Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
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Gustave Courbet : correspondances d'inspiration avec le sculpteur Clésinger
| 12.08.11 | 17h26 • Mis à jour le 12.08.11 | 17h26
Ornans, envoyé spécial - En 1847, un jeune sculpteur ambitieux, bientôt gendre de George Sand, Jean-Baptiste Auguste Clésinger (1814-1883) présente au Salon son marbre, Femme piquée par un serpent, nu grandeur nature. La posture suggère moins la souffrance ou la peur que la pâmoison et l'orgasme. La critique bien pensante s'indigne de cette lascivité d'autant plus violemment que la rumeur révèle bientôt que l'oeuvre a été exécutée à partir du moulage du corps nu d'Aglaé-Joséphine Savatier.
La jeune femme est bien plus connue dans l'histoire des arts et des lettres sous ses surnoms de Madame Sabatier et de la Présidente. Durant les décennies 1840 et 1850, elle est l'égérie des artistes et poètes modernes. Elle a - entre autres - Gautier, Nerval et Baudelaire pour admirateurs et soupirants. Elle tient salon. En 1846, elle est la maîtresse de l'industriel et collectionneur Alfred Mosselman, qui veut que ses amis mesurent son bonheur en constatant par eux-mêmes combien sa muse est séduisante. Il la fait donc mouler in extenso, puis sculpter par Clésinger, qui ne manque pas l'occasion de se rendre célèbre par ce coup d'éclat.
De ce scandale artistique et moral à ceux qui accueillent Les Baigneuses ou Le Sommeil, de Courbet, le passage est instantané : Courbet, autant que Clésinger, célèbre le corps féminin dans tous ses détails, sans rien négliger et en provoquant autant de colères que d'enthousiasmes. Si L'Origine du monde n'est pas dans l'exposition présentée au Musée Courbet d'Ornans, il est impossible de ne pas penser à elle tant il est évident que les deux artistes s'affranchissent des mêmes interdits. Sur ce point, Clésinger précède même Courbet de plusieurs années. Et tous deux savent que la photographie obscène est alors en train de devenir une industrie puissante. Même contexte donc, et même réaction.
Modèle partagé
Ce serait assez de ces raisons pour mettre en présence la sculpture de Clésinger et la peinture de Courbet, mais il en est d'autres. Les deux artistes se rencontrent à la fin des années 1840 et ont des amis communs. Ils ont, en au moins une occasion, le même modèle - et peut-être plus souvent si l'on compare les visages de plusieurs jeunes femmes, bustes et toiles. Par ailleurs, Courbet s'essaie à la sculpture pour rivaliser avec Clésinger, lequel exécute des paysages honorables dans le genre réaliste - et avec un rien de rusticité à la Courbet.
La fin de l'histoire est moins heureuse. Sous le Second Empire, les deux artistes s'écartent peu à peu l'un de l'autre, pour des raisons tant politiques qu'artistiques. Clésinger, en quête de commandes, s'efforce de plaire à Napoléon III et à sa cour, que Courbet défie ouvertement. En 1865, le sculpteur propose à l'empereur de dresser une colonne à sa gloire place de la Concorde. Elle serait parée de tout ce qu'il faut d'allégories antiques.
Courbet commente le projet de son ami en ces termes : "Quels sont ces bonshommes qui semblent jouer au pot de chambre aux quatre coins du piédestal ? Le génie casqué pour moi ressemble aussi bien à Don Quichotte qu'à un génie. Voudrais-tu m'expliquer votre idée ?" On imagine que Clésinger apprécia peu. Au reste, sa colonne ne fut jamais édifiée, ce qui a dispensé Courbet de lui faire subir le triste sort de la colonne Vendôme.
"Œuvres croisées : Courbet, Clésinger", Musée Courbet, place Robert-Fernier, Ornans (Doubs). Tél. : 03-81-86-22-88. Jusqu'au 3 octobre. De 10 heures à 18 heures, en août et septembre ; puis de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures. Fermé mardi. De 4 € à 6 €. Musee-courbet.fr
Philippe Daegen