Une méditation romanesque sur la peinture, le regard, l'invisible, l'amour ? Tout cela à la fois, à travers le très étonnant parcours de la distinguée et troublante Florentine, jeune orpheline médium recueillie dans un sévère presbytère breton à l'orée du xixe siècle. C'est là qu'elle découvrira, et ne cessera de compulser en secret, un somptueux livre d'heures médiéval, qui lui apportera la révélation soudaine et absolue de l'art. Et la faculté de s'immerger soudainement et absolument dans l'art, telle une mystique de l'image peinte. Comment Florentine se retrouvera ensuite dans les labyrinthes du Paris romantique de 1830, tout ensemble servante du jeune Eugène Delacroix, dont elle vénère les tableaux, et prêtresse d'une des boutiques de mode les plus enivrantes de l'époque, c'est ce qu'on ne vous dira pas. Tant le récit chemine de mystère en mystère, procurant un plaisir de lecture digne des grands feuilletonistes de ces temps-là, de George Sand à Eugène Sue. Michelle Tourneur écrit avec classicisme, dans une langue belle et simple. Mais elle aborde les vertiges esthétiques avec des intuitions de voyante. Comment on se brûle, se noie, se perd et se retrouve dans une toile ; comment on s'enivre d'un trait, d'une couleur, comment on y découvre ce qu'on ne voyait pas, ce qu'on ne verra plus. Comment on en vit et comment on en meurt. Par-delà l'intrigue mouvementée, le tableau finement ciselé de l'époque romantique, Michelle Tourneur tout bizarrement fait toucher à l'indicible.
Le 19/01/2013 - Mise à jour le 14/01/2013 à 18h09
Fabienne Pascaud - Telerama n° 3288
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19/06/2013 18:59