Friedrich
« Les grands paysages de Friedrich évoquent les méditations du solitaire qu’il fut toujours. Par une fenêtre ouverte, on aperçoit des mâts qui n’arrêtent pas le regard, mais l’invitent à se perdre dans l’Infini d’un ciel nordique, celui de la Baltique à Greifswald, et une femme qui tourne le dos, penchée dans la contemplation de ces horizons lointains, semble conduire vers eux l’au-delà du spectateur. – Infime, au-delà des récifs de la côte, une barque réduit à peu de chose la présence humaine sur un océan sombre, qui se confond au loin avec une mouvante barrière de nuages. – Sur de gros rochers, trois femmes, dont on devine à peine le profil, regardent s’éloigner, dans l’étrange éblouissement d’une brume transfigurée par la lune, deux bateaux de pêche, dont un reflet étire en hauteur les voilures de vaisseaux fantômes. – Un arbre solitaire, dont la cime est brisée, occupe le milieu d’une toile ; mais, bien loin de rassembler autour de lui un paysage auquel il donnerait son centre de gravité, il paraît n’être là que pour faire dériver le regard vers d’autres arbres tourmentés, plus lointains, vers une plaine accidentée et, au-delà de montagnes vaporeuses, vers d’autres vallées, d’autres pays, des lieues et des lieues de terre. – Une chapelle, dont la croix se répète sur un pont voisin, quelques arbres, des collines où fume un village, ne font qu’une toute petite bande de terrain sous un ciel immense, uniforme, qui semble échapper aux limites du cadre et s’étendre jusqu’aux espaces illimités. – Une ruine gothique et des arbres ravagés par la tempête se dressent, formidables et fantomatiques, faisant apparaître minuscule un pèlerin qui s’éloigne, recueilli, dans la neige. Un crucifix géant domine un roc entouré de sapins ; toute la lumière, irréelle et pourtant naturelle, converge vers lui, adoration de la nature.
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