Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Hubert Robert. Vue imaginaire de la Grande Galerie en ruines.
Peintre français (Paris 1733 – id. 1808).
Il apprit le dessin auprès de Michel-Ange Slodtz. Il gagna Rome dès 1754 dans la suite du comte de Stainville, alors ambassadeur de France, le futur Choiseul. Grand admirateur de Pannini (on compte 25 tableaux de ce peintre dans son inventaire après décès), de Piranèse et de Locatelli, il rencontra Fragonard en 1756 et Saint-Non en 1759, année où il obtint une place de pensionnaire à l'Académie. Avec ce dernier, il fait un voyage à Naples en 1760, puis travaille avec ses deux amis à la villa d'Este : dessins à la sanguine de jardins taillés et de ruines dont les masses aérées et les lignes souples (Parc, Vue du Capitole, Louvre, département des Arts graphiques) contrastent avec ses figures sommaires mais justes et paraissent plus originales que les descriptions pittoresques de Vernet (Cascade de la villa Conti à Frascati, musée de Besançon) ou que ce qu'exécutait de Machy " la règle à la main ". Au contraire, les quelques gravures qu'il a laissées montrent qu'il n'a eu ni la patiente minutie de Saint-Non ni la maîtrise de Fragonard.
En 1765, Robert rentre à Paris, précédé d'une solide réputation de paysagiste et de décorateur : il triomphe au Salon de 1767, en particulier avec son tableau de réception à l'Académie (Port de Rome, 1766, Paris, E. N. B. A.). Jusqu'en 1775, l'artiste utilise essentiellement les dessins rapportés d'Italie, qui lui permettent de créer des décorations pour différents amateurs parisiens (marquis de Montesquiou).
Mais, à partir de 1770, le goût des jardins anglais se répandant en France, il se met à dessiner des paysages de Paris et de ses environs (Incendie de l'Opéra, 1781, Paris, musée Carnavalet) et est chargé de la transformation des Bains d'Apollon à Versailles (Vue du Tapis vert, Vue des Bains d'Apollon, 1777, Versailles). Dessinateur des jardins du roi (1778), il travaille aussi au parc de Compiègne et probablement à celui de Méréville pour le financier Laborde. C'est de cette période que date la série des tableaux de la vie de Madame Geoffrin (1772), destinée à remplacer les grands tableaux de Van Loo vendus à Catherine II : l'artiste s'y révèle un intimiste assez proche de Chardin, dont il possède une Dame cachetant une lettre (disparue). De 1770 à 1808, il constitue en outre un prestigieux ensemble de vues de Paris, inaugurant le genre d'actualité, accumulant, décrivant, modifiant, variant, mariant, rapprochant ou supprimant à son gré bâtiments et personnages, détails et proportions dans des œuvres où la fantaisie passe pour réalité (nombreux exemples au musée Carnavalet : Démolitions du pont Notre-Dame et du Pont-au-Change, 1786-1788 ; Une frise du pont Royal, 1789, musée d'Épinal). Ensuite, il s'intéresse aux monuments antiques de la France : Pont du Gard, l'Intérieur du temple de Diane à Nîmes, la Maison carrée, les arènes et la tour Magne à Nîmes, l'Arc de triomphe et l'amphithéâtre de la ville d'Orange, 1787, Louvre, quatre tableaux constituant la série des " Antiquités du Languedoc ", commandée pour le château de Fontainebleau. En 1784, il est nommé garde des tableaux du Muséum royal, mais continue d'exécuter ses paysages de ruines italiennes (l'Ancien Portique de Marc Aurèle et le Portique d'Octave à Rome servant de marché aux poissons, 1785, Louvre, en dépôt à l'ambassade de France à Londres). C'est pendant les années qui précèdent la Révolution que, chargé d'examiner l'éclairage de la Grande Galerie (dès 1778, d'Angiviller s'était prononcé pour l'éclairage zénithal, que Percier et Fontaine reprendront en 1796), il exécute une série d'études ou de descriptions imaginaires des salles des antiques et de la Galerie (plusieurs tableaux au Louvre, dont les deux grandes Vues de la Grande Galerie, en projet et en ruine, exposées au Salon de 1796 et qui firent longtemps partie des coll. impériales de Russie), où il organise des expositions provisoires avant l'ouverture du 7 avril 1799 (Louvre). Malgré la célébration de la Révolution (la Fête de la Fédération, 1790, Versailles), Hubert Robert est emprisonné en 1793-94 à Sainte-Pélagie, puis à Saint-Lazare : c'est de cette époque que datent ses assiettes peintes. Après Thermidor, il fait partie, ainsi que Fragonard, de la commission du Conservatoire, puis de celle du Muséum (1795-1802). Dans la seconde moitié du siècle, son œuvre représente donc l'un des exemples les plus brillants des tableaux d'architecture, remis à la mode par Pannini, et cela certainement grâce à ses relations amicales avec Fragonard, qui a pu l'encourager à user d'empâtements longs et clairs, à employer une touche très fluide dans des compositions qui sont vues dans leur ensemble et où le pittoresque des accessoires reste secondaire (le Portique en ruine, Pêcheur et laveuses, 1783, Louvre), à la différence de ce qui se passe chez Vernet. En outre, même si son imagination l'amène à composer des paysages à partir d'éléments pris sur le vif, Hubert Robert n'en arrive jamais à ces vues de fantaisie où Fragonard donne toute l'importance aux figures, le tout dans un esprit déjà préromantique. Il est peut-être l'un des derniers peintres du xviiie s. dont la sensibilité et l'élégance soient relativement peu touchées par l'esprit nouveau de Rousseau et de Greuze.
Hubert Robert fut très apprécié de son temps, ce qui contribue peut-être à expliquer que certains musées soient particulièrement représentatifs de son œuvre : l'Ermitage (qui rassemble beaucoup d'œuvres que, à l'exemple de leurs souverains, les grandes familles de la Russie — Stroganov, Chouvalov, Galitzine — semblent avoir acquises) ; le musée de Valence, où est conservée toute la collection des dessins à la sanguine de la coll. Veyrenc.
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