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Voyage - Page 42

  • Catégories : CE QUE J'AIME. DES PAYSAGES, Venise, Voyage

    Slovénie, un rêve d'Europe centrale

    Slovénie, un rêve d'Europe centrale

     

     

    EN IMAGES - Indépendante depuis 1991, l'ancienne république yougoslave a su croiser ses influences latine, germanique, balkanique et hongroise pour se bâtir une identité singulière. Des Alpes Juliennes aux rives de l'Adriatique, voyage au pays des matins calmes et des nuits agitées.

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  • Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, Voyage

    On le promettait prométhéen

     

    Dominique KALIFA 25 mars 2015 à 17:11
    CRITIQUE

    Un regard nouveau sur le XIXe siècle

     

    Il y a d’abord un tour de force. Jeunes historiens l’un et l’autre, Emmanuel Fureix et François Jarrige ont beaucoup lu, beaucoup annoté, pour offrir ce panorama quasi exhaustif des travaux qui ont, depuis un peu plus de trente ans, renouvelé la compréhension du XIXe siècle français. La synthèse qu’ils présentent, «un voyage dans le XIXe siècle des historiens», est nourrie de centaines d’ouvrages, de thèses, d’articles publiés en français et en anglais, et constitue donc un très précieux vademecum pour qui souhaite s’orienter dans le continent des publications historiques récentes et repérer les références marquantes.

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  • Archéologia n° 531

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    Archéologia n° 531
    Irak. Destructions massives des œuvres archéologiques

    N° 531 - avril 2015 - 6,90 €

    ISSN : 0570-6270

    Archéologia n° 531 - avril 2015

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    Description du numéro Archéologia n° 531

    Le conflit en Syrie n'épargne pas les œuvres archéologiques des pays limitrophes : des fanatiques religieux s'en sont pris à des merveilles irakiennes, taureaux ailés monumentaux et sculptures divines, témoins de la splendeur de l'Orient antique. 

    Le Kosovo et les Balkans sont à l'honneur au travers deux articles. Le premier présente les stars du Néolithiques de cette région, pour la première fois sorties de leur pays d'origine et exposées au musée d'Archéologie nationale (Saint-Germain-en-Laye). Le second montre que la présence des chrétiens remonte au début du Moyen Âge et propose la reconstitution d'un complexe religieux passionnant. 

    Quant à l’Égypte, qui ne cesse de nous fasciner, elle recèle encore bien des merveilles. Une étude des décors des mastabas (tombes) montre un lien surprenant entre les jeunes garçons et la huppe, un oiseau hautement symbolique. 

    Plus proches de nous, mais tout aussi énigmatiques, les vestiges tricotés de notre passé restent encore à découvrir. De fil en aiguille, et de découvertes archéologiques en analyses approfondies, une histoire se tricote. 

    Pour voyager et pour découvrir que l'archéologie peut être socialement utile, il faut se rendre en Argentine dans la province de Catamarca, dans les cimes des Andes, au cœur du Musée intégral de la Réserve de biosphère de Laguna Blanca. 

    Une sélection de livres récemment parus ainsi qu'une présentation du dernier ouvrage de Grégor Marchand sur la Préhistoire atlantique complète ce sommaire du numéro d'avril d'Archéologia. 


    Articles

    Actualités

    Numéro précédent : Archéologia n° 530 - La Victoire de Samothrace

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  • Catégories : CE QUE J'AIME. DES PAYSAGES, Le Maroc:vie et travail, Voyage

    Maroc

    Et la meilleure destination au monde en 2015 est … Marrakech !  

    La ville de Marrakech a été consacrée nouvelle destination "Travellers' Choice" numéro 1 au monde pour 2015 par le site de voyage Tripadvisor. Ce classement a été réalisé suite à la collecte de plus de 200 millions d'avis et opinions de voyageurs. Marrakech se classe ainsi en tête de grandes capitales internationales comme Londres (6ème position), Rome (7ème position), Buenos Aire (8ème), Paris (9ème), etc... . L'année dernière, c'était Istanbul (Turquie) qui avait remporté le prix. Le prix vient d'être remis au directeur général de l'ONMT, Abderrafie Zouitene. A cette occasion, M.Zouitene a déclaré : «cette magnifique consécration est la résultante du travail des opérateurs de la ville de Marrakech et plus généralement du Maroc et de la stratégie marketing et de coopération menée par l'Office avec Tripadvisor».

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  • Interbrand se pose à Istanbul

    Interbrand se pose à Istanbul

    Le 17/03/2015 à 17:12 par Carole Soussan
     

    Heinemann, spécialiste du duty free et du travel retail aéroportuaire, et son partenaire Unifree Dutyfree, leader du marché turc, ont fait appel à Interbrand pour soutenir leur candidature à un projet courant sur 25 ans : remporter l’espace Retail du nouvel aéroport d’Istanbul. Heinemann, Unifree Dutyfree et Interbrand ont créé conjointement l'expérience du futur terminal en détaillant à la fois l’architecture intérieure ainsi que les concepts design prévus pour cet espace de 53 000 mètres carrés. Avec jusqu'à 150 millions de passagers traversant un terminal d'un million de mètres carrés, le nouvel aéroport d’Istanbul deviendra l’un des plus grands aéroports du monde. La tulipe ottomane, « métaphore du pluralisme, du commerce, de l’hospitalité et du patriotisme » incarne la marque Unifree. Elle caractérise l’aéroport « comme un hôte toujours accueillant et inspirant pour les voyageurs du monde entier et est présente sur une multitude de points de contact au sein de l'aéroport ». C’est sur ces fondements qu’Interbrand a conçu une expérience retail complète pour ce vaste espace allant de l’implémentation de boutiques de luxe, d’un véritable bazar turc, de zones d'information, de boutiques duty free, de stands de dégustation, de salons… Deux éléments du paysage turc ont inspiré la composition architecturale de l’aéroport : le Bosphore et les sept collines d'Istanbul. Ce nouvel espace retail compte créer plus de 3.000 emplois au sein du nouvel aéroport d’Istanbul et nécessitera un investissement global de plus 120 millions d'euros. L'aéroport ouvrira ses portes en 2018 avec un trafic annuel de 90 millions de passager.

  • Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, Voyage

    Recherche Dustan perdu

    Critique Réédition des romans crus et cul de l’auteur mort en 2005

    Par PHILIPPE LANÇON
    Libération

    On manifeste contre le mariage gay, on le légalise, et on réédite Guillaume Dustan, né William Baranès, écrivain français, magistrat et pédé, explorateur du corps et voyageur au bout de la nuit techno-partouzarde des années 90. Il meurt en 2005 chez lui, d’une embolie pulmonaire probablement due à un excès ou à un arrêt brutal de médicaments. Il a 39 ans, ce n’est pas un bel âge pour mourir. Ses livres se vendent à quelques milliers d’exemplaires. Il est séropositif, rescapé, ultradépressif. Son personnage public de provocateur l’a mis à nu en recouvrant de paillettes et d’imbéciles les phrases qui lui ont permis de naître. Les lieux qu’il habite, il les a quittés l’un après l’autre en laissant tout, rien dans les mains rien dans les poches. Son épitaphe pourrait être : j’ai vécu sans protection.

    Dustan, c’est l’homme qui écrit en 1999 dans Nicolas Pages : «On va vouloir faire des bébés avec deux spermatozoïdes et pas d’ovule et ça sera interdit. On veut élever des enfants dans notre couple monosexuel et c’est interdit. On veut adopter et c’est interdit. On veut vivre avec un étranger et c’est interdit. On veut se marier et c’est interdit. Il n’y a plus que nous et les fous et les enfants qui n’avons pas le droit de nous marier. Avant, il y avait aussi : les esclaves, les serfs, les couples interraciaux, les bonnes (ou alors c’était la porte). Diviser pour régner, c’est toujours le même truc. Et puis avilir.» C’est aussi l’homme qui dit d’un air las chez Thierry Ardisson, une perruque de blonde sur le crâne, pour justifier le non-usage de préservatif entre séropositifs : «Moi, j’pense qu’on est responsable pour soi, pas pour les autres. Parce qu’à partir du moment où on est responsable pour les autres, on s’occupe plus de soi, et il se passe plus rien, et voilà.» Bref, un tardif petit dinosaure de l’ère libertaire.

    Mais c’est d’abord l’homme qui écrit trois ans plus tôt dans son premier livre, Dans ma chambre - récit rétrospectif de certaines expériences érotiques et amoureuses, quinze chapitres de une à cinq pages écrits à Tahiti alors qu’il pensait bientôt mourir du sida : «Certains éléments servent plus que d’autres. Je les aime tous. Ils sont comme des parties de moi qui viennent se poser là où je l’ai décidé et y maintiennent mon emprise. Mais c’est aussi leur office de servir le corps. Cagoule collier bâillon pinces à seins menottes godes cockring étouffe-queue parachute menottes. Tout est mobilisé. Prêt à maximiser l’effet de la bite dans la bouche ou dans le cul, les coups de cravache sur le cul, les jambes, le dos les épaules les bras les mains les pieds les couilles la queue. Ça ne fait jamais mal quand c’est bien fait. Je ne suis pas sadique. Seulement un peu mégalomane.» Le sens du ridicule vis-à-vis du folklore homosexuel s’applique chez Dustan, comme ses instruments, d’abord à lui-même : principe de délicatesse. Poursuivons : «Ça ne fait pas de marques. De toute façon tout ce que je fais, tout ce dont je me sers a préalablement été essayé sur moi. Alors tout se passe bien. Même les gros godes ressortent sans un filet de sang, même ceux qui sont plus gros qu’un poing et qui passent après le deuxième sphincter. Je suis devenu très conscient de mon corps, de son extérieur comme de son intérieur, grâce à ça, je pense. Je travaille. Mes seins, mon cul, mes éjaculations, mes prestations.»

    Epuisement. Tout le sens des premiers livres de Dustan est dans ces lignes sèches, précises, brutales, ironiques, naturelles, comme éperdues, et qui, somme toute, ont une morale : celle d’un homme qui bosse et n’embarrasse pas ce qu’il décrit de ponctuation, d’amortisseurs, de formules de style. Dustan écrit au présent, répète les mots comme on répète les gestes. Il se regarde vivre jusqu’au bout, par le sexe, avec deux criquets sur les épaules, Sade sur l’une, Bret Easton Ellis sur l’autre. C’est une tentative d’épuisement d’un corps parisien et fin de siècle dont il fait le compte rendu.

    Souvent, on croit lire le scénario d’un film d’action, parfois burlesque, plutôt muet. Ces travailleurs du sexe parlent peu. Ce n’est pas seulement qu’ils ont souvent la bouche pleine ; mais ils sont là pour agir, explorer les procédures les plus extrêmes de leur jouissance. «C’est ça que j’aime la nuit, écrit Dustan : la communication réduite à l’essentiel.» La phrase également.

    P.O.L a été l’éditeur de ses trois premiers livres, les meilleurs. Il débute par eux la publication de ses «Œuvres». Deux volumes suivront, avec des inédits - en particulier une lettre où Dustan explique violemment le sens de son premier livre. Il a passé sa courte existence à agir et à s’expliquer. Il est aidé, dans cette tâche désormais posthume, par l’universitaire Thomas Clerc. Borges disait que les historiens de la littérature française doivent définir des écrivains qui ont passé leur vie à se définir. Clerc est l’historien appliqué de Dustan, écrivain français.

    Les textes sont strictement autobiographiques. Dustan a mis sa vie dans son talent. Et la vie, ici, c’est d’abord la sexualité - quoi qu’on décide d’en faire. Dans ma chambre explore le sexe et l’amour. Je sors ce soir, le sexe, la musique et l’ecstasy. Plus fort que moi, le sexe et le sadomasochisme. Les trois livres sont poreux : on retrouve des personnages, des références, des médicaments, des gestes, des figures, des airs de musique, des sentiments. La répétition noue l’action : Dustan et ses partenaires pédalent dans une roue enchantée, infernale. De ce point de vue, ce sont des héros : tout le monde il est beau, jeune, obsédé, au-delà. On dirait les prototypes d’une écurie de cyclistes cherchant à perfectionner sans cesse les bicyclettes, les corps, les performances, par tous les moyens possibles, jusqu’à la sortie de route : on est bien dans les années 90.

    Les gens ordinaires regardent le Tour de France sans pédaler. Ils devraient pouvoir lire Dustan sans être pédés ni fréquenter les backrooms : élargir le cercle des lecteurs est l’enjeu de cette édition. Il est possible qu’elle paraisse à contretemps. Les années Dustan, dernières pointes de la colère de l’individu, de sa bonté sauvage, de sa générosité non calculée, de ses exploits sous EPO, semblent assez loin.

    Extase. Ces trois premiers livres forment un spectacle aux vibrations froides. Ils renseignent sur ce qui eut lieu dans certains endroits, quand le sida conjuguait ses victimes au futur antérieur, et ils le font avec une précision qui reste remarquable. Pourquoi cette précision? Ce qu’écrivait Roland Barthes en 1979 dans sa préface à Tricks de Renaud Camus, cet amer de la littérature homosexuelle, s’adapte à Dustan : «Les pratiques sexuelles sont banales, pauvres, vouées à la répétition, et cette pauvreté est disproportionnée à l’émerveillement du plaisir qu’elles procurent. Or, comme cet émerveillement ne peut être dit (étant de l’ordre de la jouissance), il ne reste plus au langage qu’à figurer, ou mieux encore à chiffrer, à moindres frais, une série d’opérations qui, de toute manière, lui échappent.»

    Dustan fait en sorte que cette jouissance échappe le moins possible au langage qu’il dépose. Parfois, par le miracle d’une phrase, il y arrive. Ainsi, une nuit, rentrant chez lui sous ecstasy : «Je mets le CD de la BO de Lost Highway que Tina a eu la bonne idée d’acheter. La 13, Insensatez, d’Antonio Carlos Jobim, en boucle. C’est ça qu’on entend dans la séquence où Balthazar Getty se repose en jogging et en savates dans le jardin de ses parents.» Et voici la phrase magique, qui naît d’un encombrement de détails adolescents pour finir dans une sorte d’extase - et de néant : «Il est sublime de beauté, allongé dans un transat, et puis il se lève et il regarde par-dessus la barrière dans le jardin de ses voisins le ballon en plastique, ou peut-être que c’est une bouée canard, flotter dans la piscine pour enfants vide.» Cette bouée canard en suspension, ce vide final derrière l’enfant triste qu’il fut : jolies trouvailles.

    La précision a une autre raison : éviter l’ennui, que Dustan - il le répète souvent - fuit comme la peste. La précision tend un filet qui l’empêche de s’infiltrer, malgré les répétitions. Dans ma chambre, ici, fait écho au prologue de Voyage autour de ma chambre, le classique de Xavier de Maistre, auteur emprisonné : «J’ai entrepris et exécuté un voyage de quarante-deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j’ai faites, et le plaisir continuel que j’ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public ; la certitude d’être utile m’y a décidé. Mon cœur éprouve une satisfaction inexprimable lorsque je pense au nombre infini de malheureux auxquels j’offre une ressource assurée contre l’ennui, et un adoucissement aux maux qu’ils endurent.»

    Il y a une troisième raison à cette précision. Dans ses mémoires (1), Nadejda Mandelstam, la femme du poète russe Ossip Mandelstam, mort au goulag, l’a peut-être donnée : «Le sentiment qu’il est un pécheur constitue la principale richesse de l’homme. Le péché est toujours concret, et le repentir s’exprime par un langage précis, d’une force unique. C’est le langage d’un instant, et il dure éternellement.» Dustan décrit des instants sexuels, pour qu’ils durent éternellement. Il ne se repent de rien, au contraire : il affirme et s’affirme. Mais l’affirmation est précisée par les menaces qui la sculptent : «Si je reste ici je vais mourir. Je vais finir par mettre du sperme dans le cul de tout le monde et par me faire pareil. La vérité, c’est qu’il n’y a plus que ça que j’ai envie de faire. D’ailleurs c’est déjà bien parti. Evidemment je ne pourrai en parler à personne. Je ne pourrai plus rencontrer personne. J’attendrai d’être malade. Ça ne durera sûrement pas longtemps. Alors je me dégoûterai tellement que ce sera enfin le moment de me tuer. Je me suis dit que je n’avais plus qu’à partir.» Comme disait Céline: «Anus Caïn pfoui.»

    Animal. Le premier livre est le plus abouti - dans le ton comme dans la construction ; puis, en 1996, on n’avait jamais lu ça comme ça. Dans le second, plus aérien, les personnages sont plus bavards : c’est celui que l’auteur préférait. Le troisième est le plus noir. Vers la fin, Dustan constate : «Techniquement je suis au top. Je suis une machine à plaisir. Je reçois en chaps en cuir, string en cuirs, rangers. J’ai la musique, le matos, les drogues. J’ai le cul parfaitement clean. Je sais tout faire. J’embrasse. Je lèche. Je suce. Je pince. Je tords. J’aspire. Je tends. Je tire. Je pousse. Je caresse. Je claque. Je tiens. J’ouvre. J’écarte. Je vais. Je viens. Je plonge. Je pisse. Je crache. Je bave. Je crache. Il n’y a que jouir dans une capote que je ne sais toujours pas faire. […] Tout est parfaitement mis au point. C’est sans doute pour ça que ça ne marche plus. Ce n’est pas le plaisir qui m’a absorbé jusqu’ici, mais l’apprentissage.» Le livre se clôt sur un rêve de singes. L’animal se plaint à l’auteur des hommes qui l’enculent. Ils sont rapides, maladroits, ils lui font mal : «J’ai ouvert les yeux. Dehors il faisait soleil. Je me suis dit que ce rêve était parfait pour le livre. J’ai commencé à me le raconter pour ne pas l’oublier.»

    Dustan est-il un auteur qui fait date, ou qui ne fait que date ? Débarrassé des scories médiatiques de son personnage et de la limaille d’avant-gardistes autoproclamés collée à son image comme à celle d’un mini-Christ, c’est en tout cas, dans ces trois livres, un écrivain : un homme qui monte ses phrases et ses chapitres pour dire exactement ce qu’il veut dire. Quand Dans ma chambre paraît, son éditeur le compare aussitôt à Tricks. Renaud Camus, lui, ironise sur la manière dont on l’enterre au profit de l’héritier, forcément abusif. Par exemple, dans Derniers Jours (Fayard), son journal de 1997 : «Les journaux disent que GD est "le Renaud Camus des années 90". Ce qui me renvoie dans je ne sais quel limbe, et me fait me demander ce qu’il me reste à être. Dans ma chambre et Je sors ce soir sont "les nouveaux Tricks". Dustan lui-même s’en défend, l’air de dire que ses livres sont bien autre chose que cela.» En 2003, débattant avec lui, il le trouve «très petite forme». Enfin, le 10 octobre 2005 : «La télévision a annoncé tout à l’heure, au journal, la mort de Guillaume Dustan, à l’âge de quarante ans. J’ai aussitôt regretté d’avoir noté ici même, le jour de notre dernière rencontre […], qu’il n’avait pas l’air bien vaillant.» Le corps de William Baranès est retrouvé dans son nouvel appartement parisien, cinq jours après sa mort.

    Saint. S’est-il suicidé ? Il venait de commencer à écrire un livre sur Andy Warhol, qu’il admirait, et avec qui il pensait y dialoguer de vivant à mort. L’année précédente, il l’avait passée dans la propriété familiale, chez sa mère, qui se demandait chaque matin si elle le retrouverait vivant le soir. Il paraissait aller mieux. L’un de ses derniers SMS se réjouit d’un voyage prévu à Los Angeles. Mais, dans son agenda, il laisse des mots moins optimistes : «Pas assez de glamour. Pas assez de fric. Pas assez de bonne santé.» Ce corps qu’il avait tant mis au travail n’est, dit-on, pas décomposé. Après tout, c’est une propriété du corps des saints. Or Dustan est le nom d’un saint irlandais, choisi comme pseudonyme pour sa bonté. Le choix avait une autre raison : dans les bibliothèques, les livres de Dustan seraient à côté de ceux de Duras - sans nul auteur entre eux. L’auteur de la Maladie de la mort, près de l’auteur de cette danse de mort, tous deux bien vivants.

    (1) «Contre tout espoir», Gallimard, «Tel».

    GUILLAUME DUSTAN Œuvres 1

    Préface et notes de Thomas Clerc

    P.O.L, 360 pp., 18€.

    Revue singulière

    L’Editeur singulier, 144pp., 12€.

    Où l’on peut lire les derniers SMS de Guillaume Dustan à son cousin Jean Touitou.

  • Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, L'architecture, Voyage

    Frei Otto, pour qui le Pritzker sonne le glas

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    Frei Otto, pour qui le Pritzker sonne le glas

     

    LE MONDE | 11 mars 2015

    Ce dernier, créé en collaboration avec Günter Behnisch et Fritz Leonhardt, apportera à FreiOtto une définitive reconnaissance internationale, que scellera une exposition monographique en 1971 au Musée d’art moderne (MoMA) de New York. La manifestation voyagera plus tard en...


    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/recherche/#Fm7OsMhSRudObRTs.99
  • Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, Voyage

    Sur les sentiers de la mémoire

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    Sur les sentiers de la mémoire

    Sur les sentiers de la mémoire

    LE MONDE DES LIVRES | 12 mars 2015

    Le temps d’un voyage, Michèle Lesbre lit le livre préféré de son père, quelle a mal connu. ...Un récit intime, empreint d’une tendre nostalgie..... La lecture de Chemins tient de la flânerie partagée. Ce sont les chemins buissonniers de la mémoire qu’emprunte Michèle Lesbre dans son seizième livre.


    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/recherche/#iq0PZ8v1rX4fJ59F.99
  • Catégories : La littérature, Voyage

    L’ekphrasis comme description de lieux : de l’antiquité aux romantiques anglais

    Christof Schöch

    Janice Hewlett Koelb. Poetics of Description. Imagined Places in European Literature. New York & Basingstoke : Palgrave MacMillan, 2006, 232 pages.
     
    Un malentendu critique lourd de conséquences ?

    Tout commence avec une double interrogation : comment se fait-il que tout le monde emploie aujourd’hui le terme d’« ekphrasis » pour désigner des représentations verbales d’œuvres d’art, alors que ce terme grec a son origine dans une époque qui n’accordait aucun statut spécifique aux œuvres d’art ? Et est-ce que cette spécialisation sémantique n’a-t-elle pas eu pour résultat une vision réductrice et limitée de l’histoire de l’écriture descriptive ?

    Afin de répondre à ces questions, Janice Koelb propose tout d’abord une utile mise au point de l’histoire du terme « ekphrasis ». Apparaissant pour la première fois au premier siècle avant notre ère, il est présent notamment dans les Progymnasmata, les exercices de rhétorique. Aelius Théon, au premier siècle de notre ère, définit l’ekphrasis comme « un discours qui nous fait faire le tour (periégèmatikos) de ce qu’il montre (to dèloumenon) en le portant sous les yeux avec évidence (enargôs) ».1 L’ekphrasis est liée avant tout à une certaine vivacité (enargeia chez les Grecs, puis evidentia chez les Romains) qui est censée transformer les lecteurs ou auditeurs en témoins. L’objet du discours ekphrastique n’est nullement restreint, pouvant porter sur des personnes, des lieux, des temps ou des ‘choses faites’ (pragmata), sans que les objets d’art soient expressément nommés. Koelb constate une remarquable stabilité de cette notion de l’ekphrasis depuis l’Antiquité au Moyen Âge et à la Renaissance jusqu’au XVIIIe siècle, stabilité due surtout aux manuels rhétoriques antiques qui continuent d’être utilisés à travers les siècles. C’est dans les Progymnasmata d’Aphtonius, traduits en latin et augmentés par Reinhold Lorich au XVIe siècle, que Milton a puisé son éducation rhétorique. Certes, à partir de la période hellénistique, l’œuvre d’art est valorisée en tant que telle et la description d’œuvres d’art peut ensuite devenir, dans les Eikones de Philostrate, un genre d’écriture à part. Avant cette période et dans beaucoup d’autres textes, cependant, ce n’est pas le cas, et on y trouve autant et plus de descriptions animées de lieux ou d’animaux que d’œuvres d’art.

    Comment est-il possible, dans ce contexte, que le terme d’ekphrasis soit aujourd’hui limité à ne désigner que la représentation verbale d’une œuvre d’art ? Pourquoi les critiques ne citent que le bouclier d’Achille ou celui d’Énée comme des exemples représentatifs de l’ekphrasis classique ? Selon Janice Koelb, deux critiques français seraient les premiers qui, de manière hésitante, à la fin du XIXe siècle, auraient employés le terme d’ekphrasis pour désigner des descriptions d’art : Édouard Bertrand et Auguste Bougot, dans deux études sur Philostrate l’ancien parus en 1881.2 Lorsque Paul Friedländer, en 1912, dans son étude sur l’époque justinienne, insiste sur le fait que l’objet de l’ekphrasis n’était nullement limité à des œuvres d’art, c’est peut-être en réaction aux travaux de Bertrand et de Bougot.3 Et si l’Oxford Classical Dictionary semble autoriser, pour la première fois, en 1949, la définition restreinte de l’ekphrasis, ce n’est vraiment qu’avec le fameux article de Leo Spitzer sur l’« Ode to a Grecian Urn » de John Keats que cet usage du terme est consacré.4 Koelb note que si les critiques littéraires du XXe siècle avaient été aussi fascinés par l’histoire naturelle que par l’histoire de l’art, le sens restreint d’ekphrasis n’aurait peut-être pas eu le même succès. Mais c’est surtout parce que les « New Critics » anglo-saxons étaient acquis à l’idée du « poem as artifact » que la description d’une œuvre d’art les intéressait tant. Par un véritable renversement sémantique et axiologique, l’ekphrasis, qui avait désigné l’illusion d’immédiateté, était venu à désigner la représentation (verbale) d’une représentation (visuelle), l’image même de la médiation.5

    La description éthique de lieux comme paradigme antique de l’ekphrasis

    Selon Janice Koelb, la définition restreinte de l’ekphrasis a conduit la critique littéraire à négliger la tradition ekphrastique (ou descriptive) plus large et a détourné l’attention critique de descriptions « vives et animées » d’autre chose que d’objets d’art, occultant non seulement l’ekphrasis antique dans toute sa variété, mais également ses avatars ultérieurs. L’auteur entend donc rémédier à cette occultation en explorant une lignée ekphrastique négligée jusqu’ici, celle des descriptions de lieux. Elle se propose de montrer que c’est dans les descriptions de lieux entretenant un rapport figuratif avec un personnage que l’exigence de vivacité de l’ekphrasis, « the ancient topos of vividness » (p. 71), a perduré à travers les siècles. Loin d’être purement ornementales, ces descriptions sont fortement fonctionnalisées dans les textes : elles sont « integral to the design of the entire work » (p. 8) et appellent à une lecture allégorique (p. 54ff). Selon Koelb, c’est dès l’Antiquité que la description de lieux est le véritable paradigme de l’ekphrasis en tant que discours vif et animé. Koelb suggère que chez Homère et Virgile, l’enargeia des ekphrases est liée à ce qu’elles sont « interfused with (human or divine) character or feeling » (p. 14). L’auteur propose la paraphrase d’« ethical place description » pour ces ekphrases, l’épithète renvoyant au grec ethos, caractère. Cette tradition antique de la description de lieux a été transmise à la Renaissance, puis surtout à la poésie romantique anglaise dont elle représente une marque essentielle : « This study traces how the tradition of classical ekphrasis continued past antiquity into the modern world ; how its transformation after antiquity was particularly vigorous in the form of place description ; and how the poetry of Wordsworth and Byron was among the most successful and historically important offspring of that tradition ». (p. 17)  C’est donc à une redécouverte de tout un pan de l’histoire de l’ekphrasis et à une relecture de la poésie romantique anglaise à la lumière de cette histoire que s’attache le livre de Janice Koelb.6

    La tradition antique: Homère et Virgile fondateurs

    Koelb entreprend dans un premier temps d’analyser les origines de la description de lieux à travers un exemple particulièrement significatif, celui de la longue description dans l’Énéide de Virgile, quand il décrit un paysage montagneux qui forme un havre naturel où Énée trouve refuge après une tempête devastatrice et avant de visiter le temple carthagénien. Cette description est elle-même la transformation d’une description homérique du havre consacré à Phorcys, en Ithaka, où Odysseus arrive à la toute fin de son périple. Dans une lecture aussi précise qu’ingénieuse du passage, s’appuyant notamment sur la métaphore de la paroi arborée (la « sylvan scene », p. 69) qui entoure le havre, Koelb montre que la description du havre répond à une stratégie virgilienne de l’enchâssement figuratif (« figurative embedding », p. 70) qui fait qu’elle s’intègre dans l’exposition du texte, soulève des questions et des attentes chez le lecteur, et établit des rapports de comparaison, de contraste, d’ironie même avec le reste du texte épique dans son ensemble.

    Vers les romantiques anglais : Dryden et Milton passeurs

    Dans deux textes de la fin du XVIIe siècle, la traduction de l’Éneíde par Dryden (1697) et Paradise Lost de Milton (1667), Koelb montre ensuite que la métaphore de la scène arborée virgilienne fonde tout une lignée de descriptions de paysages scéniques et pittoresques dans lesquels des sujets humains se trouvent être des spectateurs nostalgiques d’un monde des objets qu’ils ne sauraient pleinement habiter (p. 83). Au-delà d’une signification figurative ou symbolique du lieu pour le texte dans son ensemble, le lieu est maintenant, chez Milton notamment, décrit à travers la vision du personnage qui le découvre, et cette description est impregnée du caractère et de la situation de ce personnage : le Satan de Milton est incapable de percevoir la beauté du paradis, décrit avec tous les attributs du locus amœnus par le narrateur, parce qu’il porte l’enfer en lui-même et ne peut pas s’en échapper : entre la vision du paradis présenté par le narrateur (« the narrator’s illumined poetic vision », p. 89) et la perception que Satan a du même lieu, il y a un décalage qui reproduit l’opposition centrale du texte entre la conscience illuminée et la conscience après la chute, et est porteuse d’une ironie cruelle envers Satan. L’artificialité du paradis renvoie à l’idée du « divine artificer » et constitue un approfondissement du thème virgilien de la réalité et de l’illusion.

    Ekphrasis et pittoresque : William Gilpin repoussoir

    Si Milton, transformant la description virgilienne, a introduit dans l’histoire de la description de lieux le topos de l’interdépendance entre la nature et l’esprit humain, ce n’est cependant qu’au confluent d’un certain nombre de tendances, à la fin du dix-huitième siècle, que cette interdépendance a pu devenir poétiquement productive : des tendances en philosophie naturelle, en culture visuelle et théorie esthétique se réunissent et conditionnent la rhétorique descriptive (« descriptive rhetoric », p. 97) de Wordsworth. Koelb identifie comme catégorie esthétique centrale pour le développement de cette rhétorique descriptive la notion du pittoresque (« the picturesque », p. 97) telle qu’elle s’est développée au dix-huitième siècle dans le contexte d’une nouvelle manière de voyager pour le plaisir de regarder le paysage (« picturesque travel »). Elle a notamment été promue et théorisée, sous l’influence décisive de la théorie du beau et du sublime d’Edmund Burke et du Spectator de Joseph Addison, par William Gilpin.7 Koelb précise : « The entire project of picturesque travel was founded on the possibility of visiting nearby and partially familiar locations, but looking on these everyday scenes as if they were exotic, unfamiliar, and worthy of represenation in art. » (p. 97)

    La théorie de Gilpin, taxinomique, rationalisante, prenant en considération les soucis pratiques du « middle-class traveler », fonctionne ici comme un repoussoir qui fait ressortir la singularité et le génie de William Wordsworth. Celui-ci réagit violemment contre Gilpin, transformant profondément le concept du « picturesque » tout en se l’appropriant : au lieu d’adopter un regard artificiel censé transformer la nature en œuvre d’art, il accentue l’idée qu’il importe surtout de prendre en compte l’homme percevant la nature pour évoquer, dans l’esprit du lecteur,  « clear thoughts, lively images, and strong feelings », autrement dit, pour faire des descriptions de lieux vives et animées dans la tradition ekphrastique décrite par Koelb.

    Les véritables héritiers de l’ekphrasis antique : Wordsworth et Byron

    On sait que l’une des innovations de Wordsworth par rapport à ses prédécesseurs (les poètes de la nature, tels Young, Gray, Thomson, Philips), c’est d’avoir opéré un déplacement : de la description du lieu en tant que tel, il passe à celle de la perception du lieu par l’homme qui l’observe ou l’habite. Mais la transformation du « picturesque traveler » de Gilpin en une nouvelle figure, le « halted old wanderer » n’apparaît pleinement que dans le grand projet de The Excursion (1814) de Wordsworth que Koelb appelle une « antipicturesque excursion » (p. 134). Dans la première partie de The Excursion, intitulée « The Wanderer », tout se passe comme si Wordsworth avait pris le voyageur distrait et impatient de Gilpin pour le ralentir et lui permettre d’avoir une réaction émotionnelle face au lieu qu’il découvre, tout en montrant que les lieux sont eux-mêmes des emblèmes des humains qui s’y meuvent. Mais surtout, The Excursion devient, à travers les descriptions de lieux, un « therapeutic psychodrama » (p. 127) : le Wanderer et le poète visitent ensemble les alentours d’une maison où habitait jadis Margaret, dont le Wanderer raconte l’histoire au jeune poète. À travers les descriptions répétées de la maison de Margaret, le Wanderer crée les émotions qu’il convient de produire chez le poète qui l’écoute : l’histoire affligeante est tantôt figurée, tantôt contre-balancée par les descriptions pour permettre au poète de comprendre le sort tragique de Margaret sans lui-même perdre tout espoir, en créant une sorte de ‘Aufhebung’ descriptive. De cette manière, le lieu où le Wanderer et le poète sont assis, devient un « complex ethical place, filled with the fluctuating human character of its former inhabitant and its visitors, all of whom are in dialogue with each other and with the environment » (p. 153).8

    Koelb clôt la série de ses interprétations par l’analyse de deux descriptions d’un même lieu, le Colisée à Rome, dans deux œuvres de Lord Byron, le « metaphysical drama » (dans les termes de Byron) Manfred (1817) and Childe Harold’s Pilgrimage (parties 3 et 4, 1816-18). Bien qu’elles représentent le lieu le plus caracéristique de la culture romaine et le moins caractéristique de Wordsworth, Byron le transforme, dans ces deux descriptions, en un « Wordsworthian emblem of mind » (p. 156). Koelb s’intéresse à ces descriptions, pour leur fonctionnement même, mais aussi dans leurs relations l’un avec l’autre, en tant qu’elles sont révélatrices de la relation entre Byron et Wordsworth. L’objectif de Koelb est de montrer comment l’« imagery » de Byron établit une « rhetorical-psychological connection » entre la suffrance mentale, l’expérience d’une fracture identitaire dans le paysage alpestre et l’expérience de repos que le héros byronique vit dans l’arène romaine (p. 160). Parlant de Manfred, Koelb écrit : « Under the night sky, the amphitheater modulates all Manfred’s extremes and integrates the opposites that tear him apart. Manfred’s rhetoric fully embodies Manfred’s potential ethos. His place description, as physical as is psychological, picks up the pieces of all the usual antinomies, fusing them into an emblem of the integration Manfred might have achieved. » (p. 170)

    Bilan : une ekphrasis peut en cacher une autre

    Outre l’ingéniosité des analyses détaillées des textes, les vastes connaissances déployées pour raconter cette histoire de la description des lieux, la ferme volonté de ne pas se laisser enfermer dans un discours critique établi, et, n’oublions pas de le dire, l’admirable maniement de la langue qui mêle réflexions sobres, commentaires et images poignantes,9 un des points forts du livre de Koelb, c’est l’impressionnante maîtrise des textes qui lui permet de montrer, avec une précision à laquelle il est impossible de faire justice ici, comment chaque description prend place et sens dans le texte dans son ensemble et comment elle se positionne vis-à-vis d’autres descriptions. La problématique choisie par Janice Koelb lui permet ainsi de proposer des relectures intéressantes des œuvres étudiées, notamment de celles de Wordsworth et de Byron.

    Il ne faudrait pas oublier, cependant, que toutes ces relectures attentives et détaillées sont au service d’un projet ambitieux et, devrait-on presque dire, polémique dont le mérite est de jeter de la lumière sur une pratique descriptive importante et sur les liens que celle-ci entretient avec la tradition antique de l’ekphrasis. L’étude gagne son pari et réussit à nous révéler une « lignée » ekphrastique sinon insoupçonnée, du moins fortement occultée jusqu’ici par la lignée ekphrastique de la description de tableaux. Prenant toutes deux leur point de départ dans l’ekphrasis antique comme « discours qui met sous les yeux de manière vive et animée l’objet du discours », l’une s’est en quelque sorte spécialisée dans la représentation des œuvres d’art et dans la problématisation de la représentation et du rapport entre le texte et l’image. L’autre s’est tournée vers la représentation de lieux et a soulignée de plus en plus fortement l’interdépendance entre lieu et personnage pour devenir une figuration du sujet qui perçoit le lieu et qui en est en même temps affecté.

    Le mérite et la réussite de cette polémique se font, certes, au prix d’une double cécité volontaire et peut-être nécessaire : d’une part, le lien entre l’ekphrasis comme discours suscitant des images et de l’ekphrasis comme discours sur des images est constamment minimisé, et dans les descriptions de lieux étudiées, toute allusion à la peinture est en quelque sorte désavouée. D’autre part, si une ekphrasis peut en cacher une autre, une restriction sémantique peut également en remplacer une autre : tout en plaidant pour une réouverture de la notion d’ekphrasis, le livre n’étudie pas l’ekphrasis en tant que discours vif et animé tout court, mais l’histoire de la description d’un lieu congruent avec l’état ou la situation d’un personnage : une poétique de l’immédiateté se transforme en une poétique de l’emblème de l’esprit, transformation dans laquelle Koelb souligne davantage les continuités que les ruptures. N’empêche que ce livre dense et érudit mérite toute notre attention.

    Publié sur Acta le 20 décembre 2007
    Notes :
    1 Trad. franç. citée d’après Sophie Rabau, Fictions de présence. La narration orale dans le texte romanesque du roman antique au XXe siècle, Paris : Honoré Champion, Bibliothèque de littérature générale et comparée, 2000, p. 63.
    2 Edouard Bertrand, Un Critique d’art dans l’antiquité : Philostrate et son école, Paris: Thorin, 1881 ; Auguste Bougot, Philostrate l’ancien : une galérie antique, Paris: Renouard, 1881. C’est au prix de délaisser volontairement les Eikones de Philostrate et la tradition qu’elles fondent que Koelb peut se concentrer sur l’ekphrasis comme description de lieux.
    3 Paul Friedländer, Johannes von Gaza und Paulus Silentiarius : Kunstbeschreibungen in Justinianischer Zeit, Leipzig : Teubner, 1912.
    4 Leo Spitzer, « The Ode on a Grecian Urn, or Content vs Metagrammar », in : Comparative Literature 7, 1955, p. 203-225.
    5 S’il est effectivement courant de définir l’ekphrasis comme la description ou la représentation (verbale) d’un objet artistique (visuel), cela n’implique pas que l’on ait entièrement oublié le sens ancien : parmi les nombreux chercheurs qui distinguent clairement entre sens antique et sens moderne du terme, on peut nommer à titre d’exemple Michael Riffaterre aux Etats-Unis, Donald Fowler en Angleterre, Fritz Graf en Allemagne, Anne-Elisabeth Spica en France. (Cela dit, il semble qu’en France, le terme d’ekphrasis soit aujourd’hui moins courant : on parle plus volontairement de « description de tableau » et se réfère à l’« hypotypose » des XVIe et XVIIe siècles et au « tableau littéraire » du XVIIIe siècle. Une mise au point terminologique récente qui n’omet pas non plus de pointer la restriction du terme par rapport à son origine  est : Christina Schaefer & Stefanie Rentsch, « Ekphrasis. Anmerkungen zur Begriffsbestimmung in der neueren Forschung », Zeitschrift für französische Sprache und Literatur 114.1, 2004, p. 132-165.
    6 Ce projet vaste et passionnant ne mérite pas d’être jugé à l’aune du titre extrêmement généralisant du livre qui semble chercher l’effet d’annonce. En effet, le véritable télos du livre, même quand il est question de John Milton ou de William Gilpin, c’est la poésie romantique anglaise, et notamment la poésie de Wordsworth. Le livre ne présente pas « la » poétique de « la » description, mais une poétique de la description de lieux, ni concerne vraiment la « littérature européenne », mais les lettres grecques antiques et anglais romantiques. On n’est guère surpris d’apprendre que, lorsque Janice H. Koelb a obtenu son Ph.D. en 2004, c’était pour une thèse dirigée par l’éminente spécialiste du romantisme, Lilian Furst, et intitulée « Figures in the Carpet : Classical Ekphrasis and Romantic Description ».
    7 Dans une série de publications parues entre 1768 et 1804, par exemple dans un ouvrage intitulé Three Essays : On Picturesque Beauty ; On Picturesque Travel ; and on Sketching Landscape, 2nd edition, London : Blamire, 1794.
    8 Koelb rappelle que c’est Wordsworth qui a forgé le terme de « locodescription » pour désigner les descriptions de lieux dans la tradition rhétorique de l’ekphrasis antique. On peut se demander si l’introduction de ce terme dans le vocabulaire littéraire et critique ne prépare pas, en quelque sorte, une différenciation sémantique entre description de lieu et description d’art.
    9 On ne peut qu’être frappé par ces images poignantes et libres de ton qui parsèment le texte : « Wordsworth wants to dampen the cognitive noise so that he can pick up a clearer signal » (p. 113) ; « [This increased complexity [...] is a rather brilliant riff on the basic melody already worked out at a smaller scale in Manfred » (p.  178) ; « Manfred gets an unexpected fringe benefit from the cessation of psychomachic hostilities » (p. 173).

    http://www.fabula.org/revue/document3691.php
  • Catégories : CEUX QUE J'AIME, Nerval Gérard de, Voyage

    Bulletin Nerval

    Bulletin Nerval nº 134 / 1er février 2015
     
     
    OUVRAGES
     
    - Le texte complet de la thèse de François Sylvos ("Gérard de Nerval et l'esprit critique, satire, révolte et utopie"; Gabrielle Chamarat dir., Caen, 1995) est désormais disponible sur le site des archives ouvertes HAL (https://tel.archives-ouvertes.fr/UNIV-REUNION/tel-01103244v1) ainsi qu'en version papier (voir pièce jointe).

    - Alan Raitt, Lectures croisées, textes édités par Francisco Manzini, Oxford, Berne, etc., Peter Lang, 2015 (chapitre 2 : "Time and instability in Nerval’s Sylvie"; chapitre 3 : "Sylvie and L'Education sentimentale »).
     
     
    ARTICLE
     
    Guy Barthelemy, " Verve et paradoxe chez Nerval", dans " Recherches et travaux" nº 85, "La verve", université Stendhal, 2014, pp. 75-87.


    COMPTES RENDUS 
     
    - Anthony Zielonka, CR de Gérard de NervalŒuvres complètes, xiii: Aurélia, ou Le Rêve et la vie (Édition critique par Jean-Nicolas Illouz, Bibliothèque du xixe siècle, Paris: Classiques Garnier, 2013. 184 pp., ill.), dans "French Studies", 2015, p. 102.

    - (anonyme), CR de Hamdi Abdelazim Abdelkader, L'Egypte dans le "Voyage en Orient" de Gérard de Nerval (Connaissances et savoirs, 2012), in Histoires littéraires, juillet-décembre 2014, n° 59-60, p. 284-285.
     
     
    …………………………………………………………………………….
     
    Ce Bulletin vous tiendra informe(e) des renseignements concernant Nerval. Si vous desirez le recevoir gratuitement et y faire paraitre des informations ou des commentaires, veuillez envoyer vos coordonnees et vos messages a Michel Brix ou Hisashi Mizuno.
    Les anciens numéros du Bulletin sont installes sur le site Amitie-Nerval et sur le site du Centre Nerval de Namur.

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  • Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, L'art, La presse, Voyage

    Religions & Histoire n° 54

    Religions & Histoire n° 54
    L'au-delà. Enfers, paradis et autres lieux

    N° 54 - Janvier/Février 2014 - 9,00 €

    ISSN : 1772-7200

    Religions & Histoire n° 54 - Janvier/Février 2014


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    Description du numéro Religions & Histoire n° 54

    L’au-delà. Images de brasiers aux supplices innombrables, visions idylliques des félicités réservées aux justes… Mais encore? Pétri de culture chrétienne, fût-ce sans en être pleinement conscient, l’homme occidental tend à associer, de manière très restrictive, l’au-delà à ces deux lieux antithétiques, le paradis et l’enfer. Ces espaces dédiés à la récompense et au châtiment sont ancrés dans notre imaginaire. Pourtant, ce ne sont pas les seuls lieux que l’on ait inventés, conceptualisés à travers le monde. Les religions n’ont jamais manqué d’inspiration en la matière! Des points communs se retrouvent d’une civilisation à l’autre, mais des différences aussi, liées à l’histoire, à la culture, au contexte propres à chacune. C’est un panorama, inévitablement superficiel – le sujet est si vaste! –, de ces diverses représentations du monde de l’après-mort que proposent les prochaines pages.


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    Numéro précédent : Religions & Histoire hors-serie n° 10 - Vodou. D'Afrique en Amérique
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  • Catégories : CEUX QUE J'AIME, Des artistes, Voyage

    Velázquez

     

     

     

    au Grand Palais

    9.50 € TTC

     
    01 avril 2015

    Sans aucun doute le plus célèbre des peintres espagnols du XVIIe siècle, Velázquez est l’invité d’honneur du Grand Palais au printemps 2015. Surnommé "le Siècle d’Or", le XVIIe siècle espagnol est celui d’une extraordinaire floraison artistique dans tous les domaines. Celui de la littérature avec des auteurs comme Cervantès, Lope de Vega, etc., et celui des beaux-arts avec une production artistique inspirée du baroque importé d’Italie. L’Espagne est alors prospère de son empire colonial américain et la monarchie espagnole est au sommet de sa puissance. Velázquez est le grand maître du Siècle d’or.
    Formé très jeune dans l’atelier de Francisco Paccheco, peintre influent et lettré de la capitale andalouse, il ne tarde pas à s’imposer et, encouragé par son maître devenu aussi son beau-père, il tente sa chance à la cour de Madrid. Après une première tentative infructueuse, il est nommé peintre du roi en 1623 marquant le début d’une ascension artistique et sociale qui le mènera aux plus hautes charges du palais et au plus près du souverain. Sa carrière est rythmée par deux voyages déterminants en Italie, le premier autour de 1630, le second autour de 1650, et par les naissances et décès successifs des héritiers au trône.

    Beaux Arts éditions accompagne cette incroyable exposition et restitue l’ensemble de la vie, l’œuvre et l’univers de celui que Manet saluait comme le "peintre des peintres". Ce sera également l’occasion de revenir sur l’influence qu’il a exercé auprès de ses contemporains. Le hors-série revient également sur son importance dans l’art du portrait – dont il libère et renouvelle le genre – tout en évoquant le paysage, la peinture d’histoire, la scène de genre ou la nature morte, genres dans lesquels il excelle tout autant. Beaux Arts éditions analyse ainsi le génie de l’art de Velázquez, qui préfigure déjà les audaces de l’art du XXe siècle.

    Exposition au Grand Palais à Paris
    du 25 mars 2015 au 13 juillet 2015


    Informations sur le livre: 68 pages - 22 x 28,5 cm
    EAN : 9791020401601
    Reliure : Broché
  • Catégories : CE QUE J'AIME. DES PAYSAGES, Le Maroc:vie et travail, Voyage

    Maroc

    Tourisme : «warning» espagnol sur le Maroc ?  

    Le Maroc est-il un pays à risque pour les touristes espagnols ? À en croire certains médias ibériques, le royaume serait une zone à éviter par les touristes ibériques. Une allégation dénuée de toute vérité, mais hélas qui pourrait nuire à l’image du royaume. De fait, alors que la diplomatie espagnole ne place pas le Maroc dans la liste des pays où il ne faut pas se rendre, certains médias n’ont pas hésité à mettre le royaume dans le même sac que les autres pays de la région, qualifiés expressément de dangereux. En atteste ce titre mensonger : «Les raisons des AE pour ne pas voyager au Maroc, en Tunisie et en Égypte», titre El Confidencial Digital. Les TO espagnols de leur côté se veulent rassurants quant à l’attractivité de la destination et une campagne est en préparation pour ce marché prioritaire.

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  • Catégories : Bienne,Suisse, CE QUE J'AIME. DES PAYSAGES, La culture, Voyage

    Pour le défi d'Enriqueta sur la résistance, je republie cet article:Ces femmes qui refusent d'être mères

    Enriqueta:http://c-estenecrivantqu-ondevient.hautetfort.com/archive/2015/02/16/defi-n-139-5552738.html

    Les babyphobes
    En ces temps de maternité triomphante, les petites-filles de Simone de Beauvoir se rebiffent. Elles ont une porte-parole : Corinne Maier, auteur d'un brûlot, « No kid »*. Son slogan : pour exister, pas besoin d'enfant. Enquête d'Isabelle Curtet-Poulner

    Femmes, réveillez-vous ! Refusez d'être des ventres ambulants. Bannissez l'aliénation de l'enfantement. Libérez vos entrailles ! C'est le message de Corinne Maier. Après « Bonjour paresse » ( 1 ), son manifeste contre le travail, elle s'en prend aujourd'hui à une figure sacrée : l'enfant, héros postmoderne, seul capable, dans une France morose, de s'attirer des sourires béats. Unique parenthèse à la barbarie individualiste, il est devenu une panacée. Mesdemoiselles, on vous ment. Vous avez fini par gober cette litanie de l'épanouissement annoncé. A l'épreuve des faits, plus grande sera votre désillusion : tue-l'amour, gouffre financier, despote ordonnateur du rythme journalier, l'enfant est une plaie. Fiel de vieille fille ? Corinne Maier s'en défend : « Je n'aurais jamais pu écrire ce livre si je n'avais pas d'enfant . Sous peine d'être taxée d'enfant-phobie . » Mère de deux bambins bien portants, dans son nouveau pamphlet « No kid » ( voir extraits ci-contre ) , elle met à bas le totem. Entreprise salutaire dans le bébéland tricolore ? Cette année, la France a décroché le pompon : avec deux enfants par femme, elle aligne fièrement ses bataillons de nouveaunés promis au chômage. Record européen. A entendre Maier, un véritable « délire collectif » s'est emparé du pays : la bébémania entonnée sur un air de mère patrie. Elle démange les couples depuis l'an 2000, grand cru de nourrissons millésimés. Depuis, la grossesse est contagieuse. Dans les villes, les Maclaren, ces Rolls de la poussette, se disputent la chaussée. Sur les couvertures des magazines, les ventres ronds s'exhibent : la future parturiente est devenue glamour. Icône de la féminitude moderne, elle affiche ce ballonnement géant comme un trophée. Même la littérature, sous les plumes nuancées de Marie Darrieussecq ou d'Eliette Abécassis, se met à explorer les couffins. Exit la maternité subie. Vive la ponte triomphante, choisie, désirée, fruit de l'amour. La félicité se résume désormais à la devise « métro , boulot, marmots », un triptyque pour nigaude, dit Maier. Un leurre. Beauvoir n'est pas loin qui écrivait : « Que l'enfant soit la fin suprême de la femme, c'est une affirmation qui a tou juste la valeur d'un slog publicitaire. » Effic matraquage pourtant : soixante ans plus tard, les parents vouent un culte sans borne à leurs rejetons. Sur leur répondeur, les messages sont personnalisés par le babillement du petit dernier. Sur les fairepart, le mouflet annonce soi-même son irruption dans le giron familial. Assez de cette mièvrerie ambiante. « Les enfants ? moque-t-elle. On doit dire que c'est ce qu'il y a de plus beau au monde. Ce qu'on a le mieux réussi dans sa vie. Pourtant, de temps en temps, on se demande ... » A voix basse de préférence. Rares sont les parents prêts à reconnaître que si c'était à refaire, malgré tout l'amour qu'ils portent à leur progéniture, on ne les y reprendrait pas. Corinne Maier, elle, ose : « Je suis laminée . Vieille d'avoir eu des enfants. Se lever tôt le matin, les accompagner à l'école , trouver des activités , négocier des heures parce que l'un veut une guitare, l'autre des rollers : tout ça m'a usée . Je n'en referais pas. » Elle n'est pas la seule : la résistance s'organise, portée par les femmes à qui « la semaine de 70 heures », déclinée entre travail et marmaille, ne dit rien. A l'avenir, les sans-enfants pourraient bien s'inspirer de nos voisins européens, de plus en plus rétifs à subventionner Pampers. En Grande-Bretagne et en Finlande, 20 % des femmes n'ont pas d'enfant. Deux fois plus qu'en France. En Allemagne, ce pourcentage atteint 30 % ! En cause, le manque d'infrastructures d'accueil et surtout la pression exercée sur la mère au travail, qualifiée de Rabenmutter ( mère corbeau ). Travailler ou enfanter, il faut choisir. Quant aux Etats-Unis, si la fécondité est aussi élevée qu'en France, les associations de childfree pullulent. Sur le Net, leurs membres démontent le joug nataliste et organisent des cénacles, quand ils ne s'appliquent pas à faire interdire les lieux publics aux petits Américains. « En Floride , note Corinne Maier, il existe des childfree zones, des résidences pour trentenaires et interdites aux moins de 13 ans. » En France, « la pression est extrêmement lourde », note Laurent Toulemon, chercheur à l'Ined. Crèches, allocations... elle est alimentée par une politique familiale efficace : 10 % de Françaises seulement n'ont pas d'enfant. Parmi elles, 3 % sont infertiles et 5 % n'ont jamais vécu en couple. Les autres, bon gré, mal gré, se sont affranchies du diktat social. Difficile en effet pour les « no kid » de faire entendre la voix discordante de leurs viscères. Le refus d'enfant n'est pas seulement tabou, il est suspect. A fortiori pour une femme, censée s'accomplir par le biberon. « Chez l'homme , ce choix est courant, accepté même », souligne Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste ( 2 ). « C'est plus facile pour nous, admet Attilio, 36 ans, sociologue du travail et pourfendeur de la parentalité. Même si dire qu'on n'aime pas les enfants, c'est s'attirer une réprobation immédiate . » C'est son cas : les enfants l'empoisonnent, leur conversation l'ennuie, leurs questions « idiotes » l'éreintent et il est mal à l'aise en leur compagnie. Ses amis n'en ont pas : « question de sélection naturelle ». Carlotta, 37 ans, intermittente du spectacle, approuve : « Avec mes amis parents, nous faisons des efforts . Moi, pour être gazou-gazou . Eux, pour ne pas me bassiner. J'ai beaucoup d'affection pour leurs nains, mais maintenant que la bêtise est faite, à eux d'assumer . » Un discours d'hérétique. Car s'il n'est pas besoin d'être père pour être un homme, la transposition féminine dérange. Le deuxième sexe se doit d'éprouver un instinct maternel. Toute dissidente est louche : névrosée, carriériste, égoïste ou lesbienne. « Les femmes ont le droit de repousser la maternité mais renoncer, pas question », écrit Maier. Résultat : les unes taisent leur refus comme une maladie honteuse. Les autres l'expriment d'autant plus crânement qu'elles sont en porte à faux avec leur entourage. Dans le cercle social de Carlotta, les réactions prennent la même tournure à l'eau de rose : « C'est parce que tu n'as pas connu le grand amour. » Des propos qui la font bondir. « C'est un choix personnel ! Et je ne me sens pas incomplète . » Autre flèche récurrente, le fameux : « Alors, tu t'y mets quand ? » Parade instantanée de Carlotta : « Je leur réponds : après la ménopause . » Pas question pour elle de devenir la « merdeuf », la mère de famille de Corinne Maier, vidée de tout sex-appeal qui a troqué ses talons aiguilles contre des patins de ménagère ; sa lingerie affriolante contre un tire-lait ; son ventre de jeune fille contre des bourrelets. « L'incroyable n'est pas de ne pas vouloir d'enfant , lance Carlotta. C'est surtout d'en vouloir qui est stupéfiant . On a déjà toutes sortes de contraintes. L'enfant , c'est la contrainte ultime. Il passe toujours avant. » Egoïste ? Le qualificatif s'abat invariablement sur l'anti-kid. « A l'ère de l'individualisme , le soupçon de l'égoïsme pèse lourd , relève le sociologue François de Singly. Dans le système normatif moderne, avoir des enfants permet de devenir une personne complète . » Tout en créant un prolongement de soi-même. Pour les « no kid », le narcissisme inhérent à la reproduction est le véritable égoïsme : « Je m'aime bien, dit Carlotta. Mais de là à me refaire , non. C'est tout de même la principale préoccupation des parents : se refaire. Alors qu'ils ne me parlent pas d'égoïsme . » Maud, 39 ans, oscille entre désir d'enfant et doutes. Vers 28 ans, elle est passée sous les fourches Caudines de la procréation artificielle. Son conjoint de l'époque était infertile. « D'autres y parviennent, dit-elle. Moi, je n'ai pas supporté le côtévous allez faire l'amour à minuit. Et demain, madame, vous serez à l'hôpital à 8 heures, jambes écartées , pour un examen”. » Aujourd'hui, elle vit avec un artiste, père de deux enfants, prêt à rempiler pour un troisième. Mais contractuelle dans le cinéma, donc précaire, elle hésite. « Parmi les raisons d'avoir peu ou pas d'enfant , la peur de l'avenir est jugée très importante par 55 % des personnes », pointe un rapport du Haut Conseil de la Population et de la Famille. Des craintes courantes mais culpabilisantes : « J'ai peutêtre un problème , se tourmente Maud. Beaucoup font fi de tout ça . Moi, je reste indécise . Est-ce que je veux un enfant car le sablier défile ou par réelle envie ? » Ces mater dolorosa , Geneviève Delaisi de Parseval les voit défiler dans son cabinet. « Le désir d'enfant est largement inconscient, explique-t-elle. La part consentante est la face émergée de l'iceberg . Celles qui hésitent sont dans le vrai, leur incertitude est saine. C'est la prise de conscience de quelque chose qui les dépasse . » Le refus d'enfant, elle n'y croit pas. Elle rencontre plutôt des « faux refus » de femmes qui remettent indéfiniment l'enfant à plus tard, au prétexte qu'elles n'ont pas le bon travail, le bon compagnon... Des « procrastineuses », selon la psychanalyste, qui peinent à passer à la procréation. « A 36 ans, elles jurent mordicus qu'elles n'en veulent pas. A 38, on les retrouve dans les services de fécondation in vitro, paniquées . » La pression devient médicale : les spécialistes se chargent de rappeler aux femmes la date de péremption qui sommeille en elles. « Dès 36 ans, la fécondité dégringole sec, observe la psychanalyste. Une tension énorme . » Maud a beau le savoir, elle hésite : « Si je loupe le coche, je serai seule responsable. Et ça , c'est une vraie pression. » L'ambivalence du désir d'enfant, Attilio la décode à sa façon : « Les gens font des enfants par instinct tribal. » Ses prêches ont convaincu sa compagne de ne pas céder au mimétisme reproductif . Il épingle sans vergogne l'attitude des mères face à une sansenfant : « Cette manière qu'elles ont de faire comprendre que ne sont femmes que les mères est insoutenable. » Un point de vue largement partagé par les « no kid ». « On n'est pas femme par l'enfant . On est “ mère ” quand on a un enfant, rectifie Carlotta. Et femme, par la sexualité . » Anne, 46 ans, assistance sociale, se sent parfaitement femme sans avoir éprouvé ce désir dans sa chair. L'enfant, elle en parle comme d'une entité extérieure. « Je crois que je n'en voulais pas, mais je n'en suis pas sûre . Ça ne s'est pas produit. » Anne ressemble à Claire, 48 ans, cadre dans un ministère. « Jusqu'à 40 ans, je ne me voyais pas vivre avec un homme, et faire un enfant seule était exclu. » Elle commence alors une thérapie : « J'entendais des divorcées se réconforter d'un heureusement que j'ai mon enfant” . Moi, je n'avais rien. » A 44 ans, elle rencontre son futur mari. A 45, elle est enceinte : « Je me suis aussitôt sentie mère . Ça a duré un mois. » Fausse couche. « Quand j'étais enfin prête à être mère , confesse-t-elle, la nature m'a rattrapée . Il était trop tard. » Elle sera grand-mère par procuration : « Les enfants de ma belle-fille m'appelleront peut-être mamie. » Claire aura quand même une forme de descendance. Attilio s'en moque : « Des enfants pour répondre au mythe de l'éternité ? ironiset-il. Très peu pour moi. » Quant à Carlotta, cette vacuité la ravit : « C'est bien qu'il n'y ait rien derrière , claironne-t-elle. Cette histoire de lignée , mais qu'est-ce qu'on s'en fout ! Transmettre, je n'ai pas besoin que ça passe par le sang. Le sang : c'est un peu restreint comme point de vue, non ? » Ces femmes-là n'ont pas peur du vide.

    (*) Michalon, 172 p ., 14 euros.
    ( 1 ) Michalon, 2004.
    ( 2 ) Auteur de « la Part de la mère » ( Odile Jacob ) et « la Part du père » ( Seuil ).

    Gremlins hurlants
    « Avez-vous déjà rendu visite à des nouveaux parents accablés de jeunes enfants ? C’est effarant. Quand on arrive, vers 20 heures, les enfants ne sont évidemment pas couchés et sautent partout en criant. Pas moyen d’avoir une conversation tranquille entre amis, car leurs Gremlins vont et viennent en hurlant, font toutes les bêtises de la terre pour attirer l’attention, jettent des jouets sur les amuse-gueules. Tandis que les parents tentent de les calmer par de longues explications qui ne convainquent personne – “ Ma puce, il est 22 heures et il est bon pour toi d’aller te coucher car le sommeil est réparateur.” »

    Dîner de cons
    « Devenus plus grands, les choses empirent. Leur vocabulaire est lamentablement réduit, leur discours haché et maladroit, et chaque phrase entrecoupée de “putain” bien sentis. Leur emploi compulsif de “style” et de “genre” traduit une incrédulité face à la réalité de leur environnement : “Genre, je gueulais au téléphone…”, “Style, je m’en fous, tu vois” (…). Si vous rencontriez quelqu’un qui s’exprime comme ça dans un dîner ou dans un bar, franchement, vous auriez envie de poursuivre la conversation ? Certainement pas. Le dialogue parents-enfants, c’est le dîner de cons tous les jours. »

    Sale boulot
    « La femme française moderne est nécessairement une mère, une femme qui travaille et une compagne. De préférence, elle est mince. Il faut reconnaître que cela fait beaucoup. D’autant que les femmes se collent 80% des tâches ménagères. A la sortie des écoles, on voit surtout des femmes, de même qu’aux réunions de parents d’élèves, et chez le pédiatre (…). La maternité signifie pour beaucoup rentrer plus tôt le soir pour s’occuper des enfants, rater les réunions stratégiques qui ont lieu après 19 heures (elles ont toujours lieu après 19 heures), refuser des emplois plus intéressants mais chronophages. Si les femmes n’ont tenu, jusqu’à une date récente, que si peu de place dans l’histoire culturelle de l’humanité, c’est tout simplement parce qu’on leur a refilé le sale boulot. »

     

    Isabelle Curtet-Poulner
    Le Nouvel Observateur

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    MAHANA: le salon du tourisme

    Du vendredi 27 février au dimanche 1er mars
    à la Halle Tony Garnier de Lyon


    Pour la 16ème année consécutive, Raconte-moi la Terre est partenaire de Mahana !

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    SOUS LES AILES DE L'HIPPOCAMPE

    « On peut vouloir partir parce qu’on a jamais voyagé. Moi, j’ai décidé de voyager parce que je suis trop souvent parti. J’ai parcouru le monde sans le voir », avoue François Suchel. Pilote de ligne, il est habitué à observer la terre mais à 12000 mètres de haut. Pour lui, découvrir enfin le monde, ce fut de le vivre au ras du sol. Et en vélo… Paris-Canton (Chine), c’est son job, sa ligne favorite. Un jour, il a décidé de découvrir ce parcours de plus près. Il a donc pris l’avion le 8 janvier 2010 pour Canton, y a acheté un vélo et il est rentré avec, en suivant la ligne aérienne. 9 pays traversés, 8 mois de pédalage...

     

    Présence de François SUCHEL
    samedi de 14h à 18h.

     

    AUTREMENT L'ASIE

    A la suite d’un voyage de 7 mois, les fondatrices du projet VESTA (Voyage Ethique et Solidaire en Terre Asiatique) publient « Autrement l’Asie », un carnet de voyage qui regroupe une soixantaine d’adresses pour partir hors des sentiers battus à la découverte de ce continent solidaire, accueillant et dynamique. Au travers de récits, témoignages, conseils et de magnifiques photographies, les auteures portent leur regard sur les défis actuels du tourisme et vous partagent l’aventure qu’elles ont vécue pendant 7 mois en terre asiatique.

    Présence d'Enora GUERINEL
    samedi toute la journée
    et dimanche de 13h à 18h.

     
     
     

    ENFANCES

    « Enfances » présente des quotidiens d’enfants par la photographie. Mon travail consiste à rester une semaine auprès d’un enfant (entre 8 et 12 ans) et de le photographier dans sa vie de tous les jours. Nonne en Birmanie, Gipsy en Turquie, Tchétchène arrivée en France, j’observe, photographie, témoigne.
    A travers ce travail, je souhaite aller au delà de la naïveté et l’innocence de l’enfant pour photographier sa complexité : sage, triste, sauvage… dans son environnement.
    A l’heure où les vies, les enfances, tendent à s’uniformiser, ce projet fait l’éloge des différences. Ces photographies ont pour objectif de faire découvrir, à travers l’esthétique qui est mienne, des enfants ayant des quotidiens singuliers, d’un point de vue culturel, social, environnemental...

    Présence d'Antoine BOUREAU
    samedi toute la journée
    et dimanche de 14h à 18h.

     

    LE DESSIN EN MARCHE
    Népal et Mustang

    Marcher, marcher au rythme d'un paysage, au coeur d'une lumière, contempler.
    Petit coup au coeur, s'arrêter.
    Page blanche. Vivement griffer la page, à grands traits saisir l'espace, puis pousser doucement du pinceau la juste couleur, capturer la lumière, fixer l'instant, prolonger la sensation.
    Marcher, s'arrêter encore, rencontrer un regard, partager un sourire, un thé.
    Aquareller, aqua-rêver, donner à rêver

     

    Présence de Claude BRUGERE BACHASSON vendredi, samedi et dimanche.

     
     
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    E-tourisme, Ce qu’aiment les Marocains  

    Acheter son voyage en ligne devient une habitude qui prend pied dans le mode de consommation des touristes marocains. Une enquête réalisée par le site «jevoyage.ma», auprès d’un échantillon de plus de 1.200 personnes, fait état des nouvelles tendances dans le marché marocain des voyages. Aussi, la première tendance qui ressort de cette enquête est la dessaisonalisation du voyage des Marocains. «La tendance de la dessaisonalisation du voyage se confirme», soulignent les auteurs de l’enquête. «Avec plus de 55% de séjours effectués hors période estivale, nos voyageurs nationaux s’offrent des pauses détentes durant toute l’année, ce qui confirme que le voyage est actuellement l’un de leurs loisirs préférés», estiment les enquêteurs.

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