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Le paysage - Page 32

  • Paysages

     

     

     

     

     

    871afcb0ba5130430d83035927541a54.jpgCe poème a été selectionné pour le concours Communic'art 2007 et se trouve dans mon recueil de poèmes "Paysages" en vente sur Lulu (cf. lien dans la colonne de droite)

     

    http://www.communic-art.com/main/r_galerie/galerie_concours2007/poesie1.html

  • Catégories : Des lieux, La littérature, Le paysage

    Le guide du proustard. Un week-end en Marcel

    Dans «A la recherche du temps perdu», l'écrivain a immortalisé le Grand Hôtel de Cabourg et son personnel. Notre reporter a occupé sa chambre et profité du room service.

     

    Vous voici dans la chambre de Marcel Proust, au Grand Hôtel de Cabourg. Ici, le romancier séjourna tous les étés, après la mort de sa mère, de 1907 à 1914, et composa les chapitres balnéaires de «A la recherche du temps perdu». Le liftier-bagagiste, un bachelier de Bénéville qui se destine à des études de marketing sportif («Il paraît que ça rapporte»), pose votre valise puis vous regarde à travers ses lunettes avec un air d'abattement et d'inquiétude extraordinaire, comme s'il allait se jeter du haut des quatre étages. Vous avez lu «la Recherche», donc vous déchiffrez sans peine sa détresse et le pourquoi de sa mine atterrée. Comme le liftier de «Sodome et Gomorrhe», ce jeune Normand «tremble» pour son pourboire, il s'imagine que vous ne lui donnerez rien, que vous êtes «dans la dèche» et «sa supposition ne lui inspire aucune pitié pour vous, mais une terrible déception égoïste».

    Comment s'approprier la chambre de papier de Marcel Proust? Sous votre fenêtre passe, comme dans les pages de «A l'ombre des jeunes filles en fleurs», «le vol inlassable et doux des hirondelles» - sinon celui des «martinets». Devant vous s'étale la mer - cette mer que Proust peint sans cesse comme si c'était une montagne avec ses «contreforts» et ses «cimes bleues», et comme s'il avait trouvé dans la «surface retentissante et chaotique de ces crêtes et de ces avalanches» sa Sainte-Victoire. Sous vos yeux, un club de plage, le Canard club, et la digue où se matérialise pour la première fois Albertine, avec sa bicyclette. Cette digue s'appelle désormais la promenade Marcel-Proust.



    Quelle liturgie observer entre ces quatre murs pénétrés de littérature, dans ce belvédère du génie? Faut-il se masturber avec fureur en torturant des rats dans une cage, par déférence pour les manies sexuelles que lui prête un de ses pieux biographes? Faire l'artiste contemporain et, en guise d'installation vidéo, allumer la télé et répéter à voix haute: «Je regarde «Questions pour un champion» dans la chambre de Proust»? Consulter l'édition japonaise de «la Recherche» qui garnit, avec les «Mémoires» de Saint-Simon ou «la Comédie humaine », les bibliothèques en acajou. Vous coucher de bonne heure, et, en dormant, devenir vous-même, comme par métempsycose, ce dont parlait l'ouvrage ou le journal que vous lisiez: «Une église, un quatuor, la rivalité de François Ieret de Charles Quint», la fin du couple Royal-Hollande, la molaire d'Hatchepsout, la cocaïne d'Ophélie Winter? Se livrer aux mille tourments de l'insomnie, tel le narrateur anxieux, tragique et patraque qui, lors de sa première nuit à Cabourg, pardon, à Balbec, compare le palace à une «boîte de Pandore», et sa chambre à une «cage» plus «appropriée à l'assassinat du duc de Guise» qu'à son sommeil. Un coup de Trafalgar pour le groupe Accor, actuel propriétaire du Grand Hôtel, et une expertise à vous faire perdre une étoile dans le «Guide Michelin».

    Asthmatique, Proust découvre les bienfaits de l'établissement en juillet 1907, après avoir lu dans «le Figaro»un article vantant la «féerie» du Grand Hôtel de Cabourg, son «bar américain», ses chambres pourvues d'«un vaste cabinet de toilette avec toutes les commodités de l'hydrothérapie, chaude ou froide», etc. Son ancien camarade du cours Pape-Carpentier et du lycée Condorcet, Jacques Bizet, le fils du compositeur, dirige une compagnie de location de voitures, les Taximètres Unie de Monaco. Cette entreprise a une succursale à Cabourg. Proust loue un taxi avec trois chauffeurs. Parmi eux, il y a Alfred Agostinelli. Ce «mécanicien» devient l'objet de son «adoration» et l'une des clefs du personnage d'Albertine.


    PAS DE «SERVICE FEMMES»
    Votre «Guide du proustard» en poche, vous errez dans le hall mais vous êtes bien vite déçu. Où est le «peuple florissant de jeunes chasseurs», pareils aux «jeunes Israélites des choeurs de Racine», dont parle le narrateur dans «Sodome et Gomorrhe»? Soit récession économique, soit épidémie de gastro-entérite, «la troupe jeune et fidèle des Lévites» est dépeuplée. Dans le hall presque désert, tout ce que vous trouvez à vous mettre sous la dent, c'est Kooki. Ce charmant bagagiste d'origine tunisienne n'a rien d'israélite, mais sa figure ronde rappelle celle du chauffeur Agostinelli, la calvitie en plus. «J'ai pas fini les trois mille», dit-il, d'un air vaguement coupable, pour signifier qu'il n'a pas lu «la Recherche» dans son intégralité. Ce qui ne l'empêche pas de dire de jolies choses sur l'ouvrage. «Marcel Proust, c'est très large, comme la mer.» Mais dans son «orgueil démocratique» (selon la formule sardonique et grande-bourgeoise que Proust applique au liftier de Balbec), Kooki ne peut s'empêcher de vous préciser qu'il a deux frères avocats, un BTS réception, qu'il parle français, allemand, arabe, un peu italien, et que, outre ses fonctions de porteur («C'est nous qu'on s'occupe des bagages»), il fait aussi le night audit, c'est-à-dire le réceptionniste de nuit. Le souvenir de Nissim Bernard, personnage de Proust, vous traverse l'esprit. Amoureux des beautés ancillaires masculines, ce client du Grand Hôtel de Balbec entretient, «comme d'autres un rat d'opéra», un jeune chasseur qui a quarante ans de moins que lui. «Nissim Bernard aimait tout le labyrinthe de couloirs, de cabinets secrets, de vestiaires, de garde-manger, de galeries qu'était l'hôtel de Balbec. Par atavisme d'Oriental il aimait les sérails, et, quand il sortait le soir, on le voyait en explorer furtivement les détours.» Vous demandez à Kooki si le groupe Accor fournit toujours ce genre de prestations raciniennes. Il se récrie d'un air prude: «Ici, on a l'air, la mer et la lecture. On n'a pas un service femmes.» Moins giboyeux que Nissim Bernard, vous continuez votre expédition solitaire dans ce «Temple-Palace».

    «LA RECHERCHE» EN BD
    «J'ai pas mal de points communs avec Proust. Mon prénom, c'est Marcel. Et je suis asthmatique», vous confie le chef réceptionniste, le fils d'une femme de chambre de Lourdes. Il faudrait être atrocement snob pour tenir rigueur à Marcel de ne point compter la duchesse de Guermantes parmi ses clients: il a reçu Masako Ohya, la milliardaire japonaise qui s'habille en rosé. «Elle transportait les cendres de son mari dans son sac à main.» Avec le directeur du Grand Hôtel, vous faites chou blanc encore une fois - ou, pour le dire en termes proustiens, vous détruisez une nouvelle illusion: monsieur Sagnes s'exprime dans un français impeccable, contrairement au directeur du Grand Hôtel de Balbec, un athlète du barbarisme et du pataquès, qui se dit «d'originalité roumaine». Courtois et affairé, monsieur Sagnes, qui règne sur une soixantaine d'employés et soixante-dix chambres, vous recommande la version abrégée en cinq cents pages de «la Recherche» et son adaptation en BD. «Au risque, bien sûr, qu'elles n'intègrent pas toutes les finesses de l'oeuvre originale», dit-il. De toute évidence, monsieur Sagnes est un moins bon critique littéraire que Kooki. Le soir, vous dînez dans une brasserie de Cabourg. Sur le menu et sur le mur, un hideux portrait de Marcel Proust vous regarde. Avec sa moustache et ses yeux sombres, il ressemble à Frida Kahlo. Vous liez conversation avec votre voisine, une vieille dame aux souliers rouges. Cette proustienne est en train de désarticuler un crabe. «Vous aimez Proust? dit-elle. Il aime Proust! Il aime Proust!» Sauf le respect que vous devez à son âge, elle vous rappelle une créature de l'écrivain: «Chaque fois qu'elle parlait esthétique, ses glandes salivaires, comme celles de certains animaux au moment du rut, entraient dans une phase d'hypersécrétion telle que la bouche édentée de la vieille dame laissait passer, au coin des lèvres légèrement moustachues, quelques gouttes dont ce n'était pas la place.»

    Lorsque vous rentrez à l'hôtel, on a dressé une tente berbère dans le salon Marcel-Proust et une blonde, un boa constrictor autour du cou, se livre à la danse du ventre devant la baie vitrée qui donne sur la mer. Vous apprenez qu'il s'agit d'une soirée privée Nespresso. La firme fête le lancement d'une machine à faire du capuccino, avec cent cinquante revendeurs de Normandie, dont messieurs Cherron & Fils, de Caen. Quand on sait que c'est l'abus du café au lait qui a tué Marcel Proust, on se dit que ce tralala tient de la messe noire. Vous quittez ce sabbat, son troupeau de satanistes Darty ou Conforama, ses brochettes de dorade en chaud et froid, et vous remontez à votre chambre. Adieu, Cherron & Fils.

    Au moment où je vous parle, le « questionnaire de Proust» se trouve dans le coffre-fort de votre hôtel.

    Le lendemain après-midi, le maire divers droite de la ville, le docteur Jean-Paul Henriet, haute silhouette aux cheveux blancs, vous donne audience dans un salon de l'hôtel. Vous lui demandez qui a choisi les aimables passages de «la Recherche» qui ornent sur la digue les écriteaux en forme de pupitres. «Là, j'ai les chevilles qui vont enfler», vous dit cet angiologue du CHU de Caen. C'est lui-même. Henriet est le fondateur du cercle littéraire proustien de Cabourg-Balbec, dont le siège social est au Grand Hôtel. Ce week-end de juin, outre un jumping au profit de la lutte contre la sclérose en plaques, il organise un deuxième colloque international sur l'homme de sa vie, avec le spécialiste japonais Kazuyoshi Yoshikawa. A cette occasion, le facétieux Henriet fait modifier les panneaux indicateurs: Cabourg devient momentanément Balbec. «Vous imaginez, mon vieux, les mecs avec leur GPS, la tête qu'ils vont faire», dit-il avec une gouaille très duc de Guermantes. «Ah! les journalistes, je vais vous faire votre boulot, moi!» Et il vous apprend que le frère de Proust fut le premier à opérer une prostate en France. «Mais, ça, vous vous en en tapez le coquillard, hein? Bon, allez, je vais vous dire un truc. Au moment où je vous parle, le fameux «questionnaire de Proust»se trouve dans le coffre-fort de votre hôtel. Darel, qui doit avoir plein de pognon, vous savez, Darel, le mec qui vend des fringues, l'a acheté à Drouot en 2003 pour 120 000 euros.» Et il vous montre le facsimilé du questionnaire, dans un album britannique de 48 pages, intitulé «Album Confessions Records, Thoughts, Feelings». Enfin, il confirme vos pressentiments les plus noirs. Cette nuit, vous aviez noté que l'écrivain insistait à plusieurs reprises sur la «hauteur» du plafond de sa chambre. Or, la vôtre a le plafond bas. L'immeuble du Grand Hôtel fut scindé en 1956 et trois cents chambres furent privatisées pour former la résidence Le Grand Hôtel. La chambre - les chambres - de Proust se trouvaient sans doute dans cette aile. La voix de Marcel, le chef réceptionniste, résonne dans votre cervelle. «OEil-de-boeuf, oeil-de-boeuf, Proust parle d'un oeil-de-boeuf, on m'a dit, mais y en pas dans la chambre.» La chambre de Proust n'existe pas. Vous habitez un sépulcre vide. Kooki, s'il vous plaît, une double vodka pour la 414...

     

    Fabrice Pliskin
    Le Nouvel Observateur

    http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350713-un_weekend_en_marcel.html

  • Charles Baudelaire."Le voyage".

    A Maxime Du Camp

     

    Au printemps 1859, le poète Charles Baudelaire séjourne à Honfleur, chez sa mère, dans la «maison joujou». Deux ans après la mort de son beau-père abhorré, le général Aupick, il se réconcilie avec sa génitrice. Il écrit à Sainte-Beuve: «Nouvelles fleurs faites, et passablement singulières. Ici, dans le repos, la faconde m'est revenue.» Baudelaire vient de composer le plus long poème des Fleurs du Mal, «Le voyage», qui clôturera l'édition de 1861.


    I
    Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
    L'univers est égal à son vaste appétit.
    Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes!
    Aux yeux du souvenir que le monde est petit!

    Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
    Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
    Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
    Berçant notre infini sur le fini des mers:

    Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme;
    D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
    Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
    La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

    Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
    D'espace et de lumière et de cieux embrasés;
    La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
    Effacent lentement la marque des baisers.

    Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
    Pour partir; coeurs légers, semblables aux ballons,


    De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
    Et sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!

    Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues,
    Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
    De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
    Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom!

    II
    Nous imitons, horreur! la toupie et la boule
    Dans leur valse et leurs bonds; même dans nos sommeils
    La Curiosité nous tourmente et nous roule,
    Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

    Singulière fortune où le but se déplace,
    Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où!
    Où l'Homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
    Pour trouver le repos court toujours comme un fou!

    Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie;
    Une voix retentit sur le pont: «Ouvre l'oeil!»
    Une voix de la hune, ardente et folle, crie:
    «Amour... gloire... bonheur!» Enfer! c'est un écueil!

    Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
    Est un Eldorado promis par le Destin;
    L'Imagination qui dresse son orgie
    Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

    O le pauvre amoureux des pays chimériques!
    Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
    Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
    Dont le mirage rend le gouffre plus amer?

    Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
    Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis;

    Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
    Partout où la chandelle illumine un taudis.

    III
    Etonnants voyageurs! quelles nobles histoires
    Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers!
    Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
    Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

    Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile!
    Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
    Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
    Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

    Dites, qu'avez-vous vu?

    IV
    «Nous avons vu des astres

    Et des flots; nous avons vu des sables aussi;
    Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
    Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

    La gloire du soleil sur la mer violette,
    La gloire des cités dans le soleil couchant,
    Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
    De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

    Les plus riches cités, les plus beaux paysages,
    Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
    De ceux que le hasard fait avec les nuages.
    Et toujours le désir nous rendait soucieux!

    La jouissance ajoute au désir de la force.
    Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
    Cependant que grossit et durcit ton écorce,
    Tes branches veulent voir le soleil de plus près!

    Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
    Que le cyprès? - Pourtant nous avons, avec soin,
    Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
    Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin!

    Nous avons salué des idoles à trompe;
    Des trônes constellés de joyaux lumineux;
    Des palais ouvragés dont la féerique pompe
    Serait pour vos banquiers un rêve ruineux;

    Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse;
    Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
    Et des jongleurs savants que le serpent caresse.»

    V
    Et puis, et puis encore?

    VI
    «O cerveaux enfantins!

    Pour ne pas oublier la chose capitale,
    Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
    Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
    Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché:

    La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
    Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût;
    L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
    Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout;

    Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote;
    La fête qu'assaisonne et parfume le sang;
    Le poison du pouvoir énervant le despote,
    Et le peuple amoureux du fouet abrutissant;

    Plusieurs religions semblables à la nôtre,
    Toutes escaladant le ciel; la Sainteté,
    Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
    Dans les clous et le crin cherchant la volupté;

    L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
    Et, folle maintenant comme elle était jadis,
    Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie:
    «O mon semblable, ô mon maître, je le maudis!»

    Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
    Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
    Et se réfugiant dans l'opium immense!
    Tel est du globe entier l'éternel bulletin.»

    VII
    Amer savoir, celui qu'on tire du voyage!
    Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
    Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
    Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui!

    Faut-il partir? rester?
    Si tu peux rester, reste;
    Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
    Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
    Le Temps! Il est, hélas! des coureurs sans répit,

    Comme le Juif errant et comme les apôtres,
    A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
    Pour fuir ce rétiaire infâme: il en est d'autres
    Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

    Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
    Nous pourrons espérer et crier: En avant!
    De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
    Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

    Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
    Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
    Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
    Qui chantent: «Par ici! vous qui voulez manger

    Le Lotus parfumé! c'est ici qu'on vendange
    Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim;
    Venez vous enivrer de la douceur étrange
    De cette après-midi qui n'a jamais de fin!»

    A l'accent familier nous devinons le spectre;
    Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
    «Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre!»
    Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

    VIII
    O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!
    Ce pays nous ennuie, ô Mort! Appareillons!
    Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
    Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons!

    Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte!
    Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
    Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
    Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!

     


    Le Nouvel Observateur

    Source:http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350715-le_voyage.html

    Parmi l'abondante littérature consultée pour établir ce texte, voici les livres disponibles facilement que nous conseillons vivement: «Balade en Calvados, sur les pas des écrivains» aux éditions Alexandrines (21,60 euros); «Voyage en Normandie», une anthologie des récits de tous les écrivains ayant fait le voyage dans cette région au XIXe siècle (deux tomes, 17 euros chacun, éditions Pimientos); et l'excellent «Au vrai chic balnéaire» de Ginette Poulet (éditions Charles Corlet, 19,50 euros). L'auteur, responsable au château-musée de Dieppe, est une spécialiste de l'invention des bains de mer et de l'histoire des plages normandes, qu'elle raconte avec autant d'esprit que d'érudition. Un bonheur!

     


    Le Nouvel Observateur

    Source:http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350739-ne_bronzons_plus_idiot.html



     

  • De Cabourg à Honfleur. Les écrivains les pieds dans l'eau

    La Côte fleurie et les bains de mer ont quelque chose à voir avec la littérature. Les plus grands écrivains y ont pris du bon temps et trouvé l'inspiration. Des natifs - Flaubert, Alphonse Allais - aux hôtes de marque - Dumas, Proust, Zola, Duras -, voici pourquoi et comment ils ont aimé ces cieux et ce rivage.

     

    Vous êtes en vacances sur les plages de la Côte fleurie, vous voulez épater vos amis avec le souvenir du passage de people vraiment haut de gamme? Nous avons une recette très simple. Vous les emmenez sur la plage de Trouville; vous poussez une marche sur un petit kilomètre en direction de Villerville et vous désignez le premier espace herbeux que vous apercevez, sur la falaise, en disant: «Arrêtons-nous un instant, c'est ici que venait Flaubert.»«Flaubert?» s'esbaudissent vos amis (qui sont bon public), « et comment le sais-tu?» Et vous, d'une voix sobre et élégante: «L'après-midi, on s'en allait avec l'âne, au-delà des Roches Noires, du côté d'Hennequeville (...). Presque toujours on se reposait dans un pré, ayant Deauville à gauche, Le Havre à droite et en face la pleine mer. Elle était brillante de soleil, lisse comme un miroir, tellement douée qu'on entendait à peine son murmure, des moineaux cachés pépiaient, et la mute immense du ciel recouvrait tout cela.»Le texte est tiré d'«Un coeur simple», le plus émouvant des «Trois contes», la belle histoire de Félicité, la pauvre servante de Pont-L'Evêque. Il fut écrit il y a près d'un siècle et demi, et vos amis le constateront avec vous: sinon les ânes, qui se font rares, rien n'a changé ici. Vous avez compris l'idée. Tous les ans à pareille époque, les magazines se ruent sur les bords de mer pour y traquer les starlettes du moment. Nous avons décidé, à l'«Observateur», de relever d'un cran cette habitude paresseuse. Les célébrités dont nous allons vous parler n'ont gagné aucun télécrochet sur M6, elles n'ont pas épousé de footballeurs et ne peuplent que rarement les pages de «Voici» ou de «Gala». Celles du Lagarde et Michard leur suffisent: ce sont nos grands écrivains. Y songe-t-on assez? On les imagine toujours trempant leur plume d'oie dans le sombre encrier de leur génie. On oublie trop qu'eux aussi, comme vous et moi (les jours de courage), ont trempé leurs pieds émus dans les eaux vivifiantes de la Manche.

     

    Soyons fair-play. Nous parlons ici d'écrivains en villégiature au pays d'Auge. Nombre d'entre eux n'ont pas eu à y venir, puisqu'ils y sont nés ou qu'ils y avaient de solides attaches familiales. Il serait indélicat de ne pas les mentionner au passage. Pont-l'Evêque a donné au monde Robert de Fiers dont le nom ne vous dit peut-être rien, et c'est bien dommage: avec son compère Gaston de Caillavet, ce boulevardier a donné vers le début du XXe siècle quelques comédies à hurler de rire. Gide, avant d'acheter son cher Cuverville, sa propriété sise non loin de Fécamp, venait au domaine de famille de La Roque-Baignard, petit village près de Cambremer, dont il fut même le maire, peu avant 1900. Et comment oublier Honfleur, qui mériterait le label d'«Athènes de l'estuaire» tant les gloires des arts et des lettres y pullulent? Boudin le peintre, Satie le musicien, bien sûr, mais tant d'autres. Dans quelques pages, Patrice Delbourg nous dit tout d'un fils de pharmacien nommé Allais. N'oublions pas le délicat Henri de Régnier (1864-1936), poète symboliste, ou Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) dont on ne lit plus guère les poèmes et les romans, mais dont on honorera au moins un vers, qui n'est pas si mal: «L'odeur de mon pays était dans une pomme...» Et que dire des Honfleurais d'adoption - même brève? Baudelaire passe plusieurs mois, en 1859, à la «maison joujou», la propriété achetée par le général Aupick, beau-père détesté, heureusement mort depuis deux ans. Il cherche à s'éloigner des démons qui le tourmentent, l'alcool, les mauvais plaisirs, pour se concentrer sur ce qui deviendra l'édition définitive des «Fleurs du mal».

     

    Stendhal, lui, y passe à peine, dans les années 1830, et sans le vouloir vraiment. Il espérait attraper le bateau du Havre, qui vient d'appareiller. Il trouve la petite ville très laide - il faut dire que le port, si brillant un ou deux siècles avant, n'en finit plus de décliner -, mais, charmé par sa longue promenade dans les environs, il lance un pari sur l'avenir: avec les progrès des chemins de fer, Paris n'est plus qu'à dix heures! Bientôt les riches se presseront ici. Son intuition n'est vraie qu'à moitié. Contrairement à ce qu'il pressentait, le beau monde ne fera pas construire dans les coteaux ombreux qui bordent l'estuaire mais sur la côte. Il viendra y chercher un agrément incroyable, une nouveauté décoiffante, un plaisir auquel nul n'avait encore pensé: la mer.

    LA FOLIE DES BAINS DE MER
    Le point nous paraît incroyable. C'est ainsi: jusqu'au XXe siècle, l'Océan, c'est le danger, les vents mauvais, les pirates, la menace d'invasion: n'oublions pas que l'Anglais est en face. Il existe des ports, bien sûr, mais on y construit le plus souvent dos au rivage. Et sur ces vastes étendues sableuses battues par les vagues que l'on nomme toujours «la grève», aucun Parisien ne s'aventure jamais, sinon quelques intrépides, comme Charles Mozin, un joli petit peintre de 19 ans. Nous sommes en 1825, il est lui aussi en voyage à Honneur, il cherche des points de vue originaux, il aime marcher. Il longe la côte, passe Villerville et ses pêcheuses de moules et, ébloui, pose un beau jour son chevalet devant quelques pauvres masures groupées à l'embouchure de la Touques. Le lieu lui semble d'un pittoresque accompli.

    Trouville est, écrit Alexandre Dumas, «à peu près aussi ignoré que l'île de Robinson Crusoé».

    Vous l'avez compris, nous voilà à Trouville. Son goût est sûr, le lieu va plaire. D'abord, il convoque ses amis rapins, Corot, Huet. Rapidement la réputation s'étend. Un beau jour de l'été 1832 débarque un autre Parisien d'envergure, Alexandre Dumas. «Débarque» est à prendre au sens littéral. Depuis Honneur, les chemins sont si boueux qu'en carriole, il faut cinq heures. Sa compagne et lui ont donc opté pour le seul autre moyen possible, un canot conduit par «quatre vigoureux rameurs» qui ont donné loisir aux passagers d'être ébloui par le paysage: à droite «océan infini», à gauche des falaises «gigantesques». Ce sont celles de Villerville; ceux qui les connaissent goûteront le sens de l'exagération du père des «Trois Mousquetaires». L'endroit, écrira-t-il, est «à peu près aussi ignoré que l'île de Robinson Crnsoé», et les indigènes qui y demeurent parlent un patois si étrange qu'il faut communiquer par signes. Le séjour est néanmoins enchanteur. Chez la Mère Ozeraie, on sert à chaque repas les délices du cru, crevettes, côtelettes de pré-salé, sole, et l'homme profite du séjour pour faire une folie: aller se baigner. Voilà bien l'invention nouvelle qui va révolutionner ce que l'on n'appelle pas encore les vacances. Le bain de mer! Celui de Dumas est un mauvais exemple. Il y est allé à l'antique, nu comme une statue de Praxitèle. Les temps sont puritains, ce plaisir qui nous semble si naturel n'entre dans les moeurs que par des voies plus détournées. Ce sont les médecins anglais qui, à la fin du XVIIIe siècle, ont réussi à convaincre la haute société que cette pratique était souveraine pour soigner les «maladies des glandes», terme commode, il recouvrait n'importe quoi. De retour d'émigration, les aristocrates français vont rapporter cette curieuse coutume sur cette rive de la Manche. La mode en sera définitivement lancée à Dieppe en 1824, quand la duchesse de Berry elle-même, belle-fille de Charles X, mère de l'héritier du trône, coiffée d'une toque, vêtue d'une robe, chaussée de bottines, accompagnée de son médecin, soutenue par deux «maîtres baigneurs» et lorgnée par la foule massée sur le rivage, fait quelques mouvements dans l'eau, «à la lame», c'est-à-dire à marée montante, la seule qui, dit-on, soit vraiment curative. Une nouvelle folie est née. Elle n'est pas simple à pratiquer, on l'a compris, mais c'est à elle que la côte normande devra sa fortune, et la littérature quelques-uns de ses grands chocs.

    N'est-ce pas pour une baigneuse que le petit Flaubert, âgé de 15 ans, en 1836, en vacances avec ses parents dans un Trouville presque sauvage encore (on n'y trouve que deux auberges), ressentira son premier grand frisson? Elle se nomme Elsa Schlesinger, elle est mariée mais distraite: de retour du bain, elle oublie sa cape sur la rive. Le jeune Gustave la rend au mari et ne se remettra jamais de son amour fou pour la femme. Trouville si, qui d'année en année se métamorphose. On construit des bains, un casino, des hôtels, les planches. L'île de Robinson devient la station en vogue. Toute la capitale s'y presse bientôt. On y chantera: «Sur la plage, allons prendre l'air / Contemplons l'océan tranquille / Ah! si Paris avait la mer / Ce serait, un petit Trouville.» Evidemment, les anciens dépriment: «Comme je vous remercie de détester le Tronville moderne. Pauvre Tronville!» Bien des gens pensent cela aujourd'hui. Ils en ont bien le droit, on leur rappellera simplement que c'est ce qu'écrivait Flaubert en 1875. Mais les autres adorent. Michelet trouve que l'air est plus doux et meilleur pour la poitrine qu'à Dieppe ou au Havre. Les Goncourt, en 1867, y trouvent matière à leur mauvaise humeur: les enfants sont trop bruyants, les cloches de l'église font trop de bruit («elles sont pires qu'à Rome»), ils doivent faire table d'hôte avec des «femmes à barbe» et il faut changer le matelas, parce que l'un des frères s'est transformé «en saint Sébastien des puces». Mais quoi de meilleur, pour ces mauvais coucheurs de légende, que de pouvoir râler? Du coup, ils reviennent l'année suivante. Un peu plus tard, dans les années 1890, Proust y vient, une fois au Frémont - cette vieille maison hélas! presque en ruine aujourd'hui, sur les hauteurs de la ville -, ensuite aux Roches noires. Mais, finalement, il met le cap au sud, comme le fait pour nous Fabrice Pliskin, parti sur ses traces à Cabourg.

    L'INVENTION DU BRONZAGE
    Il est vrai que, sur la côte, le vieux peut paradis de Mozin et Dumas a des rivales. Zola, en 1875, a cherché des bains de mer pour tenter de redonner un peu de santé à sa pauvre épouse. Il va à Saint-Aubin et est médusé, si l'on ose écrire, par la mer: «C'est tout autre chose que la Méditerranée, c'est à la fois très laid et très grand.» En revanche, sa femme va vite mieux, et la pêche aux crevettes les enchante, surtout les crevettes rouges, incroyables, que l'on prend aux grandes marées. Et Deauville n'en finit pas de monter. Morny, le demi-frère de Napoléon III, l'a lancée. Son grand galop de chic, de courses, de roulette, de vrais princes et de fausses gloires, de Bottin mondain et de demi-mondaines n'en finit plus.

    Lancé par le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, Deauville n'en finit pas de monter.

    Dans les années 1910, une styliste encore peu connue, Gabrielle Chanel, a installé une boutique à côté du casino. Bientôt elle lancera une coutume qui paraît aussi incongrue que la baignade cent ans plus tôt: le bronzage. La saison compte tellement, maintenant, à l'ombre du Normandy, que «Comoedia», le journal culturel du moment, envoie pour la couvrir quelques talents prometteurs de la littérature. Par un bel été, accompagné du peintre André Rouveyre, chargé des croquis d'illustration, voici un pigiste nommé Apollinaire. Il est ravi. Leur hôtel pullule de jolies filles. Il va déjeuner à Villerville chez Alfred Savoir, un auteur dramatique «judéo polono français» qu'il trouve «sot pour un Juif, superficiel comme beaucoup de Polonais, mais gentil», mais il sent qu'il ne déplaît pas à sa «petite femme», polonaise également, tout comme il l'est lui-même, ne l'oublions pas. Ensuite, un verre chez Tristan Bernard, «laid et exquis». Tout est au mieux cette année-là, sinon le millésime: nous sommes en 1914. Le devoir les appelle, il faut rentrer fissa à Paris pour voir ce qui s'y passe. D'autres, ce même mois d'août, préfèrent le chemin inverse. Prudent, Guitry arrive au Normandy mais - juré, craché - c'est uniquement pour des raisons médicales: son médecin lui a conseillé le calme. L'hôtel bruit d'une faune pittoresque: une femme porte un jour de la zibeline, un autre du chinchilla, mais elle a tous les jours «une gueule de putois». Et le richissime comte Greffulhe arrive avec trois Rolls Royce, une pour lui, une pour ses malles et son valet de chambre, et une pour son «entremettier et son cuisinier» - cet homme n'aime pas voyager sans son confort. Le reste de la guerre sera moins drôle, tous les hôtels sont transformés en hôpitaux. Mais les années 1920 y seront aussi folles qu'ailleurs. Le peintre Foujita peint des robes à même la peau des femmes, et se fait tatouer une montre-bracelet sur le poignet, qui, à n'en pas douter, est juste deux fois par jour. Mistinguett débarque en auto de Villerville où elle a sa villa. La sublime Suzy Solidor traîne son chic altier sur les planches. Il faut attendre 1958, toutefois, pour croiser un nouvel événement littéraire essentiel et très simplement codé: par un fameux peut matin du 8 août, à huit heures, avec les 80 000 francs gagnés dans la nuit grâce au même chiffre magique évidemment, Sagan achète son fameux «manoir du Breuil», sa belle maison d'Equemauville. Il avait abrité d'autres plumes avant elle, c'est là que Guitry épousa une de ses femmes, mais la magie du huit ne devait pas fonctionner encore, comme chacun sait, il ne se maria que cinq fois. En 1963, encore un placement immobilier appelé à la postérité: Marguerite Duras achète son appartement dans un hôtel vendu en petit morceau, les Roches noires, et bientôt Didier Jacob nous en dira tout (p. X).

    Et pour nous, cette promenade écrite sur la Côte des lettres s'achève. Est-ce à dire que les écrivains d'aujourd'hui n'y viennent plus? Allons! De Jérôme Garcin à Patrick Rambaud, de François Bott à Christine Orban, pour ne citer qu'eux, il faudrait plutôt dire qu'ils y viennent tous. Mais pourquoi, lecteurs, devrions-nous faire le travail à votre place? Vous voilà ici, comme eux, pour l'été. Vous aussi, vous les croiserez un jour ou l'autre devant la lieutenance de Honneur, sur le marché de Trouville, les planches de Deauville, les chemins du pays d'Auge ou dans les salons de thé de Cabourg. Demandez-leur de vous raconter leur Normandie. Ils le feront de bon coeur. Même les écrivains, parfois, prennent des congés, et quoi de plus agréable, quand on est en vacances, que de bavarder entre vacanciers?

     

     

    François Reynaert
    Le Nouvel Observateur

    Source:http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350711.html

  • Baudelaire et les femmes 4. Le corps-paysage de Jeanne Duval

     5df903515018f2ff38d402232a161fd6.jpgDans mon mémoire de maîtrise,  

    « Le paysage dans les œuvres poétiques de Baudelaire et Nerval »  

    (en vente sur TBE:http://www.thebookedition.com/laura-vanel-coytte-des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-p-8154.html)  

    Dans la 1 ère partie consacrée à la poétique du paysage,  

            La symbolisation du paysage  

                  La sexualisation du paysage dans « Les Fleurs du Mal »       

                             Le corps tout entier.

     

    Pour métamorphoser le corps féminin en paysage, Baudelaire utilise d'abord la synesthésie(sur ce mot, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Synesth%C3%A9sie).  

    Ainsi, dans Parfum exotique, la correspondance s'établit entre l'odorat et la vision pour composer à partir du corps de Jeanne Duval un paysage marin paradisiaque :          

        Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
        Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
        Je vois se dérouler des rivages heureux
        Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ; (v.1-4)

     

      Dans Le Balcon, après une  invocation à la femme aimée, les analogies s'enchaînent les unes aux autres et suggèrent un paysage enveloppé de tièdes désirs  :  


       Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
        Que l'espace est profond ! Que le cœur est puissant !
        En me penchant vers toi, reine des adorées,
        Je croyais respirer le parfum de ton sang.
        Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées ! (v.11-15)

     

        Ce poème respire l'harmonie, non seulement dans le paysage, mais aussi entre l'homme et la femme. Cependant, on sait que les amours du poète ont rarement été heureux. En idéalisant la femme, il prend une revanche imaginaire sur elle.   Dans Le Beau Navire,  « Baudelaire épèle le monde grâce au corps de Jeanne (Duval ; citation de Michel Deguy, « Le corps de Jeanne » in « Poétique numéro 3,1970, p.335) » :

     

        Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large,
        Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,
        Chargé de toile, et va roulant
        Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent.

     

     
       Ta gorge triomphante est une belle armoire

     

        Tes nobles jambes sous les volants qu'elles chassent
        Tourmentent les désirs obscurs et les agacent,

     

        Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,
        Ta tête se pavane avec d'étranges grâces ;
        D'un air placide et triomphant
        Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.
    (v.5-8, 18,29-30 et 37-40)    

     

    Source de l’image : http://baudelaire.litteratura.com/?rub=vie&srub=per&id=5  (et une bio de Jeanne Duval)

  • Catégories : Le paysage

    « L'Art des paysages » PAR NILS BÜTTNER

    eee870f59f4342decbd8d8b399961f11.jpgCitadelles et Mazenod, 416 p ., 179 euros .
    Des fresques de Pompéi et Rome jusqu'aux tableaux de Gerhard Richter et Anselm Kiefer, voici un formidable voyage dans le monde des paysages européens. L'auteur de cette étude illustrée de chefs-d'oeuvre met en lumière les rapports entre les différentes conceptions du monde et les formes de représentation propres à chaque époque. Il apparaît ainsi que le paysage peint, loin d'être une simple image de la réalité, est une scène sur laquelle sont projetées les lumières de la religion, de la philosophie ou de la pensée sociale.

    Bernard Géniès

    Le Nouvel Observateur - 2221 - 31/05/2007

    Source:http://livres.nouvelobs.com/p2221/a345960.html

     

    1e933e8240c962abb9f0a4396ff48b4d.jpgLe marché de l'édition est un marché en crise selon les secteurs. Autant le livre jeunesse se porte bien, autant le livre d'art subit un certain passage à vide. Inquiétude des maisons d'édition concernées qui ont peur - faute de moyens - de ne pouvoir redresser la barre et risquent ainsi d'affronter le "naufrage". Gageons que ce ne sera pas le cas tant que des maisons comme Citadelles & Mazenod continueront de proposer des ouvrages du calibre de 'L'Art des paysages'.
    Nils Büttner livre ici une très belle anthologie de la peinture consacrée à ce genre pictural très présent dans l'art européen. L'historien allemand réussit la performance, trait suffisamment rare pour être souligné, d'allier la forme et le fond. Ces deux univers étant intrinsèquement liés, l'amateur néophyte aura le plaisir de feuilleter les pages, sans ordre préétabli, juste pour avoir l'heur de découvrir des toiles - célèbres ou plus confidentielles -, aussi diverses qu’estimables. Cependant, le ravissement des yeux ne prend pas pour autant l’ascendant sur le contentement de la science. Nils Büttner permet au lecteur d'appréhender l'histoire de la peinture "paysage" de l'Antiquité à nos jours - c'est dire la somme de connaissances ici mise en avant - à travers une réflexion quasi épistémologique de grande valeur.
    Le texte est fouillé, précis, documenté tout en restant accessible au plus grand nombre. La thématique chronologique (Antiquité, Moyen Age,Renaissance, XVIIe...) laisse tout de même la place à des regroupements thématiques internes à ces parties. Chacun pourra ainsi voyager à son gré dans les paysages qui lui correspondront le plus.
    Il est des beaux livres et de très beaux livres ; 'L'Art des paysages' fait partie de la seconde catégorie.

    f13ee14685d70c5b36c6fd9948f2a8a0.jpgSource des images et du 2 e article:http://www.evene.fr/livres/livre/nils-buttner-l-art-des-paysages-27464.php?critiques
    Guillaume Monier

  • Catégories : La peinture, Le paysage, Runge Philipp Otto

    Runge et le paysage

     

    En février 1802, dans une lettre à son frère, il écrit : « Nous sommes sur la frange de toutes les religions issus du Catholicisme. Les abstractions disparaissent, tout se fait plus aérien et plus léger, tout converge dans le paysage. On cherche à discerner quelque chose dans ce flou, sans savoir comment s’y prendre. Ne pourrait-on pas atteindre une apogée dans cet art nouveau ? – die Landschafterei, l’art du paysage pour le nommer ainsi. Une apogée plus belle, peut-être, que les précédentes ? Je veux représenter ma vie dans un cycle artistique. Quand disparaît le soleil et que la lune revêt d’or les nuages, je fixerai le cours des esprits. Si nous ne vivons pas la belle période de cet art, nous consacrerons notre vie à la susciter réellement et en vérité ».

    « Même les philosophes en viennent à l’idée que tout procède de notre imagination. Nous aussi nous voyons ou nous devons voir en chaque fleur l’esprit vivant que l’homme y introduit. Ainsi naîtra la peinture de paysage, tous les animaux et toutes les fleurs n’existant qu’à demi tant que l’homme ne leur a pas accordé sa meilleure part. L’homme imprègne donc les objets qui l’entourent de ses propres sentiments, il leur donne la signification et le langage propre de ses sentiments. »

     

    http://jm.saliege.com/runge.htm

     

  • Charles Baudelaire, "Le Salon de 1859", "Le paysage

    Si tel assemblage d’arbres, de montagnes, d’eaux et de maisons, que nous appelons un paysage, est beau, ce n’est pas par lui-même, mais par moi, par ma grâce propre, par l’idée ou le sentiment que j’y attache. C’est dire suffisamment, je pense, que tout paysagiste qui ne sait pas traduire un sentiment par un assemblage de matière végétale ou minérale n’est pas un artiste. Je sais bien que l’imagination humaine peut, par un effort singulier, concevoir un instant la nature sans l’homme, et toute la masse suggestive éparpillée dans l’espace sans un contemplateur pour en extraire la comparaison, la métaphore et l’allégorie. Il est certain que tout cet ordre et toute cette harmonie n’en gardent pas moins la qualité inspiratrice qui y est providentiellement déposée ; mais, dans ce cas, faute d’une intelligence qu’elle pût inspirer, cette qualité serait comme si elle n’était pas. Les artistes qui veulent exprimer la nature, moins les sentiments qu’elle inspire, se soumettent à une opération bizarre qui consiste à tuer en eux l’homme pensant et sentant, et malheureusement, croyez que, pour la plupart, cette opération n’a rien de bizarre ni de douloureux. Telle est l’école qui, aujourd’hui et depuis longtemps, a prévalu. J’avouerai, avec tout le monde, que l’école moderne des paysagistes est singulièrement forte et habile ; mais dans ce triomphe et cette prédominance d’un genre inférieur, dans ce culte niais de la nature, non épurée, non expliquée par l’imagination, je vois un signe évident d’abaissement général. Nous saisirons sans doute quelques différences d’habileté pratique entre tel et tel paysagiste ; mais ces différences sont bien petites. Elèves de maîtres divers, ils peignent tous fort bien, et presque tous oublient qu’un site naturel n’a de valeur que le sentiment actuel que l’artiste y sait mettre. La plupart tombent dans le défaut que je signalais au commencement de cette étude : ils prennent le dictionnaire de l’art pour l’art lui-même ; ils copient un mot du dictionnaire, croyant copier un poème. Or un poème ne se copie jamais : il veut être composé. Ainsi ils ouvrent une fenêtre, et tout l’espace compris dans le carré de la fenêtre, arbres, ciel et maison, prend pour eux la valeur d’un poème tout fait. Quelques-uns vont plus loin encore. A leurs yeux, une étude est un tableau. M. Français nous montre un arbre, un arbre antique, énorme il est vrai, et il nous dit : voilà un paysage. La supériorité de pratique que montrent MM. Anastasi, Leroux, Breton, Belly, Chintreuil, etc., ne sert qu’à rendre plus désolante et visible la lacune universelle. Je sais que M. Daubigny veut et sait faire davantage. Ses paysages ont une grâce et une fraîcheur qui fascinent tout d’abord. Ils transmettent tout de suite à l’âme du spectateur le sentiment originel dont ils sont pénétrés. Mais on dirait que cette qualité n’est obtenue par M. Daubigny qu’aux dépens du fini et de la perfection dans le détail. Mainte peinture de lui, spirituelle d’ailleurs et charmante, manque de solidité. Elle a la grâce, mais aussi la mollesse et l’inconsistance d’une improvisation. Avant tout, cependant, il faut rendre à M. Daubigny cette justice que ses œuvres sont généralement poétiques, et je les préfère avec leurs défauts à beaucoup d’autres plus parfaites, mais privées de la qualité qui le distingue.
       M. Millet cherche particulièrement le style ; il ne s’en cache pas, il en fait montre et gloire. Mais une partie du ridicule que j’attribuais aux élèves de M. Ingres s’attache à lui. Le style lui porte malheur. Ses paysans sont des pédants qui ont d’eux-mêmes une trop haute opinion. Ils étalent une manière d’abrutissement sombre et fatal qui me donne l’envie de les haïr. Qu’ils moissonnent, qu’ils sèment, qu’ils fassent paître des vaches, qu’ils tondent des animaux, ils ont toujours l’air de dire : « Pauvres déshérités de ce monde, c’est pourtant nous qui le fécondons ! Nous accomplissons une mission, nous exerçons un sacerdoce ! » Au lieu d’extraire simplement la poésie naturelle de son sujet, M. Millet veut à tout prix y ajouter quelque chose. Dans leur monotone laideur, tous ces petits parias ont une prétention philosophique, mélancolique et raphaélesque. Ce malheur, dans la peinture de M. Millet gâte toutes les belles qualités qui attirent tout d’abord le regard vers lui.
       M. Troyon est le plus bel exemple de l’habileté sans âme. Aussi quelle popularité ! Chez un public sans âme, il la méritait. Tout jeune, M. Troyon a peint avec la même certitude, la même habileté, la même insensibilité. Il y a de longues années, il nous étonnait déjà par l’aplomb de sa fabrication, par la rondeur de son jeu, comme on dit au théâtre, par son mérite infaillible, modéré et continu. C’est une âme, je le veux bien, mais trop à la portée de toutes les âmes. L’usurpation de ces talents de second ordre ne peut pas avoir lieu sans créer des injustices. Quand un autre animal que le lion se fait la part du lion, il y a infailliblement de modestes créatures dont la modeste part se trouve beaucoup trop diminuée. Je veux dire que dans les talents de second ordre cultivant avec succès un genre inférieur, il y en a plusieurs qui valent bien M. Troyon, et qui peuvent trouver singulier de ne pas obtenir tout ce qui leur est dû, quand celui-ci prend beaucoup plus que ce qui lui appartient. Je me garderai bien de citer ces noms ; la victime se sentirait peut-être aussi offensée que l’usurpateur.
       Les deux hommes que l’opinion publique a toujours marqués comme les plus importants dans la spécialité du paysage sont MM. Rousseau et Corot. Avec de pareils artistes, il faut être plein de réserve et de respect. M. Rousseau a le travail compliqué, plein de ruses et de repentirs. Peu d’hommes ont plus sincèrement aimé la lumière et l’ont mieux rendue. Mais la silhouette générale des formes est souvent ici difficile à saisir. La vapeur lumineuse, pétillante et ballottée, trouble la carcasse des êtres. M. Rousseau m’a toujours ébloui ; mais il m’a quelquefois fatigué. Et puis il tombe dans le fameux défaut moderne, qui naît d’un amour aveugle de la nature, de rien que la nature ; il prend une simple étude pour une composition. Un marécage miroitant, fourmillant d’herbes humides et marqueté de plaques lumineuses, un tronc d’arbre rugueux, une chaumière à la toiture fleurie, un petit bout de nature enfin, deviennent à ses yeux amoureux un tableau suffisant et parfait. Tout le charme qu’il sait mettre dans ce lambeau arraché à la planète ne suffit pas toujours pour faire oublier l’absence de construction.
       Si M. Rousseau, souvent incomplet, mais sans cesse inquiet et palpitant, a l’air d’un homme qui, tourmenté de plusieurs diables, ne sait auquel entendre, M. Corot, qui est son antithèse absolue, n’a pas assez souvent le diable au corps. Si défectueuse et même injuste que soit cette expression, je la choisis comme rendant approximativement la raison qui empêche ce savant artiste d’éblouir et d’étonner. Il étonne lentement, je le veux bien, il enchante peu à peu ; mais il faut savoir pénétrer dans sa science, car, chez lui, il n’y a pas de papillotage, mais partout une infaillible rigueur d’harmonie. De plus, il est un des rares, le seul peut-être, qui ait gardé un profond sentiment de la construction, qui observe la valeur proportionnelle de chaque détail dans l’ensemble, et, s’il est permis de comparer la composition d’un paysage à la structure humaine, qui sache toujours où placer les ossements et quelle dimension il leur faut donner. On sent, on devine que M. Corot dessine abréviativement et largement, ce qui est la seule méthode pour amasser avec célérité une grande quantité de matériaux précieux. Si un seul homme avait pu retenir l’école française moderne dans son amour impertinent et fastidieux du détail, certes c’était lui. Nous avons entendu reprocher à cet éminent artiste sa couleur un peu trop douce et sa lumière presque crépusculaire. On dirait que pour lui toute la lumière qui inonde le monde est partout baissée d’un ou de plusieurs tons. Son regard, fin et judicieux, comprend plutôt tout ce qui confirme l’harmonie que ce qui accuse le contraste. Mais, en supposant qu’il n’y ait pas trop d’injustice dans ce reproche, il faut remarquer que nos expositions de peinture ne sont pas propices à l’effet des bons tableaux, surtout de ceux qui sont conçus et exécutés avec sagesse et modération. Un son de voix clair, mais modeste et harmonieux, se perd dans une réunion de cris étourdissants ou ronflants, et les Véronèse les plus lumineux paraîtraient souvent gris et pâles s’ils étaient entourés de certaines peintures modernes plus criardes que des foulards de village.
       Il ne faut pas oublier, parmi les mérites de M. Corot, son excellent enseignement, solide, lumineux, méthodique. Des nombreux élèves qu’il a formés, soutenus ou retenus loin des entraînements de l’époque, M. Lavieille est celui que j’ai le plus agréablement remarqué. Il y a de lui un paysage fort simple : une chaumière sur une lisière de bois, avec une route qui s’y enfonce. La blancheur de la neige fait un contraste agréable avec l’incendie du soir qui s’éteint lentement derrière les innombrables mâtures de la forêt sans feuilles. Depuis quelques années, les paysagistes ont plus fréquemment appliqué leur esprit aux beautés pittoresques de la saison triste. Mais personne, je crois, ne les sent mieux que M. Lavieille. Quelques-uns des effets qu’il a souvent rendus me semblent des extraits du bonheur de l’hiver. Dans la tristesse de ce paysage, qui porte la livrée obscurément blanche et rose des beaux jours d’hiver à leur déclin, il y a une volupté élégiaque irrésistible que connaissent tous les amateurs de promenades solitaires.
       Permettez-moi, mon cher, de revenir encore à ma manie, je veux dire aux regrets que j’éprouve de voir la part de l’imagination dans le paysage de plus en plus réduite. Çà et là, de loin en loin, apparaît la trace d’une protestation, un talent libre et grand qui n’est plus dans le goût du siècle. M. Paul Huet, par exemple, un vieux de la vieille, celui-là ! (je puis appliquer aux débris d’une grandeur militante comme le Romantisme, déjà si lointaine, cette expression familière et grandiose) ; M. Paul Huet reste fidèle aux goûts de sa jeunesse. Les huit peintures, maritimes ou rustiques, qui doivent servir à la décoration d’un salon, sont de véritables poèmes pleins de légèreté, de richesse et de fraîcheur. Il me paraît superflu de détailler les talents d’un artiste aussi élevé et qui a autant produit ; mais ce qui me paraît en lui de plus louable et de plus remarquable, c’est que pendant que le goût de la minutie va gagnant tous les esprits de proche en proche, lui, constant dans son caractère et sa méthode, il donne à toutes ses compositions un caractère amoureusement poétique.
       Cependant il m’est venu cette année un peu de consolation, par deux artistes de qui je ne l’aurais pas attendue. M. Jadin, qui jusqu’ici avait trop modestement, cela est évident maintenant, limité sa gloire au chenil et à l’écurie, a envoyé une splendide vue de Rome prise de l’Arco di Parma. Il y a là, d’abord les qualités habituelles de M. Jadin, l’énergie et la solidité, mais de plus une impression poétique parfaitement bien saisie et rendue. C’est l’impression glorieuse et mélancolique du soir descendant sur la cité sainte, un soir solennel, traversé de bandes pourprées, pompeux et ardent comme la religion romaine. M. Clésinger, à qui la sculpture ne suffit plus, ressemble à ces enfants d’un sang turbulent et d’une ardeur capricante, qui veulent escalader toutes les hauteurs pour y inscrire leur nom. Ses deux paysages, Isola Farnese et Castel Fusana, sont d’un aspect pénétrant, d’une native et sévère mélancolie. Les eaux y sont plus lourdes et plus solennelles qu’ailleurs, la solitude plus silencieuse, les arbres eux-mêmes plus monumentaux. On a souvent ri de l’emphase de M. Clésinger ; mais ce n’est pas par la petitesse qu’il prêtera jamais à rire. Vice pour vice, je pense comme lui que l’excès en tout vaut mieux que la mesquinerie.
       Oui, l’imagination fait le paysage. Je comprends qu’un esprit appliqué à prendre des notes ne puisse pas s’abandonner aux prodigieuses rêveries contenues dans les spectacles de la nature présente ; mais pourquoi l’imagination fuit-elle l’atelier du paysagiste ? Peut-être les artistes qui cultivent ce genre se défient-ils beaucoup trop de leur mémoire et adoptent-ils une méthode de copie immédiate qui s’accommode parfaitement à la paresse de leur esprit. S’ils avaient vu comme j’ai vu récemment, chez M. Boudin qui, soit dit en passant, a exposé un fort bon et fort sage tableau (le Pardon de sainte Anne Palud), plusieurs centaines d’études au pastel improvisées en face de la mer et du ciel, ils comprendraient ce qu’ils n’ont pas l’air de comprendre, c’est-à-dire la différence qui sépare une étude d’un tableau. Mais M. Boudin, qui pourrait s’enorgueillir de son dévouement à son art, montre très modestement sa curieuse collection. Il sait bien qu’il faut que tout cela devienne tableau par le moyen de l’impression poétique rappelée à volonté ; et il n’a pas la prétention de donner ses notes pour des tableaux. Plus tard, sans aucun doute, il nous étalera, dans des peintures achevées, les prodigieuses magies de l’air et de l’eau. Ces études, si rapidement et si fidèlement croquées d’après ce qu’il y a de plus inconstant, de plus insaisissable dans sa forme et dans sa couleur, d’après des vagues et des nuages, portent toujours, écrits en marge, la date, l’heure et le vent ; ainsi, par exemple : 8 octobre, midi, vent de nord-ouest. Si vous avez eu quelquefois le loisir de faire connaissance avec ces beautés météorologiques, vous pouvez vérifier par mémoire l’exactitude des observations de M. Boudin. La légende cachée avec la main, vous devineriez la saison, l’heure et le vent. Je n’exagère rien. J’ai vu. A la fin tous ces nuages aux formes fantastiques et lumineuses, ces ténèbres chaotiques, ces immensités vertes et roses, suspendues et ajoutées les unes aux autres, ces fournaises béantes, ces firmaments de satin noir ou violet, fripé, roulé ou déchiré, ces horizons en deuil ou ruisselants de métal fondu, toutes ces profondeurs, toutes ces splendeurs, me montèrent au cerveau comme une boisson capiteuse ou comme l’éloquence de l’opium. Chose assez curieuse, il ne m’arriva pas une seule fois, devant ces magies liquides ou aériennes, de me plaindre de l’absence de l’homme. Mais je me garde bien de tirer de la plénitude de ma jouissance un conseil pour qui que ce soit, non plus que pour M. Boudin. Le conseil serait trop dangereux. Qu’il se rappelle que l’homme, comme dit Robespierre, qui avait soigneusement fait ses humanités, ne voit jamais l’homme sans plaisir ; et, s’il veut gagner un peu de popularité, qu’il se garde bien de croire que le public soit arrivé à un égal enthousiasme pour la solitude.
       Ce n’est pas seulement les peintures de marine qui font défaut, un genre pourtant si poétique ! (je ne prends pas pour marines des drames militaires qui se jouent sur l’eau), mais aussi un genre que j’appellerais volontiers le paysage des grandes villes, c’est-à-dire la collection des grandeurs et des beautés qui résultent d’une puissante agglomération d’hommes et de monuments, le charme profond et compliqué d’une capitale âgée et vieillie dans les gloires et les tribulations de la vie.
       Il y a quelques années, un homme puissant et singulier, un officier de marine, dit-on, avait commencé une série d’études à l’eau-forte d’après les points de vue les plus pittoresques de Paris. Par l’âpreté, la finesse et la certitude de son dessin, M. Meryon rappelait les vieux et excellents aquafortistes. J’ai rarement vu représentée avec plus de poésie la solennité naturelle d’une ville immense. Les majestés de la pierre accumulée, les clochers montrant du doigt le ciel, les obélisques de l’industrie vomissant contre le firmament leurs coalitions de fumée, les prodigieux échafaudages des monuments en réparation, appliquant sur le corps solide de l’architecture leur architecture à jour d’une beauté si paradoxale, le ciel tumultueux, chargé de colère et de rancune, la profondeur des perspectives augmentée par la pensée de tous les drames qui y sont contenus, aucun des éléments complexes dont se compose le douloureux et glorieux décor de la civilisation n’était oublié. Si Victor Hugo a vu ces excellentes estampes, il a dû être content ; il a retrouvé, dignement représentée, sa
       
    Morne Isis, couverte d’un voile !
       Araignée à l’immense toile,
       Où se prennent les nations !
       Fontaine d’urnes obsédée !
       Mamelle sans cesse inondée,
       Où, pour se nourrir de l’idée,
       Viennent les générations !
       . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
       Ville qu’un orage enveloppe !


       Mais un démon cruel a touché le cerveau de M. Meryon ; un délire mystérieux a brouillé ces facultés qui semblaient aussi solides que brillantes. Sa gloire naissante et ses travaux ont été soudainement interrompus. Et depuis lors nous attendons toujours avec anxiété des nouvelles consolantes de ce singulier officier, qui était devenu en un jour un puissant artiste, et qui avait dit adieu aux solennelles aventures de l’Océan pour peindre la noire majesté de la plus inquiétante des capitales.
       Je regrette encore, et j’obéis peut-être à mon insu aux accoutumances de ma jeunesse, le paysage romantique, et même le paysage romanesque qui existait déjà au dix-huitième siècle. Nos paysagistes sont des animaux beaucoup trop herbivores. Ils ne se nourrissent pas volontiers des ruines, et, sauf un petit nombre d’hommes tels que Fromentin, le ciel et le désert les épouvantent. Je regrette ces grands lacs qui représentent l’immobilité dans le désespoir, les immenses montagnes, escaliers de la planète vers le ciel, d’où tout ce qui paraissait grand paraît petit, les châteaux forts (oui, mon cynisme ira jusque-là), les abbayes crénelées qui se mirent dans les mornes étangs, les ponts gigantesques, les constructions ninivites, habitées par le vertige, et enfin tout ce qu’il faudrait inventer, si tout cela n’existait pas !
       Je dois confesser en passant que, bien qu’il ne soit pas doué d’une originalité de manière bien décidée, M. Hildebrandt, par son énorme exposition d’aquarelles, m’a causé un vif plaisir. En parcourant ces amusants albums de voyage il me semble toujours que je revois, que je reconnais ce que je n’ai jamais vu. Grâce à lui, mon imagination fouettée s’est promenée à travers trente-huit paysages romantiques, depuis les remparts sonores de la Scandinavie jusqu’aux pays lumineux des ibis et des cigognes, depuis le Fiord de Séraphitus jusqu’au pic de Ténériffe. La lune et le soleil ont tour à tour illuminé ces décors, l’un versant sa tapageuse lumière, l’autre ses patients enchantements.
       Vous voyez, mon cher ami, que je ne puis jamais considérer le choix du sujet comme indifférent, et que, malgré l’amour nécessaire qui doit féconder le plus humble morceau, je crois que le sujet fait pour l’artiste une partie du génie, et pour moi, barbare malgré tout, une partie du plaisir. En somme, je n’ai trouvé parmi les paysagistes que des talents sages ou petits, avec une très grande paresse d’imagination. Je n’ai pas vu chez eux, chez tous, du moins, le charme naturel, si simplement exprimé, des savanes et des prairies de Catlin (je parie qu’ils ne savent même pas ce que c’est que Catlin), non plus que la beauté surnaturelle des paysages de Delacroix, non plus que la magnifique imagination qui coule dans les dessins de Victor Hugo, comme le mystère dans le ciel. Je parle de ses dessins à l’encre de Chine, car il est trop évident qu’en poésie notre poète est le roi des paysagistes.
       Je désire être ramené vers les dioramas dont la magie brutale et énorme sait m’imposer une utile illusion. Je préfère contempler quelques décors de théâtre, où je trouve artistement exprimés et tragiquement concentrés mes rêves les plus chers : Ces choses, parce qu’elles sont fausses, sont infiniment plus près du vrai ; tandis que la plupart de nos paysagistes sont des menteurs, justement parce qu’ils ont négligé de mentir.

    http://baudelaire.litteratura.com/?rub=oeuvre&srub=cri&id=473

  • Il y a un an en France. Paris 1

    medium_20060204PlaceVosgesMVHugo.jpg Exposition :Cet immense rêve de l'océan... Paysages de mer et autres sujets marins par Victor Hugo
    2 décembre 2005- 5 mars 2006 - prolongation jusqu'au 19 mars 2006.

     

    A la Maison de Victor Hugo (que j’avais déjà visitée auparavant).

     

     

     

    Hôtel de Rohan-Guéménée
    6, place des Vosges
    75004 Paris
    Tél. : 01 42 72 10 16
    Fax. : 01 42 72 06 64

     

     

    Photo :Place des Vosges et l’hôtel de de Rohan-Guéménée au fond

     

    « Rendez-vous compte de l’état de mon esprit dans la solitude splendide où je vis, comme perché à la pointe d’une roche, ayant toutes les grandes écumes des vagues et toutes les grandes nuées du ciel sous ma fenêtre. J’habite dans cet immense rêve de l’océan, je deviens peu à peu un somnambule de la mer, et, devant tous ces prodigieux spectacles et toute cette énorme pensée vivante où je m’abîme, je finis par ne plus être qu’une espèce de témoin de Dieu.

    C’est de cette éternelle contemplation que je m’éveille pour vous écrire. Prenez donc ma lettre comme elle est, prenez ma pensée comme elle vient, un peu décousue, un peu dénouée par toute cette gigantesque oscillation de l’infini. »

    C’est de cette lettre adressée en 1856 au jeune poète belge, Franz Stevens, par l’exilé de Guernesey, que la maison de Victor Hugo à Paris a emprunté le titre de son exposition : « Cet immense rêve de l’océan…, Paysages de mer et autres sujets marins par Victor Hugo »

    Cette exposition sur le thème de la mer se tient jusqu’au 5 mars 2006 à la Maison de Victor Hugo (6, place des Vosges, 75004 Paris). Elle fait suite à l'acquisition de l’exceptionnelle édition des Travailleurs de la mer, exemplaire de l’auteur enrichi de dessins inédits, lettres et "copeaux" (notes et premiers essais de texte). Outre ces documents inédits, le musée présente des photographies de l’exil à Jersey puis à Guernesey, une centaine de dessins de Hugo (dont les magnifiques phares des Casquets et d'Eddystone), provenant de collections privées et de différents musées, et 45 gravures de Fortuné Méaulle réalisés à partir de dessins de l’auteur des Travailleurs de la mer.

    Dans une des lettres écrites de Hauteville (Guernesey) à ses fils Charles et François-Victor, nous découvrons que les Travailleurs de la mer n’était pas le titre initialement prévu : « Le collectionnement est terminé, j’ai gardé jusqu’à présent le secret du titre, je vous le confie à vous, mes bien-aimés. Ne le dites encore à personne, le livre sera intitulé L’abîme. »

    Après l’exposition de la Bibliothèque nationale de France sur Victor Hugo - l’homme océan, en 2002, voici une nouvelle occasion de pénétrer l'univers imaginaire et grandiose de celui qui fut tout à la fois poète, romancier et dessinateur de l’océan.

    Source :http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/20060204.htm

    Pour voir le catalogue de l’exposition : http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/pdf/20060204_PRESSE_Cet_immense_reve.pdf

     

     

     

    Pour voir l’exposition de la BNF , "Victor Hugo, l’homme océan " : http://expositions.bnf.fr/hugo/index.htm

  • Catégories : Le paysage

    Panorama du panorama

    Voir le paysage et le représenter: une expérience esthétique et politique.
    Par Jean-Baptiste MARONGIU
    QUOTIDIEN : jeudi 14 décembre 2006
    michel baridon Naissance et renaissance du paysage Actes Sud, 414 pp., 32 €.
    L e paysage est une portion de l'espace qu'un observateur embrasse du regard en lui conférant une signification globale et un pouvoir sur ses émotions» :  plus qu'une définition, c'est là le principe structurant Naissance et renaissance du paysage, de Michel Baridon A double titre. D'un côté, l'ouvrage entend en effet rendre raison de l'existence de la chose depuis toujours (bien avant, en tout cas, que le nom ne commence à exister, à la fin du XVIe siècle). De l'autre, il chemine dans les discours pour reconstituer l'histoire qui, depuis l'invention des écritures, a façonné, en les fixant et en les transmettant, nos manières de voir et de représenter le paysage. Historien des jardins et des paysages, Michel Baridon a enseigné la civilisation britannique à l'université de Bourgogne.
    Quoi qu'ils aient pu ressentir devant ce qu'on appelle aujourd'hui un paysage, les anciens Egyptiens ne nous en ont légué que des aperçus succincts, puisqu'ils ne possédaient pas les moyens techniques de faire apparaître trois dimensions sur une surface plane. On le comprend : une chose est de voir un paysage, une autre de le représenter. Mais là où la reproduction par l'image échoue, les textes écrits, même les plus reculés, savent témoigner et d'un monde que le temps allait engloutir et de la sensibilité grandissante, voire d'une tendance irrépressible, des sociétés humaines à «paysager» ce même monde. L'érudition de Baridon est inépuisable, qui collecte, relie, confronte ces textes vénérables qui tous, la Bible en tête, donnent moins un paysage à voir qu'un paysage à imaginer.
    C'est en Grèce ancienne qu'ont été élaborées les techniques donnant lieu aux premiers paysages peints, où l'espace est représenté à la fois dans son ampleur cosmique et comme une entité que le regard peut mesurer et rendre intelligible. Mais comment se fait-il que le paysage ­ production (du) sensible ­ ne se soit manifesté que là où l'explication du réel a commencé à se faire de manière scientifique, au point de rencontre de l'observation et de l'abstraction ? Le paradoxe n'est qu'apparent. C'est justement parce que les Grecs ont vécu dans un espace construit qu'ils ont été capables de le représenter sensiblement : «Ils ont été les premiers à utiliser le même outil mathématique pour tracer les plans de leurs cités, pour délimiter leurs champs, pour établir des cartes et surtout pour échafauder une théorie de la vision.» On peut lire une carte géographique et contempler le cosmos : dans le premier cas, on se donne les moyens de maîtriser l'espace ; dans le second, on s'y abandonne en se laissant envahir par le sentiment de l'infini : «Ces images du monde n'excluent nullement, dans le vécu quotidien, ce lien personnel avec des lieux donnés, ce bonheur de voir des horizons amis qui font le charme de la littérature grecque.» 
    Dans l'histoire du paysage, la diffusion des techniques et leur mise en oeuvre, Rome n'a pas fait que changer d'échelle par rapport à la Grèce. Elle a apporté aussi une sensibilité toute latine à la matière, une manière d'habiter le monde et de le représenter plus terrienne, pour ainsi dire, que les Grecs. Mais la ligne des transformations n'est pas aisée à établir étant donné la rareté des exemples grecs qui nous sont parvenus (quelques fresques, un nombre infime de peintures sur bois, aucun paysage sur toile), alors que la production romaine (à commencer par Pompéi) est imposante. On peut parler d'une véritable évolution du goût, selon Michel Baridon, dont témoigne par exemple une personnalité comme Pline le Jeune, grand collectionneur de tableaux représentant la nature, amateur de beaux paysages et écrivain inspiré par les uns et les autres.
    On a mis sur le compte du christianisme et/ou des invasions barbares la disparition du paysage, tout autant dans le discours que dans les oeuvres. Il est certain qu'avec la nouvelle religion, la ligne d'horizon prend d'autres significations, valorisant tout ce qu'on ne voit pas, l'au-delà de cette ligne justement, au discrédit de l'en deçà, le visible. Pauvres ou riches, ignorants ou cultivés, les gens continuent à aimer cette terre, à être attachés à ses beautés, probablement à en jouir et à en souffrir s'ils en sont arrachés ­ mais le discours ne suit pas, ni les techniques, en partie perdues, comme si le paysage n'avait pas disparu mais s'était éclipsé.
    Pour que le paysage renaisse, pour qu'il redevienne un sujet pour les peintres, les philosophes et les écrivains, il aura fallu, au sortir du Moyen Age, que la nature elle-même s'affirme comme un sujet en soi. Cela n'a pu se faire qu'avec une avancée dans la maîtrise des moyens techniques, aptes à rendre visible la profondeur de l'espace, à travers le retour et la valorisation de l'héritage artistique, littéraire, scientifique gréco-romain. Aussi, à l'aube du XIVe siècle, l'optique était-elle en mesure d'établir un rapport entre l'oeil humain, l'éventail des couleurs et la géométrie. La perspective est en train de naître, sur laquelle se bâtira la manière moderne de saisir et de représenter le paysage. Pétrarque, avec le récit de son ascension du mont Ventoux, et Ambrogio Lorenzetti, dans les fresques sur les effets du bon et du mauvais gouvernement dans le Palazzo pubblico de Sienne, exemplifient parfaitement, aux yeux de Michel Baridon qui interrompt ici son enquête, cette renaissance du paysage après un millénaire d'enfouissement. Depuis, embrasser du regard un paysage requiert qu'on mobilise les sens et l'intelligence, pour aboutir à une expérience à la fois esthétique et éthique, individuelle et sociale, bref politique ­ en ce qu'elle engage la responsabilité de l'homme face au visible.

  • Catégories : La peinture, Le paysage

    Le "Weltlandschaft", ou paysage du monde

    (medium_patinir.jpghttp://www.filosofia.tk)

     

    Un pas très important fut franchi dans l’émancipation du paysage lorsque s’opéra un renversement dans la relation qu’il entretenait avec les figures et, qu’au lieu de leur servir simplement d’arrière-fond, il tendit à devenir l’élément principal du tableau dont témoigne par excellence l’oeuvre de Patinir. Sans doute est-il vrai que les compositions de cet artiste représentent plutôt, en un sens, le dernier terme d’une évolution, celle des arrière-fonds du paysage médiéval (de Hesdin, de Limbourg, Gb lIa, Duccio, Martini, Lorenzetti...).

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  • Catégories : Le paysage

    Le paysage dans l'art occidental

    Lors de mes études universitaires(cf. mes travaux universitaires), je me suis beaucoup intéressée au paysage dans la littérature et dans la peinture. Je continue à le faire aujourd’hui.

    La Naissance du genre

    Le "Weltlandschaft", ou paysage du monde

    Le paysage hollandais et "l’esthétique de l’espace vacant"

    Le paysage classique ou "idéal"

    Le(s) paysage(s) romantique(s)

    Le paysage impressionniste

    Le "dé-paysage" du XXe siècle

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