Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Traduire le rêve
Eric LECLER. L'humour du rêve romantique
Dans la littérature romantique allemande puis française, le rêve devient constitutif du récit romanesque, manifestement chez Hoffmann et Nerval. Il est la porte ouvrant sur une « supranaturalité » : les frontières entre la réalité et l'imagination sont brouillées dès lors que le monde est vu par un personnage aux limites de la folie. Le fantastique naît de cette ambiguïté tragique du conscient et de l'inconscient. Mais il existe d'autres récits de rêves dans la littérature du premier romantisme. Il y est, paradoxalement, le lieu critique de la mise à distance, le moment de l'humour et du bel esprit, comme on peut le voir dans un récit exemplaire, "Les Veilles" (1804) de Bonaventura, pseudonyme dont on a longtemps cru qu'il masquait Jean-Paul ou Schelling lui-même.
Cette attribution a d'autant plus de sens que l'inconscient est devenu avec Schelling le substrat même sur lequel s'éveille notre moi conscient. Dès lors que tout est jeu dialectique du conscient et de l'inconscient, que la distinction du rêve et de la veille est effacée, le rêve n'est ni le moment du triomphe baroque de l'illusion, ni celui de la folie du « moi » romantique. Il serait davantage le moment d'une plus grande rationalité, d'un éveil de la conscience à elle-même et au monde.