Par Marine de Tilly
Avant, il y avait les bordels, les maisons closes, les salons où l'on causait, et ceux, moins connus, où l'on se droguait. À lire Théophile Gautier, c'était même assez chic de se rendre aux séances mensuelles du très fermé Club des hachichins de l'hôtel Pimodan, sur l'île Saint-Louis, à Paris. Et non seulement on fumait le haschich et l'opium sans être inquiété, mais en plus on en faisait des feuilletons édités par les revues branchées de l'époque. Ainsi Gautier publia Le club des hachichins dans le numéro de février 1846 de La Revue des deux mondes. Il y raconte sa première réunion dans cette "oasis de solitude au milieu de Paris, que le fleuve, en l'entourant de ses deux bras, semblait défendre contre les empiétements de la civilisation", sa rencontre, décisive, avec Baudelaire (qui, lui aussi, évoquera cet hôtel dans Les paradis artificiels), Balzac, Nerval, Delacroix, Dumas et autres Flaubert. Cependant, à l'instar de son ami Baudelaire, Gautier arrêtera assez vite les séances : "Après une dizaine d'expériences, écrit-il, nous renonçâmes pour toujours à cette drogue enivrante, non qu'elle nous eût fait mal physiquement, mais le vrai littérateur n'a besoin que de ses rêves naturels, et il n'aime pas que sa pensée subisse l'influence d'un agent quelconque." Jolie leçon.
Le club des hachichins de Théophile Gautier (Mille et une nuits, 72 p., 2,50 euros).
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