Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Je viens de lire:"L'inconnu et autres récits" de Julien Green
Julien Green et ses doubles |
http://www.sauramps.com/article.php3?id_article=3615
Je vais maintenant le ramener à la bibliothèque...
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Julien Green et ses doubles |
http://www.sauramps.com/article.php3?id_article=3615
Je vais maintenant le ramener à la bibliothèque...
Préface par Patrick Modiano:"Son courage, sa droiture, la limidité de son coeur m'évoquent le vers de Rimbaud:
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.(page 11)
Première page de son journal, mardi 7 avril 1942, 4 heures (page 18 du livre): Hélène Berr va chercher chez Paul Valéry un exemplaire de son livre qu'il lui a dédicacé ainsi:
"Au réveil, si douce la lumière, et si beau ce bleu vivant."
"Hélène Berr donne à ses amis le nom de héros de roman." (p.28)
Hélène Berr est "bibliothécaire bénévole à l'Institut d'anglais de la Sorbonne"(p.35) A la fin du livre, figure une liste de ses lectures qui comptent beaucoup d'auteurs que j'aime.
Cf ma note sur ce livre:
http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2008/07/10/je-viens-de-commencer-helene-berr-journal.html
« Si j'écris tous ces petits détails, c'est parce que maintenant la vie s'est resserrée, que nous sommes devenus plus unis, et tous ces détails prennent un intérêt énorme »
Résumé du livre
D'avril 1942 à février 1944, Hélène Berr, jeune Française juive de vingt et un ans issue d'une famille aisée et mélomane, agrégative d'anglais à la Sorbonne, a tenu son journal au jour le jour. Sa vie insouciante est bouleversée par les lois antisémites de 1942.
http://www.evene.fr/livres/livre/helene-berr-journal-32751.php
C'est l'histoire d'un couple improbable, composé du grand-oncle de Vikram Seth, Shanti Behari Seth, né en Inde, et de sa femme, juive et allemande, Henny Gerda Caro. Tous deux se rencontrent à Berlin dans les années 1930, quand Shanti, étudiant en médecine dentaire, devient le locataire de la famille Caro. Vikram fera la connaissance de cette tante si élégante à ses yeux, quand il se rendra lui-même à Londres pour habiter chez elle et son mari afin de poursuivre ses études à l'université. La relation qui s'établit entre ces trois personnages est emplie de mystère, comme si ni Shanti, ni Henny, pas plus que le jeune étudiant indien, ne parvenait à assumer son identité. Pris en étau entre un oncle volubile pour ne pas avoir quelque chose à cacher, et cette tante si froide et distante, mais dont la tendresse se lit à fleur de peau, le jeune homme se sent tout à la fois exclu de son milieu d'adoption et pressé d'en percer le secret. Bien des années plus tard, c'est dans la correspondance que Henny entretint avec ses vieux amis restés ou revenus à Berlin après la guerre qu'il découvrira le terrible secret.
http://www.evene.fr/livres/livre/vikram-seth-deux-vies-26867.php
Ca faisait très longtemps que je n'avais pas lu un livre de 574 pages (hors les polars)... et je n'ai pas été déçue après en avoir entendu beaucoup parler. Emouvant, instructif,drôle, triste etc. Bien plus qu'une "chronique familiale" comme l'indique la couverture, une traversée du 20 e siècle avec ses tragédies qui touchent des personnages attachants. Des bonheurs aussi, rassurez-vous...'Je pense qu'un écrivain doit dégager le sens de toutes les rencontres et des documents que le hasard lui apporte.' Ce recueil de nouvelles, publiées quelques mois avant la mort d'Eugène Dabit en 1936, est une série de portraits de gens simples tels qu'il les aime. Il ajoute aussi quelques pages très personnelles sur sa jeunesse en 1914-18. 'Train de Vies' est suivi de 'Velázquez', seconde partie de son essai consacré aux Maîtres de la peinture espagnole. Des pages critiques étonnamment contemporaines. Histoire de se souvenir qu'avant d'être écrivain, Eugène Dabit a été peintre.
http://www.evene.fr/livres/livre/eugene-dabit-trains-de-vie-35262.php
Au moment de boucler la valise, revient la question cruciale... Quels bouquins emporter ?
Pour vous éviter de douloureuses interrogations (les œuvres complètes de Proust ou le dernier Vargas qui sera avalé en deux jours ?), nous vous avons préparé une petite sélection, en prévision du prochain festival Lettres d'Automne qui sera consacré à la romancière Lydie Salvayre.
Profitez donc de l'été pour découvrir ces auteurs que vous rencontrerez en novembre :
-> Lydie Salvayre
La puissance des mouches (Seuil 1995)
"L'homme qui se raconte tout au long de ce livre est un être que rien ne prédisposait à parler de la sorte, à coups de sarcasmes et de citations, d'injures et d'envols lyriques, de phrases grand style et d'autres enragées..."
La compagnie des spectres (Seuil 1997)
"Pendant la visite d'un huissier, chargé de dresser un inventaire avant saisie, deux femmes, à Créteil, revivent l'Occupation...“
Les belles âmes (Seuil 2000)
"Dans ce roman, Lydie Salvayre suit le périple touristique d'un groupe de nantis en quête de bonne conscience et dénonce, avec une cinglante ironie, l'hypocrisie de certains discours humanitaires...“
La bibliographie complète de Lydie Salvayre est sur notre site internet : www.confluences.org/lettres
-> Pierre Senges
Fragments de Lichtenberg (Verticales 2008)
"En à peine plus d’un demi siècle, Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799) a eu le temps d’être : un bossu • un mathématicien • un professeur de physique • un amateur de pâté de lièvre • un adversaire de la physiognomonie • un solitaire • un théoricien de la foudre • un amateur de jupons • un ami du roi George III d’Angleterre • un asthmatique • un défenseur de la raison • un hypocondriaque • un moribond • et l’auteur de huit mille fragments plus ou moins brefs écrits à l’encre et à la plume d’oie."
-> Olivia Rosenthal
On est pas là pour disparaître (Verticales 2007)
Ce livre part du portrait d’un homme atteint de la maladie d’Alzheimer pour saisir sur le vif ce qu’est la perte de la mémoire, de la parole et de la raison. Avec ce septième livre optimiste et désespéré, Olivia Rosenthal confirme son talent et son inventivité langagière.
-> Philippe Adam
Ton petit manège (Verticales 2008)
"Dans les douze nouvelles de ce petit manège, les monstres galopent avec les obsédés, personne n’est calme, de vieux enfants pensent à leurs jouets, ils croisent des mourants, on part en voyage, on va en boîte, les filles trottinent, on drague au camping, rien ne se passe comme prévu, on déménage et on a peur de son nouvel appartement, tout le monde court, tout le monde a quelque chose à fuir mais à part ça, c’est décidé, tout va bien."
Et n'hésitez pas à vous (re)plonger dans les livres d'Alberto Manguel, Charles Juliet ou encore Jean-Claude Mourlevat, tous trois nous feront le plaisir de participer de nouveau aux Lettres d'Automne.
Pour avoir un avant-goût de cette 18e édition de Lettres d'Automne, allez jeter un œil sur www.confluences.org/lettres
Bel été, et belles lectures à tous !
Au commencement était la fumée : celle dégagée par la vapeur d’un fameux train entrant en gare de La Ciotat, ou celle qu’Etienne-Jules Marey tenta, expérimentalement, de capturer. Mais aussi la fumée que trace dans les salles obscures le rayon jupitérien des projecteurs, cette «gloire» horizontale qui se dessine entre la cabine et l’écran et qui troue l’espace de sa lumière.
Nostalgie. La fumée a enlacé le film dès ses origines, mais a trouvé avec le tabac un vecteur magique pour pénétrer les images et les écrans, les volutes de cigares, pipes et cigarettes devenant très vite et pour plus d’un siècle un motif à la fois capital et clandestin de l’histoire du cinéma mondial. Selon le paradoxe bien connu de la nostalgie, on prend conscience de cette histoire d’amour très particulière entre filmeurs et fumeurs au moment même où elle perd de sa substance, stérilisée à la fois par les lois antitabac, les autocensures du politiquement correct et, sans doute, par la marche triomphale de l’humanité vers une mort en parfaite santé.
Dans un charmant petit livre copieusement illustré (1), Adrien Gombeaud (qui collabore notamment à Positif) ose une anthropologie très personnelle du rapport entretenu par la cigarette et le ciné. Accessoire comique, érotique ou inquiétant, signe de mort ou de vie (la dernière cigarette), objet de classe ou d’initiation, rituel ou cliché, ce ne sont pas tous les états du tabac filmé qui sont ici recensés, mais quelques-unes des figures rhétoriques par lesquelles l’herbe à Nicot a accompagné l’histoire du cinéma depuis ses origines.
Elégance. Au tableau de chasse des hautes figures de la passion tabagique sur grand écran, le name-dropping est étourdissant : Groucho Marx, Asia Argento, James Dean, Humphrey Bogart, John Ford, Carette, Gabin, Delon, Deneuve, Tony Leung, Scarlett Johansson, Rita Hayworth… Mais ce pêle-mêle n’a pas de sens en soi ; il est une fresque évanescente, immatérielle : le tabac à l’écran n’a pour nous aucune odeur ni saveur, il est une image, un instant, une allure. Même, et peut-être surtout, lorsqu’il s’agit de films qui en font leur thème, titre ou objet, tels les programmatiques Roi du tabac (Curtiz), Coffee and Cigarettes (Jarmusch) ou, mieux, Smoking/No Smoking (Resnais).
On pourrait, inversement, divaguer longtemps sur le cas des cinéastes comme Wong Kar-waï ou Hou Hsiao-hsien, l’un et l’autre d’ailleurs fumeurs invétérés, dont on ne peut imaginer les films délestés de leur fumée. Ils sont comme les derniers représentants d’une élégance un peu surannée, où s’exprime leur plaisir manifeste à filmer des acteurs qui fabriquent aussi du glamour avec les gestes rétro de fumeurs iconiques. Ces deux noms fournissent d’ailleurs un bon indice pour se représenter la géopolitique de la clope dans le cinéma moderne : c’est en effet vers l’Asie que le balancier fumeur est en train de pencher, exactement comme dans l’économie réelle.
Dans ce panoptique, seul le joint semble avoir été un peu négligé par l’auteur. Son livre n’en reste pas moins à faire tourner.
http://www.liberation.fr/culture/cinema/332906.FR.php?xtor=EPR-450206
Yvette Thomas est une fille de l'A.P ., l'Assistance Publique. Elle vient d'Auxerre, elle a un petit frère, ses parents sont morts. La pupille ira travailler chez les autres... Le voyage commence, elle traverse des familles de la Bourgogne nord. La première, maman Blanche, est tout amour mais l'A.P. l'en arrache et la voilà chez la mère Germaine, une patronne odieuse et méchante. Pour résister, Yvette garde en tête les recommandations de maman Blanche : 'Quoi qu'il arrive, tu dois toujours agir en restant dans Ta vérité... tout garder dans la tête et ne rien montrer au dehors.' Yvette tête de pioche retiendra la leçon et tiendra jusqu'au bout. Un jour débarquent dans sa cour des Parisiens pleins aux as, M. et Mme Zervos. 'Mignonne, la dame, et simple aussi'. La dame, c'est Yvette, qu'elle trouve mignonne, plus que ça même : 'Votre petite reine, dit-elle à ses parents adoptifs du moment, c'est un joyau brut.' Le couple, à la vue des dessins de la petite, détecte même chez Yvette un don naturel pour l'art. Et la voilà adoptée par les Zervos, des collectionneurs d'art, des éditeurs, des mécènes riches en amis artistes. Commence pour Yvette une nouvelle aventure...
http://www.evene.fr/livres/livre/yvette-szczupak-thomas-un-diamant-brut-35044.php
par Christophe Barbier, Philippe Broussard
A 80 ans, elle se raconte. Son destin, ses combats: L'Express retrace ce parcours exceptionnel en publiant des extraits exclusifs de ses Mémoires.
> Un destin exceptionnel parsemé de combats: à 80 ans, Simone Veil se raconte. Diaporama
Une vie. Le titre que Simone Veil a emprunté à Maupassant pour ses Mémoires est inexact: «sa» vie n'en est pas simplement «une», tant elle est exceptionnelle. Par le tragique, d'abord, avec la déportation qui détruit sa famille; c'est en rescapée que Simone Veil a traversé le reste de l'existence. Dans le politique, ensuite, qui la voit occuper en France et en Europe de hautes fonctions, toujours liées à ses engagements les plus profonds. Enfin, son parcours est rare par sa grande valeur éthique et philosophique: presque jamais Mme Veil n'a transigé, pour des raisons électorales ou partisanes, avec ses convictions - elle confie, dans Une vie,quelques regrets. Plus que d'autres, elle est donc fondée à juger sévèrement certains acteurs politiques, et ne s'en prive pas.
Alors qu'elle vient de franchir le cap des «quatre fois vingt ans», Simone Veil a encore voulu témoigner des épreuves surmontées et des victoires remportées. Au nom de ceux qui ont disparu: «A nos côtés, tous ces morts qui nous furent si chers, connus ou inconnus, se tiennent en silence. Je sais que nous n'en aurons jamais fini avec eux.» Mais, surtout, pour les vivants, parce que l'oubli serait une indécence à l'égard des principes et un affaiblissement face aux défis de l'avenir.
Les grands combats de Simone Veil ont été ceux de L'Express. Pour la liberté des femmes, notamment en légalisant l'avortement; pour la construction européenne; pour la transmission aux générations futures de l'impérative mémoire de la Shoah. En publiant des extraits d'Une vie, nous voulons aussi rappeler que ces enjeux ne sont pas obsolètes. La lutte nous attend, pour laquelle Simone Veil s'adresse non seulement à notre intelligence, mais aussi, de page en page, à notre conscience.
L'enfance (1927-1944)
[La famille Jacob vit d'abord à Paris puis à Nice.]
Les années 1920 furent pour eux [NDLR: ses parents] celles du bonheur. Ils s'étaient mariés en 1922. Mon père, André Jacob, avait alors trente-deux ans et Maman, Yvonne Steinmetz, onze de moins. A l'époque, l'éclat du jeune couple ne passe pas inaperçu. André porte l'élégance sobre et discrète à laquelle il tient, tout comme il est attaché à la créativité de son métier d'architecte, durement secoué par quatre années de captivité, peu de temps après son grand prix de Rome. D'Yvonne irradie une beauté rayonnante qui évoque pour beaucoup celle de la star de l'époque, Greta Garbo. Un an plus tard naît une première fille, Madeleine, surnommée Milou. Une nouvelle année s'écoule et Denise voit le jour, puis Jean en 1925, et moi en 1927. En moins de cinq ans, la famille Jacob s'est donc élargie de deux à six membres. (...)
Papa veillait au grain. Il m'installait toujours à sa droite à table, au motif qu'il fallait me surveiller. Il estimait que trop souvent je n'en faisais qu'à ma tête, que je me tenais mal, qu'il fallait parfaire mon éducation et que lui seul pouvait compenser le laxisme maternel. Et puis, très vite, il n'a pas apprécié mon esprit contestataire. Toute surprise qu'il ne se rende pas compte du caractère exceptionnel de Maman, je ne me privais pas de dire que je considérais beaucoup de ses décisions et interdits comme autant de brimades qu'il lui infligeait.
Pourtant, je n'avais pas l'impression de me conduire d'une manière bien originale. Je n'aimais rien plus que rester à la maison avec Maman. J'avais l'impression que je vivais mon plus grand bonheur en symbiose avec elle. Je me tenais contre elle, je lui donnais la main, je me blottissais sur ses genoux, je ne la lâchais pas. J'aurais volontiers vécu un amour exclusif avec elle. (...)
Lorsque je repense à ces années heureuses de l'avant-guerre, j'éprouve une profonde nostalgie. Ce bonheur est difficile à restituer en mots, parce qu'il était fait d'ambiances calmes, de petits riens, de confidences entre nous, d'éclats de rire partagés, de moments à tout jamais perdus. C'est le parfum envolé de l'enfance, d'autant plus douloureux à évoquer que la suite fut terrible.
La déportation (1944)
[Dans les premières années de la guerre, la région de Nice est épargnée par les rafles. Mais, au printemps 1944, alors que la situation s'est brutalement détériorée, cinq membres de la famille Jacob sont arrêtés à Nice. Simone, sa mère et sa soeur Madeleine (alias Milou) sont transférées à Drancy puis à Auschwitz. Le père, André, et son fils, Jean, sont déportés en Lituanie. Denise, la troisième fille des Jacob, est entrée dans la Résistance. Elle sera par la suite arrêtée et déportée.]
Quel fut le sort de mon père et de mon frère? Nous ne l'avons jamais su. Aucun des survivants ne connaissait Papa et Jean. Par la suite, les recherches menées par une association d'anciens déportés n'ont rien donné. De sorte que nous n'avons jamais su ce qu'étaient devenus notre père et notre frère. Aujourd'hui, je garde intact le souvenir des derniers regards et des ultimes mots échangés avec Jean. Je repense à nos efforts, à toutes les trois, pour le convaincre de ne pas nous suivre, et une épouvantable tristesse m'étreint de savoir que nos arguments, loin de le sauver, l'ont peut-être envoyé à la mort. Jean avait alors dix-huit ans.(...)
[Dans la soirée du 15 avril 1944, Simone, Milou et leur mère arrivent au camp d'Auschwitz-Birkenau.]
Nous avons marché avec les autres femmes, celles de la «bonne file», jusqu'à un bâtiment éloigné, en béton, muni d'une seule fenêtre, où nous attendaient les «kapos»; des brutes, même si c'étaient des déportées comme nous, et pas des SS. (...) Nous avons tout donné, bijoux, montres, alliances. Avec nous se trouvait une amie de Nice arrêtée le même jour que moi. Elle conservait sur elle un petit flacon de parfum de Lanvin. Elle m'a dit: «On va nous le prendre. Mais moi je ne veux pas le donner, mon parfum.» Alors, à trois ou quatre filles, nous nous sommes aspergées de parfum; notre dernier geste d'adolescentes coquettes. (...)
A notre arrivée, il fallait à tout prix nous désinfecter. Nous nous sommes donc déshabillées avant de passer sous des jets de douche alternativement froids et chauds, puis, toujours nues, on nous a placées dans une vaste pièce munie de gradins, pour ce qui, en effet, était une sorte de sauna. La séance parut ne devoir jamais finir. Les mères qui se trouvaient là devaient subir pour la première fois le regard de leurs filles sur leur nudité. C'était très pénible. Quant au voyeurisme des kapos, il n'était pas supportable. Elles s'approchaient de nous et nous tâtaient comme de la viande à l'étal. On aurait dit qu'elles nous jaugeaient comme des esclaves. Je sentais leurs regards sur moi. J'étais jeune, brune, en bonne santé; de la viande fraîche, en somme. Une fille de seize ans et demi, arrivant du soleil, tout cela émoustillait les kapos et suscitait leurs commentaires. Depuis, je ne supporte plus une certaine promiscuité physique. (...)
Vaille que vaille, nous nous faisions à l'effroyable ambiance qui régnait dans le camp, la pestilence des corps brûlés, la fumée qui obscurcissait le ciel en permanence, la boue partout, l'humidité pénétrante des marais. (...) Pour nous, les filles de Birkenau, ce fut peut-être l'arrivée des Hongrois qui donna la véritable mesure du cauchemar dans lequel nous étions plongées. L'industrie du massacre atteignit alors des sommets: plus de quatre cent mille personnes furent exterminées en moins de trois mois. (...) Je voyais ces centaines de malheureux descendre du train, aussi démunis et hagards que nous, quelques semaines plus tôt. La plupart étaient directement envoyés à la chambre à gaz. (...)
Un matin, alors que nous sortions du camp pour aller au travail, la chef du camp, Stenia, ancienne prostituée, terriblement dure avec les autres déportées, m'a sortie du rang: «Tu es vraiment trop jolie pour mourir ici. Je vais faire quelque chose pour toi, en t'envoyant ailleurs.» Je lui ai répondu: «Oui, mais j'ai une mère et une soeur. Je ne peux pas accepter d'aller ailleurs si elles ne viennent pas avec moi.» A ma grande surprise, elle a acquiescé: «D'accord, elles viendront avec toi.» Tous les gens auxquels j'ai par la suite raconté cet épisode sont restés stupéfaits. Il s'est pourtant déroulé ainsi. Fait incroyable, cette femme, que je n'ai par la suite croisée que deux ou trois fois dans le camp, ne m'a jamais rien demandé en échange. Tout s'est donc passé comme si ma jeunesse et le désir de vivre qui m'habitaient m'avaient protégée. (...)
Les SS nous ont entassées sur des plates-formes de wagons plats, et nous avons été dirigées d'abord sur Maut-hausen, où le camp n'a pas pu nous accueillir, faute de place. Nous sommes alors reparties pour huit jours de train, en plein vent, sans rien à boire ni à manger. Nous tendions les rares gamelles que nous avions pu emporter afin de récupérer la neige et la boire. Lorsque notre convoi a traversé les faubourgs de Prague, les habitants, frappés par le spectacle de cet entassement de morts-vivants, nous ont jeté du pain depuis leurs fenêtres. Nous tendions les mains pour attraper ce que nous pouvions. La plupart des morceaux tombaient par terre. (...)
Maman était déjà très affaiblie par la détention, le travail pénible, le voyage épuisant à travers la Pologne, la Tchécoslovaquie et l'Allemagne. Elle n'a pas tardé à attraper le typhus. Elle s'est battue avec le courage et l'abnégation dont elle était capable. Elle conservait la même lucidité sur les choses, le même jugement sur les êtres, la même stupeur face à ce que des hommes étaient capables de faire endurer à d'autres hommes. En dépit de l'attention que Milou et moi lui prêtions, malgré le peu de nourriture que je parvenais à voler pour la soutenir, son état s'est rapidement détérioré. (...) Elle est morte le 15 mars, alors que je travaillais à la cuisine. (...) Aujourd'hui encore, plus de soixante ans après, je me rends compte que je n'ai jamais pu me résigner à sa disparition. D'une certaine façon, je ne l'ai pas acceptée. Chaque jour, Maman se tient près de moi, et je sais que ce que j'ai pu accomplir dans ma vie l'a été grâce à elle.
Le retour en France (1945)
[23 mai 1945. De retour à Paris avec Milou, Simone Jacob retrouve bientôt son autre soeur, Denise, rescapée du camp de Ravensbrück. Une nouvelle vie commence.]
Dès le retour des camps, nous avons ainsi entendu des propos plus déplaisants encore qu'incongrus, des jugements à l'emporte-pièce, des analyses géopolitiques aussi péremptoires que creuses. Mais il n'y a pas que de tels propos que nous aurions voulu ne jamais entendre. Nous nous serions dispensés de certains regards fuyants qui nous rendaient transparents. Et puis, combien de fois ai-je entendu des gens s'étonner: «Comment, ils sont revenus? Ça prouve bien que ce n'était pas si terrible que ça.» Quelques années plus tard, en 1950 ou 1951, lors d'une réception dans une ambassade, un fonctionnaire français de haut niveau, je dois le dire, pointant du doigt mon avant-bras et mon numéro de déportée, m'a demandé avec le sourire si c'était mon numéro de vestiaire! Après cela, pendant des années, j'ai privilégié les manches longues. (...)
Le départ de De Gaulle en janvier 1946 ne m'était pas apparu comme une catastrophe nationale. Il avait tellement voulu jouer la réconciliation entre les Français qu'à mes yeux les comptes de l'Occupation n'étaient pas soldés. Au procès de Laval, comme à celui de Pétain, il n'y avait pas eu un mot sur la déportation. La question juive était complètement occultée. Du haut au bas de l'Etat, on constatait donc la même attitude: personne ne se sentait concerné par ce que les juifs avaient subi.
La magistrature (1954)
[En 1946, Simone Jacob a épousé Antoine Veil, un futur énarque. Ils ont eu trois fils, Jean, Nicolas et Pierre-François. Quelques années plus tard, la jeune femme intègre la magistrature. Elle travaille notamment dans l'administration pénitentiaire.]
En mai 1954, j'ai enfin pu m'inscrire au parquet général comme attachée stagiaire, à l'issue d'une nouvelle discussion émaillée d'arguments qui se voulaient dissuasifs. Le secrétaire général du parquet de Paris et son adjoint, qui m'ont reçue, n'en revenaient pas: «Mais vous êtes mariée! Vous avez trois enfants, dont un nourrisson! En plus votre mari va sortir de l'ENA! Pourquoi voulez-vous travailler?» Je leur ai expliqué que cela ne regardait que moi. (...) Devant ma résolution inébranlable, ils ont fini par accepter ma candidature. (...)
De la grisaille générale de la noria des gouvernements émerge pourtant la courte période du cabinet Mendès France, qui m'a passionnée. J'avais beaucoup plus de sympathie pour ce personnage hors du commun que mon mari, très lié au milieu MRP. Pour ma part, je me situais plus à gauche; j'ai d'ailleurs voté socialiste à plusieurs reprises, en fonction des programmes et des personnes. Malgré ces divergences, Antoine et moi nous retrouvions dans l'intérêt que nous portions à l'actualité. Comme beaucoup de non-gaullistes, nous observions le bouillonnement d'idées que symbolisaient entre autres la création de L'Express et l'espérance de voir émerger une troisième force (...).
Au gouvernement (1974)
[En 1974, Valéry Giscard d'Estaing est élu président de la République. Nommé Premier ministre, Jacques Chirac confie le ministère de la Santé à Simone Veil.]
La personnalité du nouveau président s'imposait. Il était aussi impressionnant par sa rapidité d'esprit et sa capacité de travail que par sa prestance personnelle et la haute idée qu'il se faisait de sa fonction. Aussi les nouveaux ministres, moi-même et les autres, marchions-nous sur des oeufs. Lors des conseils, si l'un d'entre nous se mettait à bredouiller, ou s'emmêlait dans ses notes, il n'était pas rare de voir le président froncer les sourcils. Jacques Chirac venait alors à la rescousse du néophyte avec aménité: «Monsieur le Président, je tiens à dire que M. Untel ou Mme Unetelle a très bien travaillé sur ce dossier et a fait tout ce qu'il fallait faire.»
La loi sur l'IVG (1975)
[Peu de temps après son arrivée au gouvernement, Simone Veil s'attelle à un sujet qui fait débat depuis des années: l'avortement. Une loi sur l'interruption volontaire de grossesse est à l'étude.]
Ma tâche me paraissait d'autant plus lourde que la profession médicale, dans l'ensemble, m'acceptait avec réticence. Il ne sert à rien de travestir les faits: face à un milieu au conservatisme très marqué, je présentais le triple défaut d'être une femme, d'être favorable à la légalisation de l'avortement et, enfin, d'être juive. Je me rappelle ma première rencontre avec le groupe de médecins conseillers que Robert Boulin avait constitué quelques années plus tôt. L'accueil qu'ils me réservèrent fut glacial. Je crois bien que, s'ils avaient pu m'assassiner, ils l'auraient fait. (...)
J'ai rencontré chez les généralistes une quasi-unanimité en faveur de la loi. Quelles qu'aient pu être par ailleurs leurs convictions morales, ces hommes de terrain étaient effarés de voir les dégâts qu'entraînaient les avortements sauvages dans les couches populaires. Il fallait que la loi protège ces femmes. Les riches, si on peut dire, étaient mieux loties: elles partaient se faire avorter clandestinement à l'étranger, en Angleterre ou aux Pays-Bas.
(...)
Le texte du projet de loi, rapidement mis au point, a été déposé à l'Assemblée nationale pour examen en commission. C'est alors que les vraies difficultés ont commencé. Une partie de l'opinion, très minoritaire, mais d'une efficacité redoutable, s'est déchaînée. J'ai reçu des milliers de lettres au contenu souvent abominable, inouï. Pour l'essentiel, ce courrier émanait d'une extrême droite catholique et antisémite dont j'avais peine à imaginer que, trente ans après la fin de la guerre, elle demeure aussi présente et active dans le pays. (...)
Plus nous nous rapprochions de l'échéance du débat, et plus les attaques se faisaient virulentes. Plusieurs fois, en sortant de chez moi, j'ai vu des croix gammées sur les murs de l'immeuble. A quelques reprises, des personnes m'ont injuriée en pleine rue. (...) Je n'avais pas d'états d'âme. Je savais où j'allais. Le fait de ne pas moi-même être croyante m'a-t-il aidée? Je n'en suis pas convaincue. Giscard était de culture et de pratique catholiques, et cela ne l'a pas empêché de vouloir cette réforme, de toutes ses forces.
La rupture Chirac-Giscard (1976)
[ Jacques Chirac quitte le gouvernement. Il est remplacé par Raymond Barre, en août.]
Entre Giscard et Chirac, une fêlure s'était produite, que les entourages de l'un et de l'autre s'étaient vigoureusement employés à transformer en champ de bataille. Pierre Juillet et Marie-France Garaud, du côté de Jacques Chirac, s'en étaient donné à coeur joie, et avaient fini par convaincre le Premier ministre de prendre du champ. Jacques Chirac essaya de m'entraîner avec lui. Ne partageant pas sa critique du président, je n'en voyais pas la nécessité. J'ai donc accepté de conserver ma fonction dans le gouvernement que Giscard, sans surprise pour moi, a prié Barre de former. En fin d'année, j'ai refusé d'adhérer au RPR, nouvellement créé, à la fureur, je dois le dire, de Jacques Chirac et, pendant deux ans, j'ai continué de tracer mon sillon. (...)
Giscard, privé de l'appui des gaullistes depuis le retrait de Chirac, se trouvait politiquement affaibli. Dé sormais, le 49-3 devenait monnaie courante. Au surplus, la crise économique, conjuguée aux délices et poisons de sa charge, tendait à faire litière de ses meilleures intentions. De plus en plus enfermé dans un palais où ses conseillers lui chantaient des airs convenus, il ne percevait pas qu'il se coupait d'un pays qu'il avait promis de toujours regarder au fond des yeux, mais dont il s'éloignait. Démarré en fanfare, son septennat avait perdu de son éclat.
Comment s'en étonner? Dans notre système, le président est d'abord un homme seul. Rien ne l'incite au dialogue. Aussi longtemps qu'il est en place, il n'est remis en cause par rien ni personne. Evoluant dans un milieu aseptisé et de plus en plus artificiel, il n'échange qu'avec ses pairs, une poignée de journalistes et une noria de hauts fonctionnaires. (...)
Raymond Barre et le "lobby juif "
Dès 1978, un dérapage verbal en Conseil des ministres avait bien failli mettre le feu aux poudres. Raymond Barre avait évoqué le «lobby juif» dans des termes que j'avais jugés déplacés. Après le Conseil, j'avais déclaré au président qu'en cas de nouvelle sortie de son Premier ministre sur le prétendu «lobby juif» je quitterais aussitôt le gouvernement en disant pourquoi. Giscard était intervenu, et Barre avait ensuite doctement expliqué ce qu'il avait voulu dire; à l'entendre, j'avais mal interprété ses propos. Deux ans plus tard, après l'attentat de la synagogue de la rue Copernic, sa langue avait à nouveau fourché. Alors que son ministre de l'Intérieur, Christian Bonnet, évoquait l'hypothèse d'un coup monté et que le président de la République s'abstenait de toute déclaration, Raymond Barre avait déploré la mort, à côté de juifs, de «Français innocents».
Mitterrand et le 10 mai 1981
[Ministre de 1974 à 1979, Simone Veil soutient Valéry Giscard d'Estaing à l'approche des élections de 1981.]
Malgré les réserves que m'inspirait la politique conduite pendant la seconde partie de son mandat, Valéry Giscard d'Estaing me paraissait le seul choix possible. C'est François Mitterrand qui l'emporta, et ce que j'avais redouté se produisit: la France marchait désormais à grands pas vers un désastre économique et monétaire. Pierre Mauroy, dont je connaissais la sagesse et la modération, s'était retrouvé l'otage d'une démarche qui n'avait rien de social-démocrate, mais où triomphaient l'incohérence et l'incompétence, comme je l'ai exprimé à l'époque.
Heureusement, sous la pression des réalités internationales, une autre politique, plus modérée bien que très chaotique, se mit en place après le tournant de 1983. Il m'a alors semblé que des hommes de bon sens, tels Rocard ou Delors, retrouvaient une audience dans l'opinion face aux options catastrophiques de l'aile gauche du Parti socialiste et des communistes. Cela n'était pas pour me déplaire.
[Elue présidente du Parlement européen en 1979, Simone Veil a pris une dimension internationale et juge, de Strasbourg, l'action du nouveau chef de l'Etat.]
(...) Ainsi va la politique: Mitterrand, dont je détestais les ambiguïtés et condamnais vigoureusement l'alliance avec les communistes, ce nouveau président dont la politique intérieure me paraissait suicidaire pour le pays, se montra tout aussi attentif à la construction européenne que l'avait été son prédécesseur.
Les élections européennes de 1984
[Simone Veil est à la tête d'une liste unitaire (RPR-UDF) aux élections européennes.]
Nous sommes partis au combat européen dans l'unité, plus que dans l'harmonie. La composition de la liste m'a presque totalement échappé. En particulier, la présence de Robert Hersant, dont le passé vichyssois était dé sormais connu de tous, ne me faisait aucun plaisir, c'est le moins que l'on puisse dire. On m'avait expliqué qu'il était difficile de se mettre à dos le propriétaire du tout-puissant Figaro. Une fois encore, la politique l'emportait ainsi sur les principes moraux. Ma seule échappatoire se référait à l'ancienne appartenance du patron de presse à la FGDS, le groupuscule politique qu'avait naguère dirigé François Mitterrand. J'avais donc tout loisir de renvoyer les socialistes qui m'attaquaient sévèrement sur ce sujet à leurs propres contradictions, ce que je ne me suis pas privée de faire. Il reste que, pour la première fois de ma vie, j'avais accepté, pour de basses raisons d'opportunité, un compromis qui avait à mes yeux l'allure d'une compromission.
François Bayrou
[En 1989, Simone Veil se présente à nouveau aux élections européennes. Son directeur de campagne est François Bayrou.]
Je ne suis pas près d'oublier une visite calamiteuse que, sur les conseils de François Bayrou, mon directeur de campagne, j'ai rendue à Jean Lecanuet en son fief normand. Je ne me doutais de rien, connaissant Lecanuet depuis le MRP des années 1950, et me souvenant de sa volonté farouche, cinq années seulement plus tôt, de présenter une liste purement centriste. J'arrivais donc à Rouen, où m'attendait une conférence de presse réunie dans son bureau, à la mairie. Ce fut pour entendre Jean Lecanuet déclarer aux journalistes: «Je suis heureux d'accueillir Mme Veil. Simplement, nous ne figurerons pas sur la même liste. Je participerai quant à moi à la liste Giscard.» Je n'invente rien. François Bayrou, que je connaissais alors à peine et auquel je faisais confiance, tant il m'était apparu intelligent et dynamique, venait de me donner la vraie mesure de son caractère, capable en quelques jours d'énoncer avec la même assurance une chose et son contraire, uniquement préoccupé de son propre avenir, qui, depuis sa jeunesse, ne porte qu'un nom: l'Elysée.
Le personnage demeure incompréhensible si l'on ne tient pas compte de cette donnée essentielle: il est convaincu qu'il a été touché par le doigt de Dieu pour devenir président. C'est une idée fixe, une obsession à laquelle il est capable de sacrifier principes, alliés, amis. Comme tous ceux qui sont atteints de ce mal, il se figure les autres à son image: intrigants et opportunistes. Il a donc pu inventer cette chimère que je risquais de lui faire de l'ombre dans sa propre trajectoire, puisqu'en toutes circonstances il s'imagine que les autres ne peuvent que le gêner. (...) Les calculs de François Bayrou me laissèrent donc indifférente. Je n'ai jamais eu envie de concourir pour une campagne présidentielle.
Le Rwanda (1994)
[En 1994, François Mitterrand est président de la République et Edouard Balladur, Premier ministre, quand éclatent les massacres interethniques dans ce petit pays d'Afrique. Simone Veil est alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville.]
Alain Juppé était d'un commerce agréable. Il fut à l'époque un excellent ministre des Affaires étrangères, fin et attentif aux réalités mondiales. Seule ombre au tableau: l'attitude pour le moins frileuse de la France face au massacre des Tutsi perpétré au Rwanda. Aujourd'hui encore, cette affaire est loin d'être clarifiée. Sans doute la France était-elle plus engagée qu'on pouvait alors le supposer. François Mitterrand, comme ses prédécesseurs, soutenait les Hutu, et la cohabitation ne facilitait pas la tâche d'Alain Juppé. La politique étrangère, surtout africaine, restait à l'époque, comme aux plus beaux temps du gaullisme, l'apanage du président de la République et de quelques proches. Pendant que, par tradition, nous soutenions les Hutu, les Belges défendaient les Tutsi. Cette situation durait depuis longtemps; en somme, comme à l'époque des luttes coloniales en Afrique, chacun avait choisi sa tribu. A cela s'ajoutait la méfiance du gouvernement français à l'égard d'une influence américaine que l'on sentait croître dans la région. Il n'en fallait pas plus pour alimenter l'affrontement entre les ethnies. De tout cela, et de bien d'autres dossiers, il était du reste impossible de parler dans le cadre institutionnel de l'époque. Autant que je m'en souvienne, la question fut à peine abordée en Conseil des ministres et jamais soumise à débat. Aujourd'hui, quand des journalistes viennent reprocher leur silence aux ministres de l'époque, comme cela s'est encore produit dernièrement à mon encontre, ils ne comprennent pas quels freins multiples le système de la cohabitation mettait à notre action.
Le référendum de 2005
[Les Français votent majoritairement non au référendum sur la Constitution européenne.]
Le rejet du texte a été, à mes yeux, catastrophique. Sans doute était-ce une erreur que de soumettre ce projet à référendum. Il est clair que le projet de traité constitutionnel aurait recueilli une majorité massive devant le Parlement, contrairement au résultat qui sortit des urnes. Certains ont toutefois approuvé Jacques Chirac d'avoir pris ce risque, au nom de l'importance de l'enjeu. Ils perdent de vue que telle n'était sans doute pas sa motivation. Comme souvent, celle-ci était purement politique, j'allais écrire politicienne. Le président pensait que le référendum mettrait en difficulté l'opposition, ce qui s'est d'ailleurs avéré, mais son principal résultat fut autre: la manoeuvre se retourna en boomerang contre son auteur, et l'Europe entra, du fait de la France, dans une longue parenthèse de paralysie institutionnelle et fonctionnelle, tandis que l'Elysée, le gouvernement et le pays se retrouvaient durablement affaiblis.
De Sarkozy à Royal
[Nommée ministre de la Santé, des Affaires sociales et de la Ville en 1993 (gouvernement Balladur), Simone Veil a alors côtoyé Nicolas Sarkozy, chargé du Budget.]
C'est dans ce même gouvernement que j'ai fait la connaissance d'un homme aussi vif qu'intelligent, infatigable travailleur, exceptionnellement au fait de ses dossiers: Nicolas Sarkozy. (...) Depuis lors, ce jeune homme a fait parler de lui. Depuis lors, et sans faille, je lui ai conservé amitié et confiance. Nicolas Sarkozy aime se battre. Il n'est à l'aise que lorsqu'il défend ses convictions face à un adversaire de poids. A cet égard, on ne peut pas dire que la dernière élection présidentielle lui aura offert la possibilité d'un combat d'égal à égal. Je suis convaincue qu'il aurait préféré se retrouver face à Dominique Strauss-Kahn, homme d'expérience et de compétence, plutôt que face à Ségolène Royal, plus inconsistante, plus floue dans ses jugements, bien que plus entêtée, jusque dans l'erreur.
Les femmes
Je suis favorable à toutes les mesures de discrimination positive susceptibles de réduire les inégalités de chances, les inégalités sociales, les inégalités de rémunération, les inégalités de promotion dont souffrent encore les femmes. Avec l'âge, je suis devenue de plus en plus militante de leur cause. Paradoxalement peut-être, là aussi, je m'y sens d'autant plus portée que, ce que j'ai obtenu dans la vie, je l'ai souvent obtenu précisément parce que j'étais une femme. A l'école, dans les différentes classes où j'ai pu me trouver, j'étais toujours le chouchou des professeurs. A Auschwitz, le fait que je sois une femme m'a probablement sauvé la vie, puisqu'une femme, pour me protéger, m'avait désignée pour rejoindre un commando moins dur que le camp lui-même.
399 pages
22,5 €
147,59 FF
Source: L'express livres
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Résumé |
Si ce poète habitué aux visitations angéliques s’est voulu insubstantiel, humble, dépouillé jusqu’à la transparence, c’est qu’il se savait né pour transmettre, pour écouter, pour traduire au risque de sa vie ces secrets messages que les antennes de son génie lui permettaient de capter ; enfermé dans son corps comme un homme aux écoutes dans un navire qui sombre, il a jusqu’au bout maintenu le contact avec ce poste d’émission mystérieux situé au centre des songes. (Extrait de la préface de Marguerite Yourcenar) |
Un extrait du recueil |
Un tel souffle, ne l’ai-je pas puisé au flux des minuits, |
Extraits de presse |
La Quinzaine littéraire, 15 juin 1994, Ces textes, comme le titre pourrait éventuellement le laisser supposer, ne renvoient en rien à l’immense tuerie en cours de ces années. Il est néanmoins vrai que ces poèmes peuvent, d’une façon inverse, par leur subtil retrait, leur palpitation recluse en poésie pure, apparaître comme en abîme quant aux événements historiques : l’effort désespéré du poète, pris au piège du monstrueux, et cherchant à préserver l’intensité de la grande trajectoire de réconciliation de la vie et de la mort que devait soutenir, en accomplissement éthique, le texte majeur des Élégies de Duino. Ainsi, les Poèmes à la nuit figureraient comme l’oasis d’une inspiration viscéralement menacée en son vaste estuaire d’effusion par l’intrusion des premiers carnages, Marne et Verdun. Contribueront à cet aménagement sécurisant aussi bien les lectures mystiques de Jean de la Croix que la découverte du Coran, avec sa vision de l’Ange surtout, sans parler, il va de soi, des Hymnes à la Nuit de Novalis.
Réveil, juin-août 1994, « Adapter les choses soumises au temps au monde moins menacé, plus calme, plus éternel, de l’espace pur ». Telle est la fonction de la poésie, exprimée par Rilke dans une lettre à Lou Andreas-Salomé du 8 août 1903. Poèmes à la nuit la réalise de manière admirable dans cette petite suite de vingt-deux textes écrits de janvier 1913 à février 1914, offerts à l’ami et confident Rudolf Kassner à un moment où l’ambitieuse entreprise de création des Élégies de Duino se trouvait interrompue.
Europe, mars 1994, [...] Ernst Meister, dans un poème, invoque le cri pathétique de Rilke : « Vous les êtres, où êtes-vous, qui tenez les mots et nous tenez ?/ Vous les anges ? » Rilke, décidément indissociable, en langue allemande, d’une quête et d’une approche de l’absolu aux résonances universelles. http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-poemesnuit.html
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Taj Mahal. C'est le nom que l'on donne à ce fabuleux mausolée moghol de marbre blanc bâti pour l'amour d'une femme. Il fut construit par l'empereur Shah Jahan pour recevoir le corps de sa deuxième épouse, Mumtaz-i-Mahal, morte en couches en 1631. Son trépas brisa le coeur de l'Empereur dont les cheveux seraient devenus gris en une nuit. Ses extravagances architecturales précipitèrent sa chute : il fut déposé par son propre fils. Pendant vingt-deux ans, vingt mille hommes travaillèrent jour et nuit pour satisfaire le désir impérial. Ainsi se dressa pour l'éternité le Taj Mahal, mausolée de marbre blanc orné d'or, d'argent et de pierres précieuses incrustées dans le marbre. Voici restituée sous nos yeux la vie à la cour des Grands Moghols, celle des fêtes fastueuses, des harems et des jardins qui nous est racontée par les peintures et les miniatures indiennes. Voici aussi l'incroyable épopée de la construction de ce monument, tout aussi prodigieuse que l'amour qui l'a fait naître. Elle fait revivre les luttes de pouvoir, les conflits religieux, l'opulence des palais ainsi que le fidèle dévouement de ces artisans qui ont tissé l'histoire du Taj Mahal.
http://www.evene.fr/livres/livre/timeri-n-murari-taj-28341.php
Roman traduit de l'anglais(Inde) par Pascal Debrock. Aux éditions Picquier poche.
Grâce à Absolu/Cécile(cf.ma liste de liens) de la bibliothèque de Saint-Quentin. Merci à elle.
C'est intéressant, romanesque, érotique, triste, poétique et beau.
Un huis clos tragique, le temps d’un samedi soir, dans un bar-discothèque où vont
se heurter les trajectoires de personnages plus ou moins fortement imbibés qui
cèdent à leurs pulsions ordinaires.
Une interrogation terriblement moderne sur les pulsions bestiales de l’homme
« civilisé »
http://livre.fnac.com/a2044571/Kenneth-Cook-A-coups-redoubles
Né dans une famille catholique dans la banlieue de Dublin en 1965, Colum McCann est très tôt familiarisé avec le monde de l’écriture puisque son père est journaliste et éditeur.
Après des études de journalisme au St Joseph’s College - la seule formation de journalisme en Irlande à l’époque - il se lance, dans les années quatre vingts, comme rédacteur notamment pour le Evening Herald ou le Evening Press.
À vingt-et-un an, il décide de s’embarquer pour un tour des États-Unis à bicyclette qui va durer deux ans. Durant ce périple de plus de 20 000 kilomètres, il multiplie les petits boulots et, de cette expérience, sur les pas de Kerouac, il va tirer La rivière de l’exil, son premier roman.
Après un séjour au Japon, il décide de s’installer aux Etats-Unis, à New-York, où il enseigne le creative writing au Hunter College.
Sa passion pour l’écriture l’a conduit au cinéma. Il a signé les scénarios de La Rivière de l’exil et de Beautiful Kid en 2003. A noter également que l’adaptation de Ailleurs en ce pays a été nominée aux Oscars 2005.
A quarante trois ans, Colum McCann est un romancier unanimement reconnu, en témoignent ses écrits parus dans de celèbres magazines tels que The New York Times, The Guardian, Die Zeit ou encore Paris Match. Son succès est international : son dernier roman, Zoli, a été traduit en vingt-six langues.
Bibliographie
Zoli (Editions Belfond, 2007)
Danseur (Editions Belfond, 2003)
Ailleurs, en ce pays (Editions Belfond, 2003)
La Rivière de l’exil (Belfond, 2001)
Les Saisons de la nuit (Belfond, 1999)
Le Chant du coyote (Belfond, 1998)
Liens
Présentation de Zoli
Les plaines de Bohême à la France, en passant par l’Autriche et l’Italie, des années trente à nos jours, une magnifique histoire d’amour, de trahison et d’exil, le portrait tout en nuances d’une femme insaisissable. Porté par l’écriture étincelante de Colum McCann, Zoli nous offre un regard unique sur l’univers des Tziganes, avec pour toile de fond les bouleversements politiques dans l’Europe du XXe siècle.
Tchécoslovaquie, 1930. Sur un lac gelé, un bataillon fasciste a rassemblé une communauté tzigane. La glace craque, les roulottes s’enfoncent dans l’eau. Seuls en réchappent Zoli, six ans, et son grand-père, Stanislaus.
Quelques années plus tard, Zoli s’est découvert des talents d’écriture. C’est le poète communiste Martin Stránský qui va la remarquer et tenter d’en faire une icône du parti. Mais c’est sa rencontre avec Stephen Swann, Anglais exilé, traducteur déraciné, qui va sceller son destin. Subjugué par le talent de cette jeune femme, fasciné par sa fougue et son audace, Swann veut l’aimer, la posséder. Mais Zoli est libre comme le vent.
Alors, parce qu’il ne peut l’avoir, Swann va commettre la pire des trahisons…
Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien. " L'auteur du Traître revient avec cinquante ans de recul sur les années décisives de son histoire. Il restait beaucoup à dire. Car ce n'était pas la sienne seulement.
http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/gorz-andre/lettre-a-d-histoire-d-un-amour,1215140.aspx
Betool Khedairi : Un ciel si proche
Dans le contexte des guerres irakiennes qui s’allonge indéfiniment, Betool Khedairi offre un regard de petite fille puis de femme de l’intérieur. L’Irak vu depuis la maison, en somme. La politique disparaît derrière les événements intimes que sont la première rentrée des classes ou le spectacle de danse de fin d’année. Les événements publics n’existent que par leurs conséquences sur le plan privé. Le père et la mère ne trouveront jamais la clé du mariage de leurs cultures respectives comme de leur mariage tout court d’ailleurs. Le combat autour de la langue cristallise toutes les crispations…
http://lecentre-jo.org/article.php3?id_article=449
Gringoland
Julien Blanc-Gras
Julien Blanc-Gras (1970)
- Sylvie Biscioni
Julien Blanc-Gras est né en 1976 à Gap, une très jolie petite ville. Très jolie. Mais petite. A 18 ans, il va faire ses études à Grenoble. Il obtient par miracle un deug d’histoire puis une maîtrise en journalisme, alors qu’il sèche tous les cours pour jouer de la basse dans un groupe de pop dont le succès s’étendra presque jusqu’à Valence. Tirant un trait sur cette poussive carrière musicale, il fait ses premières piges au Petit Bulletin, un journal culturel grenoblois, et au Dauphiné Libéré, où il sera menacé de mort pour s’être moqué d’une équipe de pétanque.
Soucieux d’élargir ses horizons, il profite du programme Erasmus pour aller étudier à Hull, la ville la plus moche d’Angleterre. Il y joue de la guitare dans les clubs et se fait des amis venus des quatre coins du monde, ce qui lui sera bien utile pour squatter à droite à gauche par la suite.
A l’automne 2001, au moment où le monde s’écroule, il entreprend un périple avec son sac à dos qui durera finalement un an. Mexique, Cuba, Guatemala, Bélize, USA : ce voyage nourrira son premier roman, Gringoland, qu’il écrit retranché derrière une montagne de l’Oisans où il peaufine son niveau en snowboard.
Durant ses années de branleur, il a aussi exercé les professions d’employé municipal, poissonnier, boulanger, barman, animateur en club de vacances, prof de guitare, horticulteur, distributeur de tracts, traducteur, embouteilleur d’eau minérale à la chaîne, contrebandier de cigares cubains, télé-enquêteur, archiviste, figurant à Bollywood, rédacteur de publi-reportages pour l’industrie porcine (de magnifiques sujets sur la boyauderie et les pieds paquets, notamment)…
En 2003, armé d’un manuscrit et d’un compte en banque négatif, il s’exile à Paris. Il pige alors pour la presse magazine et la télé (L’Express, Technikart, Nova, Max, Standard, Jasmin, Canal +, Tracks…) pour essayer de payer le loyer de son studio de 20 m2 à Ménilmontant. Ses reportages le conduisent sur les cinq continents (Inde, Colombie, Chine, Australie, Turquie, Maroc, Groland…), mais quand même plus souvent à Boulogne-Billancourt.
Gringoland sort en 2005. Julien est content : des gens lui disent bravo, on le prend en photo, on lui donne même des prix.
En 2006, il ne se souvient plus de ce qu’il a fait.
En 2007, son éditrice le kidnappe dans une résidence camarguaise pour achever Comment devenir un Dieu vivant, un roman qui aura moins de succès que le Da Vinci Code mais qu’il vous recommande quand même.
A 31 ans, Julien Blanc-Gras trouve qu’écrivain baroudeur est un métier cool, même si ce n’est pas un métier. A cet âge-là, Paul Mc Cartney avait déjà quitté les Beatles, mais on peut pas vraiment comparer. http://www.commentdevenirundieuvivant.fr
http://www.audiable.com/livre/?GCOI=84626100140130&fa=author&person_id=64&publishergcoicode=84626
MERCI A CECILE POUR CETTE DECOUVERTE ... ET POUR CES MOMENTS PASSES ENSEMBLE JUSQU'A CE MIDI MEME
« Un livre non écrit est plus qu'un vide. Telle une ombre active, il accompagne l'œuvre réalisée, avec ironie autant que tristesse. C'est le livre que l'on n'a pas écrit qui aurait pu faire la différence. Qui aurait pu nous permettre d'échouer mieux. Ou peut-être pas. »
Pour en savoir plus:http://www.gallimard.fr/Vient_de_paraitre/accueil.go?cgi=/gallimard-cgi/appliv1/ind_ouvrage?ouvrage=0010060916006013204920000
Titre
Nicolas Bouvier. L'oeil qui écrit
Auteur
François Laut
Paru le
29/12/2007
Editeur
RESUME de Nicolas Bouvier
Nicolas Bouvier (1929-1998) : écrivain-voyageur ? Sans doute, mais d'abord écrivain tout court, et puis aussi Genevois, poète, photographe...
A seize ans, celui qui s'emploiera à " raconter le voyage pour apprendre à écrire " sait qu'il veut sillonner le monde et inventer un art de la vie. Il part sur la route de l'Orient, d'abord en auto avec un ami jusqu'à Ceylan, puis seul jusqu'au Japon. Quand il rentre à Genève pour se marier et fonder une famille, il a quasiment dans sa besace la matière des trois livres qui font sa réputation aujourd'hui : L'Usage du monde, Chronique japonaise, Le Poisson-Scorpion.
Il lui faudra du temps pour les écrire, il lui faudra voyager encore à travers le monde, et aussi voyager dans sa mémoire. Ce portrait se fonde sur des documents inédits : la correspondance de l'écrivain (notamment avec le peintre Thierry Vernet, son meilleur ami), ses feuilles de route et ses carnets. François Laut, qui l'a connu, a également interrogé ses proches. C'est donc un Nicolas Bouvier intime qu'il nous raconte, introspectif, souvent déprimé, toujours ironique, pleinement artiste.
On suit le Genevois dans les voyages qu'il n'a pas racontés et dans ce qu'il a tu ou écarté des voyages qu'il a racontés. On le voit batailler en poète avec l'écriture et ses démons intimes ; on le voit vivre, aimer, souffrir en consumant son existence.
Il y a un temps pour tout. Il y a quelques années encore, Jean-Louis Debré, déjà chatouillé par le démon de l'écriture,ne faisait pas dans la dentelle. Dans son premier roman policier, Le Curieux, paru en 1986, il avait donné à l'un de ses personnages, une prostituée, le nom de Josiane Baladur (avec un seul “l”). L'affaire avait provoqué une froide colère de l'ancien premier ministre, ce que l'on peut comprendre. Désormais président du Conseil constitutionnel, huitième personnage de l'État dans l'ordre protocolaire, le gardien des tables de la loi ne peut plus se permettre ce genre de petites facéties.
Son dernier roman, Quand les brochets font courir les carpes (éditions Fayard Noir), dédicacé à sa femme Anne-Marie disparue il y a quelques mois, ne recèle pas, en apparence, de bombes à retardement. Mais un lecteur attentif humera, dans ce roman policier qui furète dans les coulisses du pouvoir politique, le doux fumet de la nostalgie d'un monde qui n'est plus. Et aussi une critique douce-amère des mœurs politiques d'aujourd'hui.
L'ancien président de l'Assemblée nationalene le cache pas. Il ne se sent pas à l'aise avec notre époque. «On a changé de monde, constate-t-il, les idéologies sont mortes. Aujourd'hui, tout va vite, très vite. Il s'agit de conquérir le pouvoir et d'y rester.» Est-ce vraiment bien nouveau ? Debré hausse les épaules. Il regrette que «la politique soit devenue un métier du spectacle» . «C'est comme ça, c'estle système actuel, mais ce n'est pas le mien», déplore-t-il. Ne vise-t-il pas, plutôt qu'un système, Nicolas Sarkozy ? Il assure que non, la main sur le cœur. Mais à lire certains passages de son livre on peut se poser la question. Page 33, il évoque «un nouveau chef de l'État connaissant à merveille les patrons de presse». Page 71, l'un de ses personnages évoque une ministre qui est un «gadget gauchiste du président qui préfère ses adversaires à ses amis». Avant de s'écrier : «Ce sont l'ouverture et la rupture les deux mamelles de la majorité présidentielle !» Page 214, encore, son héroïne, Claire Brégançon (sic), est décrite comme «grisée par la notoriété que lui confèrent ses passages à la télévision ou à la radio, par la meute des courtisans qui peuple les couloirsde la politique, elle s'est laissée enfermer dans un univers aussi réel et éphémère qu'enivrant».
Jean-Louis Debré n'a jamais, lui, connu l'ivresse du pouvoir. Tout simplement parce qu'il est né dans cet univers. Il n'a jamais, non plus, vraiment cherché à se pousser du col. Au contraire même. Quitte à être des années durant l'une des cibles préférées des moqueurs. Quitte à passer pour un butor borné, un simple porte-flingues de Jacques Chirac et à endosserle rôle du «moins intelligent de la famille», par rapport à son frère jumeau, Bernard, chirurgien devenu ministre d'Édouard Balladur en 1994, et «si brillant», lui.
Jean-Louis n'a pas cette réputation. C'est vrai. C'est un piètre orateur, au verbe court. Son ton est souvent exagérément solennel. Mais l'homme a cependant à son actif une haute opinion de la fonction politique. Et un véritable sens du service de l'État. Question de gènes, bien sûr. Être le fils de Michel Debré, ce n'est pas rien. Cela laisse des souvenirs d'enfance maintes et maintes fois racontés. De simples souvenirs pour lui, mais des fragments d'histoire du XXe siècle pour d'autres. Rares sont les enfants qui ont usé leurs culottes sur la rampe de l'escalier de Matignon et croisé Khrouchtchev, Adenauer ou Kennedy. Rares sont ceux qui ont vraiment appelé la femme du général de Gaulle «Tante Yvonne», partagé des dîners dominicaux avec les Pompidou ou qui se sont fait aider par André Malraux pour rédiger une dissertation. Cela laisse des traces évidemment. Cela donne une certaine armature morale. Qui s'est surtout révélée lorsque l'ancien député qui a refusé d'être décoré par Jacques Chirac fut élu à la présidence de l'Assemblée nationale. Contrela volonté de Jacques Chirac qui craignait que son protégé ne fut battu par Édouard Balladur. Et, là, du haut de son perchoir, Debré a réussi une mue étonnante. Il est parvenu à faire oublier le chiracôlatre inconditionnel et borné, l'apparatchik aux idées courtes, prêt à tout pour protéger «son» Chirac. Acquérant une imagede grand commis de l'État, il est parvenu à faire oublier le ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac qui s'était «tout tapé», entre 1995 et 1997 : les attentats, bien sûr, l'expulsion de l'église Saint-Bernard, mais aussi les charters de sans-papiers («Moi, je m'en suis coltiné 47 et Pasqua, qui a lancé l'idée, un seul !»). Bref, il a gommé une image épouvantable.
Cette fonction a-t-il dit, en présidant sa dernière séance, face à un Hémicycle qui s'est levé comme un seul homme de droite à gauche fut «l'honneur de sa vie». L'occasion pour lui de prendre sa mesure. Et d'être, enfin, respecté et reconnu pour avoir restauré le prestige de cette vieille institution tout en préservant les droits de l'opposition. Aujourd'hui président du Conseil constitutionnel, et bien décidé à faire bouger cette honorable maison, Jean-Louis Debré goûte encore son plaisir d'avoir su changer de réputation. Il n'est pas peu fier d'avoir reçu une cinquantaine de cartes de vœux de députés de gauche, avec ce texte : «Nous n'avons rien à te souhaiter si ce n'est ce qui est inscrit sur cette feuille du Journal officiel (compte rendu d'une séance à l'Assemblée) : “Rendez-nous Debré !”.»
Il sourit avec cet air triste, presque désolé, qui est sa marque de fabrique. Il le sait, ces années-là lui ont permis, enfin, de s'émanciper. De montrer qu'il n'était pas que l'obligé de Chirac.
Les relations entre les deux hommes sont d'ailleurs plus complexes qu'elles en ont l'air. Elles sont faites de petites fâcheries et de grands services. D'affection réelle et d'échanges téléphoniques banals «Qu'est-ce que tu fais ?», «Où es-tu ?» , forgés à l'époque épique de la campagne présidentielle de 1995.
Le président du Conseil constitutionnel est devenu au fil des ans à la fois le confident, le psychothérapeute et la nounou de l'ancien président. Mais l'ancien maire d'Évreux, à qui Chirac a confié, un jour de 1994, au creuxde la vague, «je te considère comme mon fils», n'est pas dupe.
Il connaît «son» Chirac sur le bout des doigts.Il sait qu'il a toujours mêlé affectivité et relations professionnelles. Il sait qu'il a désigné d'autres fils adoptifs dans sa longue carrière. Fils d'un jour, fils répudiés ou adulés, il y a eu de la concurrence. Et, même si Debré est l'un des seuls à avoir tenu sur la distance, il a dû avaler pas mal de couleuvres. Il n'a jamais eu ce ministère de la Défense dont il rêvait tant. Il adû défendre le quinquennat, lui le fils de Michel Debré. Il a dû accepter la disparition du RPR.
Qu'importe alors que Chirac se retrouve à nouveau seul, il est toujours là, à ses côtés.Et a toujours à l'esprit cette anecdote qu'il aime souvent relater. C'est ce souvenir d'enfant qui se réjouissait de voir arriver, lorsque son père était premier ministre, des boîtes de chocolats par dizaines. Puis qui constata, son père parti de Matignon, qu'il n'y avait plus de cadeaux. Plusde chocolats, ni de bonbons, si ce n'est ce paquet de calissons d'Aix envoyé, chaque année, et jusqu'à la fin de sa vie, par un fidèle admirateur du père de la Ve République. Debré se targue un peu d'être le paquet de calissons d'Aix de Chirac.
Une plongée dans l'atmosphère étouffante de la jungle africaine, cette terre encore mystérieuse pour les explorateurs européens du XIXe siècle. Comme souvent dans les œuvres de Joseph Conrad, c'est l'ancien marin Marlow qui nous raconte ses aventures exaltantes.
Le jeune Marlow part en Afrique prendre le commandement d'une embarcation destinée au transport de l'ivoire. Il quitte l'Europe et ses villes sépulcrales pour atteindre les côtes sauvages du continent africain, au terme d'un long voyage. Il remonte rapidement le fleuve vers le comptoir colonial auquel il est affecté. Marlow était attiré depuis l'enfance par le fleuve Congo, ce fleuve sauvage qui ressemblait à un serpent interminable et tortueux sur les livres de géographie.
En s'enfonçant dans le continent africain, Marlow traverse les âges pour atteindre l'humanité des origines, une humanité intégrée à la nature, une humanité à la sauvagerie effrayante. Le rythme des tambours résonne dans la nuit. La brume s'abat. On sent la fragilité de ces colons perdus au milieu d'un continent étranger, au milieu d'une nature hostile.
Le roman est dominé par un personnage presque totalement absent : Kurtz, le talentueux aventurier qui ramène plus d'ivoire que quiconque, Kurtz l'énigmatique chef de comptoir perdu dans la jungle… Ce personnage apparaît en creux dans toute l'œuvre : on évoque Kurtz, on craint Kurtz, on critique Kurtz, on évoque la performance de Kurtz, on loue les discours de Kurtz… Kurtz, Kurtz, Kurtz ! Ce nom apparaît sans cesse mais ce personnage reste un mystère. On comprend qu'un lourd secret se dissimule derrière ce nom mille fois répété. Pourtant on en apprendra peu. Nous partagerons la déception de Marlow de n'avoir pas pu mieux connaître cet homme à la fois fascinant et abject. La puissance d'évocation de ce roman est immense.
Cette œuvre contient en outre une violente charge contre le colonialisme européen du XIXe siècle. Les colons sont assimilés à des rapaces pressés de piller les terres qu'ils « découvrent ». La soif de l'ivoire guide ces hommes prêts à tout braver pour s'enrichir. Cruels mirages… les combats contre les autochtones, les animaux sauvages et les redoutables maladies déciment ces candidats à la gloire.
Le roman a été librement adapté au cinéma par Francis Ford Coppola en 1979 dans Apocalypse Now. La remontée d'un fleuve inquiétant, la rencontre avec un personnage mystérieux entouré de sa cour sauvage et cruelle… cette quête initiatique a parfaitement été transposée au cinéma grâce à l'interprétation remarquable des deux acteurs principaux, Martin Sheen et Marlon Brando. Le film remporta la Palme d'Or à Cannes en 1979, le César en 1980, deux Oscars et trois Golden Globes.
Lire des extraits de Au coeur des ténèbres, de Joseph Conrad
Lire gratuitement l'œuvre en anglais : http://www.conrad-heart-of-darkness.org
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Broché - 1503 pages
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Garnier Flammarion
Poche - 214 pages
ISBN : 208070530X
Bonne nouvelle pour tous ceux qui redoutent la fin de l'année et son overdose de famille-bouffe-cadeaux: deux petits livres drôles et méchants apportent de l'eau à leur moulin rabat-joie, avec un mauvais esprit réjouissant.
D'illustres représentants de ces grincheux - d'Alphonse Allais à Jules Renard, en passant par Pierre Dac, Cioran, Oscar Wilde, etc. - sont à l'honneur dans Je hais Noël, d'Eric Momus, véritable vade-mecum lettré pour repousser l'assaut des hôtes et des offrandes: «Les recevoir du bout des lèvres, du bout des doigts et, enfin, du bout des pieds», conseillait Jules Renard. Pour détendre l'atmosphère, ce bon mot des Nuls: «Quelle est la différence entre un curé et un arbre de Noël? Aucune: dans les deux cas, les boules, c'est pour décorer.»
Plus pragmatique, Jean-Loup Chiflet indique Comment résister aux fêtes de fin d'année avec moult conseils aussi avisés que facétieux. De l'art de se rebeller en rigolant!
Comment résister aux fêtes de fin d'année Jean-Loup Chiflet éd. Chiflet & Cie 127 pages 10 € 65,6 FF | |||
Le chantre de la Beat Generation fut aussi un prolifique épistolier. Ses lettres révèlent la source de son oeuvre.
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Lettres choisies (1957-1969)
Jack Kerouac
ed. Gallimard
Source: L'express livres.fr
Paraissent chez Gallimard, sous la direction de J.-Y. Tadié et directement au format de poche (Folio-Essais), deux volumes d'une nouvelle Histoire de la littérature française, qui entendent répondre à la question : que fut, à chaque grand âge de l'histoire culturelle de la France, la « littérature » pour les contemporains ? Ses auteurs se sont "attaché à marquer une continuité de l'objet à travers les différents visages et configurations qu'il revêtit. Ils ne proposent pas une histoire de la littérature telle qu'en elle-même le temps ne l'aurait jamais changée, mais le récit des acceptions différentes, infléchies que le mot « littérature » reçut tout au long de l'histoire de France."