C'est le train du futur. Alstom doit présenter demain en présence du président Nicolas Sarkozy sa nouvelle génération de TGV. Elle a été baptisée automotrice à grande vitesse (AGV). Elle est le fruit de dix années d'études. La plupart des innovations ont été testées sur la rame V360 qui a battu en avril dernier le record du monde de vitesse (574 km/h). Le principal changement est le passage à la motorisation dite «répartie» : ce ne sont plus les locomotives qui tirent ou poussent les voitures de voyageurs comme sur les TGV actuels. Les rames sont toutes motrices. Ce système offre davantage de place aux passagers puisque les locomotives deviennent des wagons : seule leur extrémité est dévolue au poste de pilotage. Plus puissant, ce système de motorisation permet aux trains d'atteindre 360 km/h en vitesse commerciale. Autres avantages : le passager bénéficie de plus de confort et de plus de silence.
Cette quatrième génération de TGV est proposée en plusieurs versions à la sortie des chantiers Alstom de La Rochelle. «Nous avons voulu que notre offre soit flexible et modulable, explique un cadre du groupe. L'AGV est un train européen qui se décline en plusieurs versions en fonction des besoins de nos clients. » Il existe ainsi une version « train régional» qui roulera à 200 km/h et une version TGV qui pourra rouler à 360 km/h. Le train est également proposé en plusieurs versions de 140 à 300 mètres de longueur. Il n'y aura cependant pas de TGV duplex. «La motorisation répartie occupe beaucoup de place sous le premier niveau. Il était impossible de faire un train à deux étages qui puisse passer sous les caténaires», observe un proche du dossier. Les équipements comme les écrans de télévision ou les prises de courant seront également laissés au choix du client.
Plus puissant et plus rapide, l'AGV ne sera pas plus polluant que son prédécesseur. Alstom assure qu'à 360 km/h il consommera moins que les premiers TGV qui roulaient à 260 km/h grâce à une meilleure aérodynamique et aux progrès réalisés en motorisation. «À vitesse égale, l'AGV consommera 20% de moins que les TGV actuels. Sa consommation sera donc identique quand il roulera à 360 km/h à celle des trains qui roulent aujourd'hui à 300 km/h», assure un cadre de l'industriel. Un travail important a également été réalisé pour réduire les nuisances sonores. L'AGV produira 90 décibels contre 100 pour le TGV Paris-Marseille et 120 pour un avion au décollage.
Premier succès en Italie
Ce n'est pas en France mais en Italie que le nouveau train devrait faire ses premiers trajets. Ce sera dès 2009 entre Rome et Naples. Alstom a en effet remporté sa première victoire commerciale avec l'AGV avant même de le dévoiler au grand public. La commande a été signée début janvier pour une trentaine de rames. Elle a été passée par Nuovo Trasporto Viaggiatori (NTV), une société privée de chemin de fer créée par Luca Cordero di Montezemolo, président de Fiat et de Ferrari, et par Diego Della Valle, président de Tod's. Il faudra attendre 2014 pour voir l'AGV rouler en France. La SNCF doit lancer en fin d'année un gigantesque appel d'offres pour le remplacement de son parc de TGV. Ce dernier a vieilli, certaines rames roulant depuis le début des années 1980. Celles-ci devraient être remplacées au rythme de 15 à 20 par an à partir de 2014 et ce jusqu'en 2020. D'après nos informations, ce marché atteindra entre 7 et 9 milliards d'euros.
Malgré son optimisme, Alstom qui a perdu l'an dernier le marché des trains d'Ile-de-France face au canadien Bombardier, n'est pas sûr de remporter la mise. La SNCF semble en effet bien décidée à faire jouer la concurrence. Bombardier sera encore là avec son nouveau TGV baptisé Zefiro. Il faudra également compter avec l'allemand Siemens et son Velaro qui roule déjà à 350 km/h en Espagne. Les trois TGV sont équipés de motorisation répartie. Siemens a l'avantage de maîtriser cette technologie depuis dix ans en Allemagne.
Ces trois modèles de la dernière génération de TGV pourraient bien coexister un jour sur le réseau français. Avec l'ouverture du marché à la concurrence en 2010, de nouveaux concurrents de la SNCF vont arriver en France avec leur propre matériel roulant. D'autre part, un choix à la Salomon est possible à la SNCF. «Nous n'excluons pas de diviser notre marché en lots, indique un responsable de la SNCF. Nous réfléchissons à la possibilité d'avoir une offre “business” avec des trains Siemens réputés pour leur confort et une offre plus classique à bord des TGV Alstom qui sont plus frustes mais moins chers.» La compétition s'annonce donc rude pour le nouveau joyau d'Alstom.
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