les plus altières beautés,
    Et de ses yeux la lueur chaude
    Rend la flamme aux satiétés.

    Elle a dans sa laideur piquante
    Un grain de sel de cette mer
    D'où jaillit nue et provocante,
    L'âcre Vénus du gouffre amer.

    http://poesie.webnet.fr/poemes/France/gautier/5.html

  • Paul Verlaine:"Résignation" dans la section "Melancholia" des "Poèmes saturniens"

    medium_Alma-Tadema-roseofheliogabalus.jpgTout enfant, j'allais rêvant Ko-Hinnor,
    Somptuosité persane et papale,
    Héliogabale et Sardanapale !

    Mon désir créait sous des toits en or,
    Parmi les parfums, au son des musiques,
    Des harems sans fin, paradis physiques !

    Aujourd'hui, plus calme et non moins ardent,
    Mais sachant la vie et qu'il faut qu'on plie,
    J'ai dû refréner ma belle folie,
    Sans me résigner par trop cependant.

    Soit ! le grandiose échappe à ma dent,
    Mais, fi de l'aimable et fi de la lie !
    Et je hais toujours la femme jolie,
    La rime assonante et l'ami prudent.

    http://www.mag4.net/Verlaine/poemes/resignation.html

  • Paul Verlaine, "Nevermore" dans la section "Melancholia" des "Poèmes saturniens"

    medium_guillaumin-valhubertparis.2.jpgSouvenir, souvenir, que me veux-tu ? L'automne
    Faisait voler la grive à travers l'air atone,
    Et le soleil dardait un rayon monotone
    Sur le bois jaunissant où la bise détone.
     
    Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
    Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
    Soudain, tournant vers moi son regard émouvant :
    "Quel fut ton plus beau jour ?" fit sa voix d'or vivant,
     
    Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
    Un sourire discret lui donna la réplique,
    Et je baisai sa main blanche, dévotement.
     
    - Ah ! les premières fleurs, qu'elles sont parfumées !
    Et qu'il bruit avec un murmure charmant
    Le premier "oui" qui sort de lèvres bien-aimées !

     

    http://www.mag4.net/Verlaine/poemes/nevermore.html

  • Catégories : Des poèmes

    Mandalay de Rudyard Kipling

    medium_india1.jpgA Moulmein près de la vieille Pagode, regardant la mer à l'est,
    Est assise une jeune Birmane, et je sais qu'elle pense à moi;
    Car il y a du vent dans les palmiers, et les clochettes du temple disent:
    "Reviens-t-en, soldat Britannique; reviens-t-en à Mandalay!"
          Reviens-t-en à Mandalay,
          Où la vieille Flottille est en panne:
          N'entends-tu pas le lourd travail des aubes de Rangoon à Mandalay?
          Sur la route de Mandalay,
          Où jouent les poissons volants,
          Et L'aurore se lève comme l'orage, en Chine, de l'autre côté de la Baie!

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