Amanda Cross, Ruth Rendell, Dorothy Sayers. Féminisme et roman policier |
Ilana Löwy
| Plan de l'article | | |
Entre les deux guerres, le roman policier anglais est devenu une spécialité féminine. Les livres d’Agatha Christie, de Dorothy Sayers, et, un peu plus tard, de Ngaio Marsh et de Josephine Tey ont solidement établi la popularité des polars qui mélangeaient allègrement l’arsenic et les veilles dentelles. La place importante occupée par des femmes parmi les auteurs de polars n’est pas surprenante dans un pays où une proportion importante de romanciers renommés sont des romancières. D’autant plus que la publication des romans policiers fut une activité lucrative, un atout non-négligeable dans une période d’accès limité des femmes à certains métiers.
Les « grandes dames anglaises » du polar ont rénové le genre en introduisant des intrigues ingénieuses, des descriptions minutieuses de certains milieux sociaux (en règle générale, les classes supérieures et moyennes, et les milieux intellectuels et artistiques), de fines études psychologiques, de l’humour et de l’ironie, et, surtout, des détectives de sexe féminin.
• Féminisation du polar : la nouvelle héroïne | |
Ces détectives-femmes sont souvent plus vivantes et attrayantes que les détectives masculins créés par les mêmes auteures. Parmi les plus anciennes, la célèbre Miss Marple d’Agatha Christie est une vieille dame agréable, malicieuse, et extrêmement intelligente ; et elle n’a aucun des attributs ridicules d’un Hercule Poirot, Belge à moustache cirée, chaussures trop étroites, maniaque de l’ordre, et à l’ego en proportion inverse de sa petite taille. De même, si Lord Peter Whimsey, créé par Dorothy Sayers, porte un monocle, souffre de cauchemars récurrents, et est originaire d’une famille noble dans laquelle l’excentricité se conjugue à la bêtise et la folie, sa contrepartie féminine, Harriet Wane, est une jeune femme saine et énergique, fille d’un médecin de campagne, dotée de bon sens, de joie de vivre, et d’un solide goût pour l’amitié.
Cependant, le trait le plus important de ces femmes détectives est l’excellence de leurs capacités intellectuelles. Depuis les Aventures de Sherlock Holmes, l’attribut principal du détective dans un roman policier « classique » est sa capacité d’analyser l’évidence et d’opérer des déductions logiques. Si les femmes détectives – comme leurs collègues masculins – sont occasionnellement confrontées à des situations dangereuses, et sont capables de montrer leur courage, elles sont surtout très intelligentes.
Les changements importants intervenus dans la situation des femmes depuis les années soixante ont eu des conséquences dans les polars, notamment d’action. Les femmes-détectives, officiers de police, juges, médecins-légistes, journalistes, détectives privés, et même gardes du corps, sont omniprésentes dans les polars contemporains, en particulier ceux (toujours plus nombreux) écrits par des femmes. En outre, ces romans, souvent américains, font un effort délibéré pour offrir une grande diversité d’héroïnes. Ces nouvelles enquêtrices ont des origines ethniques très diverses, un niveau d’éducation variable, des vies privées compliquées, et souffrent parfois d’un handicap ou d’une maladie chronique. Elles manient des armes à feu, sont entraînées aux techniques de combat, affrontent des criminels dangereux, risquent des coups et blessures. De plus, à l’instar des héros mâles, elles ont droit à une vie sexuelle souvent aventureuse, et leur sexualité peut jouer un rôle important dans l’intrigue. Il faut toutefois distinguer l’avènement des femmes dans des rôles exclusivement réservés auparavant aux hommes, de l’apparition dans le polar d’une thématique proprement féministe.
| • Le polar féministe | |
Les polars dits « féministes » sont une minorité parmi ceux, très nombreux, écrits par des femmes. La plupart d’entre eux sont plaisants à lire, présentent des idées « politiquement correctes » du point de vue féministe, et ne se détachent pas vraiment de la production moyenne dans ce domaine. Je m’attarderai ici sur l’œuvre de deux auteures de polars à succès dont les livres, d’une excellente qualité, peuvent en même temps stimuler la réflexion sur les rapports entre hommes et femmes : l’Américaine Amanda Cross et la Britannique Ruth Rendell.
Toutes deux ont commencé à publier des polars au début des années soixante (donc avant l’essor de la deuxième vague du féminisme), et leurs idées féministes se sont développées et affirmées avec le temps. Il y a cependant, outre la différence de nationalité et la spécificité de leur talent – Cross est perçue comme un bon écrivain de polars, Rendell comme un bon écrivain tout court – une différence de statut. Rendell est une écrivaine professionnelle, vivant de sa plume. Cross est le pseudonyme d’une professeure de littérature anglaise à l’université de Colombia (NY), Carolyn Heilbrun, et auteure de plusieurs ouvrages théoriques importants sur genre et littérature [1].
Pendant une quinzaine d’années, C. Heilbrun a gardé secrète l’identité d’Amanda Cross, afin d’éviter à la fois toute conséquence fâcheuse pour sa carrière universitaire, mais aussi pour avoir un « espace de liberté » et le plaisir de posséder une double personnalité. Son héroïne, Kate Fansler, professeure de littérature anglaise dans une université à New York et détective à ses heures libres, est un portrait idéalisé d’Heilbrun elle-même, débarrassée de ses problèmes de poids et de ses origines juives, mais toujours munie d’un esprit vif et de solides connaissances littéraires. Dans ses premières apparitions, Fansler est présentée comme vaguement « progressiste ». Son féminisme s’affiche clairement pour la première fois en 1981, dans Mort d’un professeur titulaire [2]. Dans ce polar, Fansler tente d’aider une collègue, première femme professeure au département de littérature anglaise de Harvard. Les enseignants du département, forcés par la direction de l’université d’accepter cette nomination, tentent de trouver la candidate la moins dérangeante possible, c’est-à-dire une femme à la réputation professionnelle irréprochable, ouvertement hostile au féminisme et entièrement convaincue que la prétendue discrimination liée au sexe n’est qu’une invention de femmes paresseuses et médiocres. Hélas, sa confiance s’effondre face à l’hostilité déclarée de ses collègues masculins, tandis que son refus obstiné de reconnaître l’existence du sexisme et de s’allier à d’autres femmes de son milieu professionnel accroît son isolement et son désespoir. Confrontée à une série d’humiliations, elle sera retrouvée morte dans des circonstances mystérieuses. Le thème central de ce roman est l’importance de la solidarité féminine. Cross brosse une image vive des débats au sein du mouvement féministe nord-américain : l’opposition entre le féminisme « rangé » de Kate Fansler et de ses amis, et leur aspiration à réformer les institutions de l’intérieur, et le féminisme radical d’un groupe de femmes homosexuelles qui vivent en communauté et développent une idéologie anti-mâle. Bien que Cross ne cache pas sa sympathie pour la première variante du féminisme, elle guide Fansler avec peu d’hostilité vers la seconde. À la fin du livre, les féministes réformistes et radicales trouvent, momentanément au moins, un langage commun, et la cause des femmes à Harvard fait un bond en avant. Tout cela se fait dans un esprit bon enfant et dans une joie partagée.
Avec ses héroïnes généreuses, intelligentes et drôles et ses « méchants » souvent pitoyables ou ridicules, les livres d’Amanda Cross proposent à la lectrice (progressiste et cultivée, cela va de soi) le monde enchanté des contes de fées. Cette atmosphère de « conte de fées féministe » se retrouve dans d’autres polars de Cross. Comme Pas un mot de Winifred : l’histoire, qui se déroule des deux côtés de l’Atlantique, réunit plusieurs femmes remarquables à la fois par leurs intérêts intellectuels, leur grande indépendance d’esprit et leur don pour l’amitié, en particulier avec d’autres femmes. Ces qualités leur permettent de triompher de l’adversité et de trouver le bonheur dans le travail, les relations humaines et la découverte du monde, et même de rencontrer des compagnons masculins qui savent les apprécier à leur juste valeur. On retrouve aussi d’autres thèmes récurrents : l’importance de l’amitié entre les femmes et la capacité des femmes à « renaître » à tout âge et sous toute condition. Cet optimisme affiché contribue sans doute au succès de ces polars. Nous voulons toutes et tous croire que la justice va triompher sur la méchanceté et la bêtise, que l’amitié et la solidarité sont des valeurs sûres, que la vie n’est ni absurde, ni tragique, ni fragmentée, et qu’on garde toujours la possibilité d’un nouveau départ. Cependant, l’univers idéalisé dans lequel circule Fansler peut rappeler l’observation faite par Heilbrun au sujet d’auteures comme Louise May Alcott ou George Eliot : leurs héroïnes sont souvent plus conventionnelles et moins courageuses qu’elles-mêmes.
| • Violences contre les femmes, violence des femmes : les destins d’une révolte | |
Même en s’attaquant, dans Un espion imparfait, à un sujet qui se prête peu à l’angélisme – la violence conjugale – Cross réussit à créer une atmosphère de bienveillance généralisée [3]. Ce livre est inspiré par l’œuvre de John Le Carré, mais Cross est très loin de l’amertume désabusée de ce dernier. Kate Fansler collabore dans ce polar avec une autre « bonne sorcière », une femme à la retraite qui a su se forger une personnalité et une identité nouvelles. Et l’héroïne va y défendre une jeune femme qui a subi pendant des années les violences de son mari, un professeur de droit, et qui a fini par l’assassiner. Celle-ci est reconnue coupable de meurtre avec préméditation et condamnée à la prison à perpétuité, sans tenir compte du fait que la loi américaine a reconnu récemment les violences conjugales comme une circonstance atténuante. Les réflexions sur les raisons qui ont poussé cette jeune femme à demeurer avec cet époux violent sont mêlées à une histoire de réforme d’une faculté de droit conservatrice et sclérosée. Le mari, professeur de droit, était très soutenu par ses collègues mâles. À l’issue du livre, l’espoir d’un jugement plus équitable pour la meurtrière est associé au réveil politique des étudiants de la faculté, amenés par l’enseignement éclairé de Fansler et ses amis à réviser leurs positions conservatrices et leurs préjugés sexistes.
La violence contre les femmes, et le sort réservé à une femme battue qui tue son partenaire violent sont également au centre du récent livre de Ruth Rendell, Il n’y a pas de mal [4]. En juxtaposant ces deux livres, on apprend que, contrairement aux Américains, les Britanniques n’accordent pas de circonstances atténuantes aux femmes victimes de violences conjugales qui tuent leur partenaire. On apprend aussi qu’au Royaume-Uni comme aux USA (et en France, mais on en parle rarement), les brutalités contre les femmes ne sont nullement limitées aux couches populaires, et peuvent avoir lieu derrière les volets clos des villas des beaux quartiers. Cependant, l’univers décrit par Rendell est fort différent du monde dépeint par Cross. Si le New York de Cross est une ville étonnamment paisible, Kingsmarkham, la petite ville anglaise de Rendell, est un univers social en pleine désintégration. Rendell décrit avec compassion, mais sans complaisance, des vies sordides, des trajectoires interrompues, des actes illogiques, une violence souvent gratuite, faite de petite délinquance et de grande souffrance, et les tentatives pathétiques pour construire de petits îlots d’ordre au milieu du chaos afin de retrouver occasionnellement la chaleur humaine, la solidarité et l’espoir.
| • Rendell et l’engagement féministe : un combat avant tout « social » | |
Pour comprendre l’attitude de Rendell envers les violences contre les femmes, il faut remonter aux racines de ses réflexions féministes qui apparaissent pour la première fois dans Une vie endormie en 1978, et sous une forme plutôt critique [5]. Sylvia, la fille aînée de l’inspecteur Wexford, le héros de la plupart des polars de Rendell, traverse une crise dans son mariage. Mariée très jeune, mère de famille menant une existence aisée auprès d’un mari architecte, elle découvre le féminisme, et refuse d’être cantonnée dans le rôle d’une « simple ménagère ». Wexford, heureux dans un mariage très traditionnel, trouve ses complaintes ridicules, ses discours enflammés sur l’esclavage domestique des femmes déplacés sinon franchement ridicules, ses critiques incessantes de sa mère fort irritantes, et son attitude proche de celle d’une petite fille gâtée, une opinion que semble partager Rendell. Cependant, le roman s’attaque en même temps à l’un des thèmes chers aux féministes : les avantages de la possession d’un corps mâle. Une femme qui réussit à « passer » pour un homme améliore considérablement sa position dans la vie. Elle a plus de liberté, des facilités d’emploi, elle est plus estimée, et, en outre, elle rajeunit. Dans un passage-clé du livre, Wexford explique que notre perception de l’âge dépend souvent de son sexe : « L’air de jeunesse d’une femme dépend avant tout de l’absence de rides. Ici, comme partout ailleurs, nous utilisons un double standard. Quel âge as-tu, Mike ? Une quarantaine ? Mets une perruque et un maquillage et tu auras immédiatement l’air d’une vieille loque, mais coupe les cheveux d’une femme de ton âge, habille-la dans un costume d’homme, et elle pourra très facilement passer pour un homme de trente ans. »
Une vingtaine d’années et de nombreux polars plus tard, Rendell a enrichi considérablement l’étendue des problèmes sociaux présents dans ses livres. Elle discute de questions telles que l’immigration et le chômage, des conflits entre communautés ethniques, du racisme ou des conséquences des changements des mœurs sexuelles. Parallèlement, elle a approfondi le personnage de Sylvia Wexford. Cette dernière dépasse le stade de la plainte, reprend des études et devient assistante sociale, et volontaire dans un centre pour femmes battues. Ses convictions féministes, toujours aussi fortes, sont maintenant fondées sur une observation directe du sort de nombreuses femmes. Grâce à Sylvia, l’inspecteur Wexford devient lui aussi plus sensible à l’oppression des femmes, thème qui se trouve au centre de ses investigations. Dans Semisola, par exemple, il apprend que certaines femmes de ménage étrangères sont maintenues dans les conditions d’un véritable esclavage. Dans Pas de dégâts visibles, il se rend compte que la police est impuissante face au violences domestiques [6].
Chez Cross, la femme battue plonge dans la dépression après l’assassinat de son mari. L’univers idéalisé de Cross s’accorde mal avec un bénéfice immédiat dû au crime, aussi légitime soit-il. Chez Rendell, la femme battue est libérée par son acte. En tuant son tortionnaire, elle est enfin capable de sortir de son cauchemar. Ce n’est pas un hasard si, dans le monde désenchanté de Kingsmarkham, dans lequel peu d’individus, et encore moins de femmes, atteignent l’équilibre et le bonheur, le chemin vers une vie un peu meilleure doit passer par un crime. Chez Rendell, ce chemin passe rarement par le bonheur conjugal.
Si, en 1978, une femme devait littéralement changer de corps, ce n’est plus nécessaire en 2000. Les femmes peuvent choisir des styles de vie très divers, et l’on voit apparaître de nombreuses « femmes nouvelles ». Pas d’« hommes nouveaux », en revanche. Dans les polars de Rendell, ils affichent une masculinité tout à fait traditionnelle. Il est peu étonnant que nombre de femmes décrites par Rendell vivent seules. Leur vie n’est pas dépourvue de joie, mais elle est souvent difficile. À l’aube du xxie siècle aussi, il est toujours plus avantageux d’être un homme. Quant au féminisme militant – tel que représenté par Sylvia et ses amies par ailleurs tout à fait conscientes de la faiblesse de leurs contributions –, il est indispensable, puisqu’il permet de sauver certaines femmes du désespoir. Dans le monde adouci d’Amanda Cross, le féminisme, par un tour de passe-passe magique, induit le revirement rapide d’une situation difficile. Dans l’univers réaliste et désabusé de Ruth Rendell, le féminisme ne peut que colmater quelques brèches et parer au plus urgent. On est très loin de la revendication féministe de changer le monde. Pour trouver les traces d’une telle aspiration dans un polar d’inspiration féministe, il faut revenir bien en arrière, au Gaudy Night (La nuit de fête) de Dorothy Sayers, publié en 1935.
| • Une idée subsersive : les femmes peuvent être des humains à part entière | |
Sayers n’était nullement une féministe militante, mais les événements de sa vie l’ont amenée à se pencher sur la condition féminine. Mère célibataire, puis mariée avec un homme qui rencontrera des problèmes psychiatriques graves, elle a pu mesurer les obstacles qui se dressent devant une femme intelligente et courageuse mais dépourvue de fortune ou d’une grande beauté. Le thème de l’inégalité entre les sexes apparaît en pointillé dans nombre de ses polars, mais il est au centre d’un seul livre : Gaudy Night [7].
Ce thème apparaît sous la forme du dilemme de l’héroïne, Harriet Wane, qui ne parvient pas à se décider à épouser Lord Peter Whimsey, pourtant « très bien à tous égards ». Elle craint que même dans les meilleures conditions, le mariage ne détruise la liberté de la femme en ne laissant intacte que celle de l’homme. Ses hésitations se déroulent sur fond de collège féminin à Oxford, microcosme offrant d’excellentes opportunités pour esquisser de nombreux portraits de femmes, enseignantes, étudiantes, anciennes étudiantes, personnel de service, et montrer quelles sont les possibilités offertes aux femmes et l’usage qu’elles en font. La description de la vie du Shrewsbury College est fort réaliste. On y trouve, parmi les enseignantes, des frustrées, des femmes jalouses, des auteures médiocres de travaux bâclés, et même les meilleures ne sont pas exemptes de défauts. Pourtant, le tableau dépeint dans Gaudy Night a un potentiel subversif considérable. Sayers y décrit une communauté – imparfaite, et donc vivante – de femmes qui n’ont aucun besoin des hommes pour définir leur identité humaine et professionnelle. Les hommes existent, certes, mais ils sont cantonnés à la périphérie de leur univers. Ils peuvent être utiles, amusants, vexants, intéressants ou stimulants, mais ils ne sont jamais indispensables. Sayers ne nie nullement l’existence des pulsions sexuelles – et elle décrit la sexualité comme une activité fort agréable – mais elle ajoute qu’on peut la remplacer par d’autres plaisirs du corps et de l’âme. Le meilleur remède aux peines de cœur, son héroïne Harriet Wane l’explique, c’est d’avoir un travail intéressant, une activité physique et suffisamment d’argent pour des loisirs de qualité. La conclusion, qui apparaît en filigrane, est que les rapports de force entre les hommes et les femmes étant ce qu’ils sont, se passer de sexualité est souvent un choix bien sage.
Des polars récents ont décrit des femmes expertes en judo ou en loi pénale, confrontées aux malheurs d’autres femmes dans les bidonvilles ou dans les beaux quartiers, qui prêchent le féminisme ou le pratiquent en militant pour la cause des femmes. La porté radicale de leur message est pourtant bien moindre que celui véhiculé par Gaudy Night. Sayers y décrit d’une manière convaincante un monde dans lequel les femmes s’épanouissent uniquement grâce à leur intelligence, leur sens de l’humour, leur rigueur morale, leur soif de connaissance, et avant tout l’amitié et le soutien d’autres femmes. Dans un tel univers, les femmes ne se sentent pas obligées de rechercher leur légitimité et la reconnaissance chez des individus du sexe masculin. Elles ne tentent pas de les imiter et n’éprouvent guère le besoin de se définir, positivement ou négativement, par rapport aux hommes. Dorothy Sayers nous laisse ainsi entrevoir la possibilité d’un avenir dépourvu des privilèges liés à une masculinité hégémonique, une perspective qui peut paraître menaçante à beaucoup d’hommes et sans doute aussi à un certain nombre de femmes. •
http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=MOUV&ID_NUMPUBLIE=MOUV_015&ID_ARTICLE=MOUV_015_0048