Le point de vue de 19/08 - 01:00 | Par Pierre Gattaz
Pour que la France retrouve vraiment la voie de la croissance et demeure une grande puissance mondiale, le gouvernement doit faire le pari des entreprises. Les décisions qu'il prendra à la rentrée auront une importance capitale pour l'avenir.
Nous voici parvenus au bout de trente années de laisser-faire dramatique pour notre économie. Trente années où nous avons laissé filer la dette publique (20 % du PIB en 1980, contre 92 % en 2013), nos dépenses publiques (57 % du PIB, contre une moyenne européenne à 50 %), les prélèvements obligatoires (26 % de la valeur ajoutée créées par nos entreprises contre 15 % en Allemagne), le chômage (1,3 million de chômeurs en 1980, 3,2 millions aujourd'hui)…
L'heure des choix a donc sonné. Ne nous y trompons pas : les quelques frémissements des indicateurs économiques de la mi-août ne doivent pas nous rassurer, ou, pire, nous endormir. La rentrée politique et sociale s'annonce à hauts risques pour les entreprises françaises, donc pour la future prospérité des Français : réforme des retraites, budget 2014, loi sur la consommation, loi sur la cession obligatoire de sites rentables…
Deux options sont possibles. La première option est le court-termisme et la facilité en continuant la politique suivie depuis trente ans : l'augmentation des charges et des contraintes sur les entreprises - cotisations sociales et impôts en hausse, mise en place de nouvelles obligations, nouveaux textes de lois, de règlements, décrets, arrêtés, application de quotas et de pénalités...
Dans ce scénario, le Code du travail et celui des impôts prendront encore quelques dizaines de pages, la compétitivité s'écroulera, la vraie croissance (celle à plus de 2 %) ne reviendra pas, le chômage augmentera, les entrepreneurs déprimeront et nos jeunes quitteront le pays par manque d'avenir. La France sera alors reléguée définitivement en deuxième division, que ce soit en termes économiques, culturels, scientifiques, éducatifs, sportifs aussi, car c'est la France du moindre effort, du repli sur soi, de l'égoïsme catégoriel ou territorial, de l'évitement des mesures courageuses et de la facilité de la taxe, destructrice de compétitivité.
La seconde option est celle du sursaut par le retour à la raison économique en faisant le « pari de l'entreprise », de l'économie de marché et de la mondialisation. En faisant le choix de l'emploi, du travail et de l'excellence. Une France conquérante, qui se bat, veut y croire, investit, innove et se mondialise. Une France qui aura compris que seules des entreprises « compétitives » et des entrepreneurs « en confiance » créeront le sursaut nécessaire pour générer de la croissance, des emplois, et redresser le pays.
Compétitivité des entreprises, par la baisse des cotisations sociales, des charges et des impôts. Tous les rapports récents, français, européens ou internationaux, sont d'accord sur le fait qu'il y a 50 milliards de trop en cotisations sur le coût du travail et 50 milliards de trop en charges sur l'exploitation des entreprises. 100 milliards ponctionnés sur nos entreprises par rapport à nos concurrents européens équivalents. Réduire ces cotisations et ces charges par tous les moyens est une question de survie pour nos entreprises et notre pays.
Confiance des entrepreneurs, par trois mesures clefs : mise en place urgente d'un environnement fiscal, social et politique réellement et durablement favorable aux entreprises, notamment par l'extrême simplification de toutes les réglementations ; baisse tangible et durable des dépenses publiques en réformant enfin notre sphère publique devenue obèse ; protection absolue des entreprises dans les prochaines mesures qui ne devront augmenter ni leurs cotisations, ni leurs charges, ni leurs contraintes. Car ces trois paramètres, qui ruinent la compétitivité française, ont déjà atteint des niveaux extrêmes dans un monde concurrentiel et ouvert.
Le gouvernement est donc attendu sur ses actes, à travers les décisions de cette fin d'année.
Je crois que la raison peut triompher. N'oublions jamais que ce sont des gouvernements de gauche, en Allemagne, en Suède, qui ont fait le pari de l'emploi en faisant le choix de la compétitivité des entreprises.
Des premiers signes encourageants ont été donnés : le crédit d'impôt compétitivité emploi et la transposition fidèle de l'accord mettant en place une nouvelle flexisécurité. Mais l'on peut s'interroger sur le fait que la gravité et la profondeur de la crise soient vraiment perçues à leur juste mesure.
Face à la situation catastrophique, la raison d'Etat voudrait que toute nouvelle mesure soit désormais et exclusivement jugée à l'aune de la création d'emplois et de la compétitivité de nos entreprises. Ce sera en tous les cas la ligne de conduite du Medef.
Mais nous ne transformerons pas le pays à nous seuls. Soit le gouvernement fait le « pari des entreprises » comme l'immense majorité des pays l'a déjà fait, et la France retrouvera alors le chemin de la croissance et de la prospérité, et restera une grande puissance mondiale. Soit le gouvernement poursuit sur la lancée des 30 dernières années, néglige les entreprises et les forces vives du pays, en continuant de les taxer, de les contraindre et de les démotiver, alors la France s'enfoncera inéluctablement vers le chômage de masse, la déchéance et la pauvreté.
Par PIERRE GATTAZ
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