Le minéralier va commercialiser un nouveau format de 20 cl destiné à la vente ambulante.
19/6/14 - 09 H 31
(Norbert FALCO/LE DAUPHINE)
Un peu plus de six millions de bouteilles d’eau sortent chaque jour des chaînes de production d’Evian. Ici la nouvelle « Goutte ».
Danone table sur un million de consommateurs supplémentaires pour sa marque phare.
Au détour de la route qui descend du plateau du Gavot, l’usine de l’eau d’Evian apparaît en contrebas, imposante, avec le lac Léman comme majestueux décor. Sur les côtés se tient la plus importante gare privée de France, d’où partent chaque jour cinq convois, chacun emportant un million de bouteilles.
« C’est la plus grosse usine d’embouteillage d’eau minérale au monde, avec une production de 1,5 milliard de bouteilles par an », s’enorgueillit Stéphane Dupays, le directeur du site situé à Publier-Amphion (Haute-Savoie).
Ceux qui n’ont jamais visité d’usine d’embouteillage seront déçus s’ils espèrent admirer une source jaillissante. Le précieux liquide provient des pluies et des neiges tombées sur le plateau du Gavot, distant d’une dizaine de kilomètres.
Une source que l’homme n’approche jamais
C’est sur cette zone de 35 km2 , qu’on appelle l’impluvium, qu’elles s’infiltrent et traversent des roches glaciaires pendant une quinzaine d’années avant de parvenir à la source que l’homme n’approche jamais. Des conduites en acier entraînent par gravité le précieux liquide vers l’usine où il ne voit pour la première fois la lumière que pendant quelques secondes, au moment de sa mise en bouteille.
Pas de geyser, donc, mais une succession de presses à fabriquer des préformes, de souffleuses pour transformer ces petits tubes de plastique PET en bouteilles, de chaînes de remplissage, de méandres de tapis roulants où se bousculent des armées de bouteilles aux bouchons bleus ou roses, de robots pour les mettre en palettes… La ruche industrielle fonctionne sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
La « goutte » d’Evian
Depuis peu, une nouvelle ligne de production a été mise en place pour le dernier pari industriel et marketing de Danone : la « goutte » d’Evian. Une mini-bouteille de 20 cl sans étiquette mais avec un logo en relief et dont le bouchon a été remplacé par un opercule. « Il nous a fallu trois ans entre la première réflexion et la première goutte sortie de la chaîne », explique Thomas Kyriaco, responsable marketing et chef du projet.
Si Danone ne veut pas communiquer sur l’investissement consacré au produit, l’objectif est clair : toucher en 2014 un million de consommateurs… loin des grandes surfaces. Ce sont des vendeurs de rue qui vont proposer ces bouteilles aux passants, et cela à partir de dimanche 22 juin, à l’occasion des 24 heures du Velib’, le dispositif parisien de libre-service de vélos (1). « La vente ambulante est au cœur de notre proposition, insiste Thomas Kyriaco. C’est l’ADN du concept. »
L’équivalent d’un verre d’eau
Selon Danone, deux Français sur trois ne s’hydratent pas assez car, vie moderne oblige, ils ne prendraient pas le temps de traiter la « petite soif » quand ils sont hors de chez eux. Des vendeurs seront donc disposés à des endroits de grands flux pour proposer ces flacons dont le volume, soigneusement choisi après des enquêtes auprès des consommateurs, correspond à un verre d’eau.
Le but est que les acheteurs boivent et écrasent l’emballage avec la possibilité de le rendre aux vendeurs pour un recyclage intégral. Un nouveau service et un geste inédit, insiste Danone, mais un geste qui a un prix : 1 €, soit, donc, 5 € le litre, c’est-à-dire jusqu’à plus de dix fois son prix en format familial en grande surface…
Des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être, selon Thomas Kyriaco. « Ce produit représente un nouveau service avec de nombreuses équipes, une goutte d’Evian proposée fraîche dans des endroits clés et donc avec un coût logistique », dit le chef du projet qui insiste aussi sur la proposition de recyclage du contenant qui sera faite de manière systématique aux acheteurs. Outre la vente ambulante, Danone a entamé des discussions avec des chaînes hôtelières ou des « brasseries de prestige » qui pourraient proposer la « goutte » à leurs clients.
« Les consommateurs perdent un peu le repère des tarifs »
Ce nouveau format, qui se veut « premium » (la chaîne de production est optimisée pour éviter tout choc ou rayure sur la bouteille) vient s’ajouter à la vingtaine de contenants existants et concourt à la volonté de diversification de la clientèle. Danone a lancé ainsi plusieurs initiatives ces derniers temps avec, notamment, un service de livraison à domicile.
« Pour un minéralier, créer de nouveaux formats est certes une manière de répondre à de nouveaux besoins des consommateurs, estime Antoine de Riedmatten, associé au cabinet Deloitte et spécialiste de la grande consommation. Mais c’est aussi retrouver une certaine liberté dans les prix car les consommateurs perdent un peu le repère des tarifs. » Selon ce spécialiste, le marché de l’eau minérale est d’autant plus difficile que les entreprises privilégient les fontaines d’eau.
Reste que le pari d’Evian est peut-être aussi d’asseoir une notoriété déjà parmi les plus abouties des eaux minérales, et de remettre un peu d’impulsion dans les ventes d’un produit, l’eau, somme toute basique en allant au-devant de la clientèle potentielle.
Le marché de l’eau reprend des couleurs
Après une période de crise, le marché de l’eau en bouteille regagne en croissance depuis 2010, mais cette progression a ralenti en 2013.
Les ventes d’eau plate en grandes et moyennes surfaces ont enregistré une hausse de 2 % de leur chiffre d’affaires sur les douze derniers mois, à 1,3 milliard d’euros alors que les volumes ont crû de 3,4 %, à 5,7 milliards de litres, selon les derniers chiffres du cabinet IRI.
Les eaux pétillantes perdent 0,7 % de chiffre d’affaires à 600 millions d’euros avec un volume en progression de 0,8 %, à 1,2 milliard de litres. Les ventes d’eaux aromatisées ont progressé de 15,2 % en chiffre d’affaires (115 millions d’euros) pour 120 millions de litres.
Danone eau France (Evian, Badoit, Volvic ou Salvetat) réalise quelque 500 millions de chiffre d’affaires.
Le marché de l’eau est atypique car les volumes sont bien plus importants que les chiffres d’affaires en raison de la sévère concurrence qui se joue sur les prix de ces produits d’appel.
Michel Waintrop (envoyé spécial à Publier-Amphion, en Haute-Savoie)
(1) De 8 à 22 heures sur l’avenue des Champs-Élysées, avec de nombreuses manifestations et un relais à vélos.
L’association de défense des consommateurs CLCV attaque des fournisseurs d’eau
Au détour de la route qui descend du plateau du Gavot, l’usine de l’eau d’Evian apparaît en contrebas, imposante, avec le lac Léman comme majestueux décor. Sur les côtés se tient la plus importante gare privée de France, d’où partent chaque jour cinq convois, chacun emportant un million de bouteilles.
« C’est la plus grosse usine d’embouteillage d’eau minérale au monde, avec une production de 1,5 milliard de bouteilles par an », s’enorgueillit Stéphane Dupays, le directeur du site situé à Publier-Amphion (Haute-Savoie).
Ceux qui n’ont jamais visité d’usine d’embouteillage seront déçus s’ils espèrent admirer une source jaillissante. Le précieux liquide provient des pluies et des neiges tombées sur le plateau du Gavot, distant d’une dizaine de kilomètres.
Une source que l’homme n’approche jamais
C’est sur cette zone de 35 km2 , qu’on appelle l’impluvium, qu’elles s’infiltrent et traversent des roches glaciaires pendant une quinzaine d’années avant de parvenir à la source que l’homme n’approche jamais. Des conduites en acier entraînent par gravité le précieux liquide vers l’usine où il ne voit pour la première fois la lumière que pendant quelques secondes, au moment de sa mise en bouteille.
Pas de geyser, donc, mais une succession de presses à fabriquer des préformes, de souffleuses pour transformer ces petits tubes de plastique PET en bouteilles, de chaînes de remplissage, de méandres de tapis roulants où se bousculent des armées de bouteilles aux bouchons bleus ou roses, de robots pour les mettre en palettes… La ruche industrielle fonctionne sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
La « goutte » d’Evian
Depuis peu, une nouvelle ligne de production a été mise en place pour le dernier pari industriel et marketing de Danone : la « goutte » d’Evian. Une mini-bouteille de 20 cl sans étiquette mais avec un logo en relief et dont le bouchon a été remplacé par un opercule. « Il nous a fallu trois ans entre la première réflexion et la première goutte sortie de la chaîne », explique Thomas Kyriaco, responsable marketing et chef du projet.
Si Danone ne veut pas communiquer sur l’investissement consacré au produit, l’objectif est clair : toucher en 2014 un million de consommateurs… loin des grandes surfaces. Ce sont des vendeurs de rue qui vont proposer ces bouteilles aux passants, et cela à partir de dimanche 22 juin, à l’occasion des 24 heures du Velib’, le dispositif parisien de libre-service de vélos (1). « La vente ambulante est au cœur de notre proposition, insiste Thomas Kyriaco. C’est l’ADN du concept. »
L’équivalent d’un verre d’eau
Selon Danone, deux Français sur trois ne s’hydratent pas assez car, vie moderne oblige, ils ne prendraient pas le temps de traiter la « petite soif » quand ils sont hors de chez eux. Des vendeurs seront donc disposés à des endroits de grands flux pour proposer ces flacons dont le volume, soigneusement choisi après des enquêtes auprès des consommateurs, correspond à un verre d’eau.
Le but est que les acheteurs boivent et écrasent l’emballage avec la possibilité de le rendre aux vendeurs pour un recyclage intégral. Un nouveau service et un geste inédit, insiste Danone, mais un geste qui a un prix : 1 €, soit, donc, 5 € le litre, c’est-à-dire jusqu’à plus de dix fois son prix en format familial en grande surface…
Des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être, selon Thomas Kyriaco. « Ce produit représente un nouveau service avec de nombreuses équipes, une goutte d’Evian proposée fraîche dans des endroits clés et donc avec un coût logistique », dit le chef du projet qui insiste aussi sur la proposition de recyclage du contenant qui sera faite de manière systématique aux acheteurs. Outre la vente ambulante, Danone a entamé des discussions avec des chaînes hôtelières ou des « brasseries de prestige » qui pourraient proposer la « goutte » à leurs clients.
« Les consommateurs perdent un peu le repère des tarifs »
Ce nouveau format, qui se veut « premium » (la chaîne de production est optimisée pour éviter tout choc ou rayure sur la bouteille) vient s’ajouter à la vingtaine de contenants existants et concourt à la volonté de diversification de la clientèle. Danone a lancé ainsi plusieurs initiatives ces derniers temps avec, notamment, un service de livraison à domicile.
« Pour un minéralier, créer de nouveaux formats est certes une manière de répondre à de nouveaux besoins des consommateurs, estime Antoine de Riedmatten, associé au cabinet Deloitte et spécialiste de la grande consommation. Mais c’est aussi retrouver une certaine liberté dans les prix car les consommateurs perdent un peu le repère des tarifs. » Selon ce spécialiste, le marché de l’eau minérale est d’autant plus difficile que les entreprises privilégient les fontaines d’eau.
Reste que le pari d’Evian est peut-être aussi d’asseoir une notoriété déjà parmi les plus abouties des eaux minérales, et de remettre un peu d’impulsion dans les ventes d’un produit, l’eau, somme toute basique en allant au-devant de la clientèle potentielle.
Le marché de l’eau reprend des couleurs
Après une période de crise, le marché de l’eau en bouteille regagne en croissance depuis 2010, mais cette progression a ralenti en 2013.
Les ventes d’eau plate en grandes et moyennes surfaces ont enregistré une hausse de 2 % de leur chiffre d’affaires sur les douze derniers mois, à 1,3 milliard d’euros alors que les volumes ont crû de 3,4 %, à 5,7 milliards de litres, selon les derniers chiffres du cabinet IRI.
Les eaux pétillantes perdent 0,7 % de chiffre d’affaires à 600 millions d’euros avec un volume en progression de 0,8 %, à 1,2 milliard de litres. Les ventes d’eaux aromatisées ont progressé de 15,2 % en chiffre d’affaires (115 millions d’euros) pour 120 millions de litres.
Danone eau France (Evian, Badoit, Volvic ou Salvetat) réalise quelque 500 millions de chiffre d’affaires.
Le marché de l’eau est atypique car les volumes sont bien plus importants que les chiffres d’affaires en raison de la sévère concurrence qui se joue sur les prix de ces produits d’appel.
Michel Waintrop (envoyé spécial à Publier-Amphion, en Haute-Savoie)
(1) De 8 à 22 heures sur l’avenue des Champs-Élysées, avec de nombreuses manifestations et un relais à vélos.
http://www.la-croix.com/Actualite/Economie-Entreprises/Economie/Evian-parie-sur-les-vendeurs-de-rue-2014-06-19-1166808