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Laura Vanel-Coytte: écrivaine publique. Entreprise Siret:884 135 807 00011 à votre service - Page 1346

  • Catégories : Jeux, La littérature

    Un jeu littéraire de Dominique Noguez (2). Qui a dit?

    Vous connaissez la plupart de ces phrases, mais savez-vous qui les a écrites ? L’écrivain Dominique Noguez vous raconte la véritable origine des plus beaux aphorismes

     

    1. «Cordonnier, pas plus haut que la chaussure!»
    a. Appelle de Cos
    b. Boileau
    c. Brumell


    2. «Quand la borne est franchie, il n'est plus de limites»
    a. Aristote
    b. Christophe
    c. Georges Pompidou


    3. «Chassez la naturel, il revient au galop»
    a. Boileau
    b. Destouches
    c. Horace


    4. «La tolérance? Il y a des maisons pour ça»
    a. Paul Claudel
    b. Paul Léautaud
    c. Jules Renard


    5. «La politique est chapitre de la météorologie. La météorologie est la science des courants d'air»
    a. Alphonse Allais
    b. Edouard Herriot
    c. Friedrich Nietzsche


    REPONSES
    1. Apostrophe du peintre grec Apelle de Cos à un cordonnier qui, après avoir donné son avis sur la manière dont il avait peint une sandale, se mêlait de vouloir juger une autre partie du tableau. (Rapporté par Pline l'Ancien, «Histoire naturelle», L. XXXV, § xxxvi, 85.) En latin: «Sutor, ne supra crepidam!»

    2.
    La phrase a effectivement été prononcée par Georges Pompidou lors d'une conférence de presse, mais elle n'est pas de lui. On la trouve dans le commentaire d'une vignette de «la Famille Fenouillard», bande dessinée de Christophe (pseudonyme de Georges Colomb, par allusion au découvreur de l'Amérique) publiée en 1893 chez Armand Colin après parution en feuilleton à partir de 1889. La vignette, située page 178 dans l'édition Armand Colin de 1947, représente les deux filles Fenouillard, Artémise et Cunégonde, en train de se crêper le chignon sur une banquise. La phrase, entre guillemets, est introduite comme suit: «Or, comme l'a dit judicieusement un auteur célèbre: «Quand la borne est franchie, il n'est plus de limites!»...» Il est très probable que l'auteur célèbre est Christophe lui-même. Cela dit, la proposition pourrait être d'Aristote ou de tout autre bon philosophe. Car elle n'est qu'en apparence une tautologie. Elle signifie que, lorsqu'on entre dans un territoire inconnu, on n'y a plus de repères. Ou que, si l'on transgresse une fois la norme, on ne se laissera plus arrêter par rien. C'est la définition de la démesure (hubris, en grec).

    3.
    C'est l'adaptation française par le diplomate, comédien et auteur dramatique Philippe Néricault, seigneur de La Mothe, plus connu sous le nom de Destouches (1680-1754), (1680-1754), d'un vers des «Epîtres» d'Horace (I, 10,24): «Naturam expelles furca, tamen usque recurret» ( «Tu peux chasser la nature (c'est-à-dire, ici, la végétation) à coups de fourche, elle n'en reviendra pas moins à toute allure »). Le vers de Destouches se trouve dans sa pièce «le Glorieux» (1732), acte III, scène 5. Lisette, dame de compagnie, s'adresse au Comte en lui reprochant son arrogance: «Je ne vous dirai pas: «Changez de caractère», /Car on n'en change point, je ne le sais que trop./Chassez le naturel, il revient au galop...»

    4.
    Prononcée par Paul Claudel, la phrase a été notée par Jules Renard dans son «Journal» le 13 février 1900. Au cours du déjeuner, Claudel parle du mal que l'affaire Dreyfus «nous fait à l'étranger». «Mais la tolérance? objecte Renard. - Il y a des maisons pour ça», gronde Claudel. Observant aussi que sa soeur Camille lit le journal antisémite «la Libre Parole», Renard écrit: «Ils éprouvent je ne sais quelle joie malsaine à s'abêtir (...). Ils ne connaissent pas le sourire de la bonté.» Sur Paul, il ajoute: «Cet homme intelligent, ce poète, sent le prêtre rageur et de sang âcre. (...) Son âme a mauvais estomac.»

    5.
    Cette double définition se trouve dans «Notes et maximes», recueil posthume d'inédits d'Edouard Herriot paru chez Hachette en 1961 et qu'on peut consulter à la BNF sous forme de microfiche (cote 16-Z-9567 L 1.40-MFC). On y trouve également le célèbre «la culture (...), c'est ce qui demeure dans l'homme, lorsqu'il a tout oublié».



    Dominique Noguez

    Le Nouvel Observateur - 2228 - 19/07/2007


    Source:http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2228/a350323.html
  • Catégories : La littérature, Voyage

    Les écrivains voyageurs 3. Joseph Kessel, le moujik de la NRF

    Né en Argentine, il grandit dans l'Oural avant de rejoindre Paris. Il devient. écrivain à la Nouvelle Revue française, parcourt le monde pour «France Soir» et bâtit sa légende à force de livres éblouissants et de verres broyés entre les dents

     

    C'est un Kessel étonnamment sobre, indifférent aux oeillades des jolies inconnues sur le pont de l'«Astu-rias», qui vogue vers Buenos Aires ce 12 août 1937. Jean Mermoz est mort huit mois plus tôt. La jeune gloire de l'Aéropostale, disparu au large de Dakar aux manettes de la «Croix-du-Sud», était son ami, son frère. Joseph Kessel, polygame sentimental, le coeur ouvert à toutes les aventures, place au plus haut la camaraderie virile et l'amitié. En guise d'adieu au disparu, il va écrire un livre. Tout au long de la traversée, on le voit sous la Voie lactée, crinière au vent, se recueillir sur cet océan que l'ami, le frère, tant de fois, a survolé.

    Comme à son habitude, Joseph Kessel a vu les choses en grand. Son enquête sur Mermoz et «sa cohorte ailée» fera l'objet d'une série d'articles dans «France-Soir». La biographie sera publiée par Gallimard. Au Kessel de la fin des années 1930, au romancier de «la Steppe rouge» et de «Belle de jour», au grand reporter, auteur d'articles retentissants sur le trafic d'esclaves en mer Rouge, au prince noctambule des cabarets russes parisiens déterminé à «faire de civique jour un dimanche» et qui, au petit matin, signe en titubant des chèques en blanc pour payer la vodka et tous les verres fracassés, à cet homme-là, on ne refuse rien. Il est déjà, à l'aube de ses 40 ans, l'Homo kesselianus qu'André Chamson accueillera en ces termes en 1962 à l'Académie française. En attendant, le voici qui aborde après trois semaines de traversée la terre de Mermoz - en ce temps-là, seul le courrier franchit par avion les océans. Des journalistes l'attendent à hôtel, pressés de célébrer comme il se doit le retour au pays du «juif argentin». Car Kessel a vu le jour non loin d'ici, dans la pampa. Le 10 février 1898, à Clara, dans une colonie agricole de Mosesville, peuplée d'émigrés des ghettos de Russie, naissait Joseph-Elie. Sur les bords du Tigre, là où les eaux du Panama rejoignent celles de l'Uruguay, là où Mermoz se baignait à la saison chaude, «Jef» Kessel sait que sa famille avait embarqué un jour pour la Russie et qu'il avait failli mourir de dysenterie au cours de ce périple de 18 000 kilomètres. Au beau milieu de l'Atlantique, ni son père médecin ni l'infirmier de bord ne savaient que faire pour sauver la vie de la petite chose famélique qui dépérissait dans les bras de Raïssa, sa mère, paniquée, épuisée au sixième mois de sa deuxième grossesse. Le capitaine avait prévu de jeter le peut corps par-dessus bord.

    Quarante ans plus tard, Joseph Kessel n'oublie pas qu'il doit la vie à une jeune émigrante italienne qui proposa de nourrir au sein, en même temps que son propre enfant, un bébé squelettique qu'elle ne reverrait pas. Les Kessel s'installeront donc avec leur Yossienka (petit Joseph adoré) à Orenbourg, dans l'Oural. Les premières années du garçon seront bercées par le tintinnabulement des caravanes afghanes venues se ravitailler à la maison Lesk, épicerie pour nomades impeccablement tenue par Anton, le grand-père maternel. Puis ils émigrent en France. Cette enfance errante fera de lui un vagabond intraitable.

    Mais pour l'heure, l'écrivain a rejoint Marcel Reine, autre figure de l'Aéropostale, pour refaire après Mermoz la traversée de la meurtrière cordillère des Andes, «cette chevauchée de neige et déglace, cette fureur pétrifiée dans un éternel assaut». Sur un authentique vieux zinc des débuts de la ligne, un Latécoère-28, les deux pèlerins volent jusqu'en Patagonie, bravant les vents des Andes et provoquant le destin - un atterrissage forcé est souvent fatal. Quelques archanges intrépides morts pour l'Aéropostale passent dans son beau roman sur Mermoz.

    Des bateaux, Kessel en a pris bien d'autres avant l'«Asturias». «A moi venaient les mers de Chine, l'océan Indien, la mer Rouge et toutes leurs escales», écrira-t-il. Embarquer le 10 novembre 1918, à 20 ans, à bord du «Président-Grant» à destination de New York, fut sa première échappée vers un glorieux destin. Ce jour-là, la France fête une victoire à laquelle l'adolescent, qui sera toute sa vie «pressé d'avoir peur», a participé de justesse: son jeune âge ne l'a pas autorisé à s'engager dans l'aviation avant 1917. Dans l'escadrille S.29 qui lui inspirera «l'Equipage», premier roman à la gloire des mess enfumés et de la fraternité d'armes, il s'est découvert une fascination pour la guerre et un «attrait morbide pour la violence élémentaire des instincts». Afin de goûter davantage encore cette drogue dure, il rejoint les volontaires du «Président-Grant» pour une improbable mission de «soutien» aux forces blanches de Sibérie mobilisées contre l'Armée rouge naissante. C'est Corto Maltese à Vladivostok. Dans une invraisemblable pagaille qui comble son désir de chaos, des soldats des quatre coins du monde se demandent ce qu'ils font là, chaque nation ayant envoyé ses représentants dans l'affolement collectif. A l'Aquarium, on trinque à la russe au bras des entraîneuses, et les verres de vodka vides explosent sur le sol. Kessel fera sienne la bizarrerie locale.

    Cette guerre finie, il va en trouver d'autres. Justement, l'Irlande gronde. L'insurrection contre la Couronne d'Angleterre devient sanglante et c'est bientôt pour «la Liberté», un des grands journaux français, qu'il met le cap sur Londres. Arrêté par les Anglais pour activité terroriste, le maire de Cork, embastillé à Brixton, refuse d'être jugé par ces «étrangers». Fasciné par «la foi la plus ardente» des sinn-feiners, Joseph Kessel raconte à ses lecteurs qui sont vraiment les hommes invisibles de l'IRA. La France aimait l'écrivain, elle se passionne pour le journaliste. Dix articles, et sa réputation de grand reporter est faite. Il a 22 ans.

    Un autre bateau, pour la Russie soviétique cette fois. Joseph Kessel en rapporte une série d'articles sur la face cachée du bolchevisme et la «boue sanglante» de sa police secrète, la Tcheka, qui recrute parmi les illettrés et les repris de justice. Pour «la Revue de France i>, férocement anticommuniste, il signe un article mémorable intitulé «Silhouette de la Tcheka», fusillant Trotski d'une formule: «bourreau hors cadre». «Le Caveau n° 7», une nouvelle publiée au Mercure de France, achève de discréditer un régime qui transforme en monstres des hommes qui rêvaient d'égalité. Gaston Gallimard, directeur de la maison d'édition la Nouvelle Revue française, le remarque et lui demande un roman. «La Steppe rouge» sera publié en novembre 1922, sept nouvelles glaçantes sur la banalité du mal. Si Paul Valéry admire son talent pour traduire «l'épouvante et l'angoisse tontes mies et toute la force d'une vérité actuelle et incroyable», Paulhan et Rivière regardent de haut ce moujik échevelé qui considère que le sang et la misère sont le lot de la plupart des hommes. Qu'importe, Kessel est chez lui à la NRF.

    Kessel est désormais partout où l'Histoire bascule. Et quand il n'y est pas, c'est elle qui vient à lui. Elle se présente en 1926 sous les traits d'un certain Haïm Weizmann, qui, à la mort de Theodor Herzl, a repris le flambeau du sionisme mondial. Celui qui sera un jour le premier président de l'Etat d'lsraël veut entraîner à Jaffa le grand Kessel, qui n'est pas très motivé. Le sionisme? Chimère attendrissante. Rêve sans lendemain de rescapés des pogroms russes. Le plus sage, pense-t-il, est que les juifs s'intègrent dans leurs pays d'accueil. Mais la passerelle du «Champollion» à peine franchie, Kessel, d'abord meurtri par le spectacle de ces pionniers en haillons, est ému par le chant d'un rabbin. Puis la joie intranquille du sionisme le gagne quand il découvre Tel-Aviv la fragile, où des préfabriqués s'alignent et buttent au pied des dunes de sable - à vaincre elles aussi. La vallée de Jezréel, ancien marécage infecté de malaria transformé en jardin fécond, achève de conquérir un homme conscient que «le plus petit brin d'herbe vous met l'âme à l'envers».

    Israël ne se fera plus sans Kessel. Jef a trouvé sa «Terre d'amour» et lui restera fidèle quand elle sera terre de feu. Pour «France- Soir» il reviendra, le 14 mai 1948. A la douane de Haïfa, un jeune garçon apposera en caractères hébraïques sur son passeport avec un tendre sourire le visa n° 1 d'un Etat qui n'a même pas un jour, événement dont il fera le récit pour le quotidien parisien dans un article de une éblouissant entré depuis dans les annales de la presse. Sa signature sera si fortement liée à «France-Soir» et à son directeur, le légendaire Pierre Lazareff, que ce dernier demandera qu'on aille débusquer «le vieux lion» dans sa retraite d'Avernes pour écrire sa nécrologie, le jour venu.

    Jef Kessel, qui disposait à «France-Soir» d'un crédit illimité pour parcourir le monde, était capable de faire grimper sur son seul nom les ventes d'un numéro de 100 000 exemplaires. Mais malgré cette ahurissante popularité, il faisait volontiers une brève non signée sur un incendie de poubelle au coin de la rue. Lui qui couvrira la Seconde Guerre mondiale et écrira avec son neveu Maurice Druon «le Chant des partisans»; lui qui à Londres promettra à de Gaulle un grand livre sur «l'Armée des ombres» ne sombra pas dans l'arrogance - sans doute s'adressait-il trop de reproches pour être vaniteux.

    Car l'auteur du «Lion», livre vingt fois réédité en cinquante ans, perçu comme un demi-dieu, était miné par de puissants remords. Jamais il se s'est pardonné de n'avoir pas senti le désarroi de son jeune frère, Lazare, mort suicidé l'année de ses 20 ans, ni d'avoir trouvé sa mère mourante, boulevard Brune, l'hiver 1956, alors qu'il rentrait d'un interminable périple afghan. Rassemblant ses dernières forces, Raïssa Kessel s'était accrochée à la vie dans l'unique espoir d'embrasser une dernière fois l'éternel absent. Ce souvenir-là aussi brouillerait plus d'une fois ses yeux gris. Mais son tourment le plus lancinant fut d'avoir négligé Sandi, son premier grand amour, son coup de foudre en mer de Chine, sur un bateau, encore, que les amis du couple appelaient parfois «la sainte», tant elle pardonnait tout à son chien fou de mari, ses absences et ses nuits dans d'autres alcôves. De son vrai nom Nadia-Alexandra Polizu-Michsunesti, Sandi la Roumaine fut toute sa courte vie subjuguée par son Jef et accepta les sacrifices qu'exigeait l'amour pour un homme qui s'était juré de ne jamais rien se refuser.

    Kessel aima passionnément sa «Sandinette» jusqu'à embrasser chaque soir un petit portrait d'elle soigneusement glissé dans ses bagages aux heures du départ. Mais au cours des longs mois où Sandi s'éteindra lentement au sanatorium de Davos, son héros préférera souvent aux visites à la malade les nuits tsiganes du Caveau caucasien ou l'oubli de soi dans une guerre lointaine. Les regrets seront terribles. Trente ans plus tard, il verra dans la déchéance alcoolisée de son autre amour, sa femme, la tumultueuse Michèle, la punition de tous ces manquements. Et nul ne sait s'il fit le lien entre le désespoir inguérissable de la belle Irlandaise et le refus de son mari de; lui donner ce qu'elle désirait de toute son âme: un enfant.

    Superstitieux - pas un voyage sans prononcer le salvateur «Dobri tchass zbogom»«Que l'heure soit favorable et que Dieu nous protège.» , persuadé que tout bonheur se paie d'un chagrin et chaque rire d'une larme, il puisera dans tous ses remords d'admirables pages du «Tour du malheur», le plus tolstoïen de ses livres. Son ami Yves Courrière parlera du «vide affreux de son mie qu'il devait remplir à tout prix». Pour s'étourdir à ce point, il lui fallait bien trois patries.

    Attaché à la France qui l'avait sauvé, puis à Israël qu'il fallait aider à vivre, Kessel sera ensorcelé par l'Afghanistan, découvert sur le tard. Avec une énergie intacte, à peine altérée par soixante ans de cavale et d'embardées alcoolisées, il s'enfonce jusqu'aux confins russo-afghans pour en humer les parfums, si proches de l'Oural de son enfance. C'est par l'image que cet écrivain décide de faire aimer cette terre encore inconnue. Cette fois encore, il voit grand et rêve d'un film. Il a déjà le titre: «la Passe du diable». Derrière la caméra, le jeune chef opérateur débutant s'appelle Pierre Schoendoerffer. Un jeu cruel, le bouzkachi, où les meilleurs cavaliers du pays se disputent avec sauvagerie la dépouille d'un bouc remplie d'eau et de sable, sert de prétexte à montrer du pays. A la tombée de la nuit, l'équipe de jeunes cinéastes découvre avec stupéfaction l'attaché-case usé de Kessel: un bar miniature dont l'académicien fait un usage immodéré, devant les «frères» afghans scandalisés. Car Kessel fut toute sa vie un bad boy incontrôlable, qui broyait ses verres de vodka avec les dents dans toutes les tavernes du monde comme dans les très sélectes réceptions chez Gallimard, devant la femme de Gaston tétanisée par ce Capitaine Fracasse - c'est ainsi qu'on l'appelait du côté de Montmartre - en train de croquer le cristal familial avec aplomb.

    «La Passe du diable» fut occulté par la guerre d'Algérie. En revanche, «les Cavaliers» fut salué comme un chef d'oeuvre, ce qui lui vaudra lors d'un retour à Kaboul une standing ovation des moudjahidin reconnaissants. L'écrivain glissa son testament d'homme et de voyageur dans cette bible ethnologique, qui continue d'influencer les grands reporters de la presse écrite à l'heure du bouquet satellite et des tour-opérateurs. Mais cette passion afghane, qui remplirait à elle seule la vie d'un honnête homme, fut presque un détail dans l'existence de ce géant hyperactif. Il faudra d'ailleurs à son amiYves Courrière, qui fit pour Kessel ce que Kessel avait fait pour Mermoz, pas moins de mille pages intenses pour faire le tour de l'Homo kesselianus.

    «Le Tour du malheur», tomes 1 et 2 Folio
    «Mermoz», Folio.«Les Coeurs purs», Folio
    «Nuits de prince», Folio«Le Lion», Folio
    «La Passante du Sans-Souci», Folio.
    «Le Petit Ane blanc», Folio
    «Les Cavaliers», Folio.
    «Terre d'amour et de feu», 10/18.
    «Joseph Kessel ou Sur la piste du lion», par Yves Courrière, Plon.
    «Kessel. Le nomade éternel», par Olivier Weber, Arthaud.

    Né en 1898 à Clara, dans la pampa argentine, Joseph Kessel fut grand reporter pour "France-Soir". Il est l'auteur d'une soixantaine de romans, de nouvelles et de récits. En 1962, il est élu à l'Académie française au siège du Duc de la Force. Il meurt en juillet 1979 devant le journal télévisé, après avoir allumé sa dernière cigarette.



    Anne Crignon

    Le Nouvel Observateur - 2229 - 26/07/2007


    Source:http://livres.nouvelobs.com/p2229/a350688.html

  • Frida Kahlo de A à Z, expo-évènement à Mexico pour son 100e anniversaire

    15 juin 12:14 - MEXICO (AFP) - Frida Kahlo aurait eu 100 ans cette année: au lieu de cent bougies, le palais des beaux arts de Mexico lui rend hommage avec une exposition extraordinairement complète qui rassemble toutes ses oeuvres majeures et des peintures habituellement éparpillées aux quatre coins du monde.

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    Auto-portrait de Frida Kahlo exposé au musée del Barrio en décembre 2004

    AFP/Archives -

     

     

     

     

     

     

     

    Les deux Fridas", "La colonne brisée" plongent instantanément le visiteur dans l'univers dramatique de Frida Kahlo et la souffrance qui a été la sienne du fait de son handicap après un accident de tramway et 33 opérations chirurgicales.

    Les 354 oeuvres, dessins, gravures, lettres de Frida et des photos de l'artiste, de ses proches sont distribuées dans huit salles du vieil édifice art-déco. C'est la première fois qu'on parvient à rassembler le patrimoine des musées mexicains et étrangers et celui des collectionneurs privés.

    Le parquet grince sous les pas des milliers de fanatiques ou d'écoliers en uniforme. D'habitude bruyants, les Mexicains observent un silence admiratif quand il s'agit de Frida Kahlo, fierté d'un pays.

    "Ce sont les gens qui l'ont rendue célèbre, comme (Pablo) Picasso. Elle appartient au peuple. C'est une icône universelle", commente Juan Coronel, un des organisateurs de l'exposition.

    L'exposition visible jusqu'au 19 août, retrace les grandes étapes de sa vie, ce qu'elle qualifie comme ses deux accidents --celui du tramway et sa rencontre avec le peintre muraliste Diego Rivera qui lui sera infidèle--, ses séjours aux Etats-Unis et son engagement politique du côté des communistes.

    Une série de dessins "Frida et la fausse-couche" la représentent nue, en larmes, un foetus à côté d'elle, et rappellent ses fausse-couche et son chagrin de ne pas pouvoir avoir d'enfant en raison des séquelles de son accident.

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    Léon Trotsky (g), accompagné de sa femme Natalia Sedova, est accueilli par Frida Kahlo (3e g) et Diego Rivera lors de son arrivée à Mexico, le 24 janvier 1937

    AFP/Archives -

     

     

     

     

     

     

    Dans un texte écrit en hommage au peintre, l'écrivain mexicain Carlos Fuentes voit en elle une "Cléopâtre brisée", "Frida est cassée, déchirée à l'intérieur de son corps", ajoute-t-il en soulignant qu'elle était pourtant gaie et enjouée.

    Après les autoportraits, une salle est dédiée aux natures mortes, avec une touche de surréalisme, une autre aux photographies, de nombreux clichés sont de son père, Guillermo Kahlo, immigré allemand.

    On la voit aussi avec Léon Trotski, qui fut son amant.

    Une cinquantaine de lettres écrites à la main ou à la machine à écrire sont suspendues au plafond par des fils. La plupart sont adressées à son médecin et confident Léo Eloesser et commencent par "mon très cher petit docteur" ou "joli petit docteur de mon coeur".

    André Breton, qu'elle a accueilli à Mexico, disait d'elle qu'elle était "une bombe avec un ruban autour".

    Riche en oeuvres, dont certaines sont présentées pour la première fois, mais du fait d'un montage classique, l'exposition n'a pas le cachet de celle de 2004, pour le cinquantenaire de la mort de Frida.

    Lors de l'inauguration de l'exposition mercredi, la politique s'est invitée à la fête. Le président Felipe Calderon a été conspué par des manifestants de gauche qui lui lançaient "Frida était communiste", "si elle était vivante, elle serait avec nous".

    Tout au long de l'année 2007, un hommage national est rendue au Mexique à Frida Kahlo (1907-1954), à l'occasion du centenaire de sa naissance, et à son époux Diego Rivera (1886-1957) pour le 50e anniversaire de sa mort.

    Le 5 juillet, le Musée Frida Kahlo a présenté quelques uns des "Trésors de la Maison bleue", 22.000 documents inédits (photos, dessins) découverts il y a trois ans, dans la maison de la famille des Kahlo-Rivera.

    © 2007 AFP
    AFP
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  • Catégories : Jeux, Web

    Jeu transmis par Elisabeth et que je transmets à mon tour à tous ceux qui passeront par ici et voudront bien le faire.

    Je vous révèle mes secrets les plus enfouis ou inavouables comme me l'a demandé Elisabeth:

    1. Quand j'étais petite, j''étais tellement timide que je me cachais sous la table au restaurant.

    2. On me prenait souvent pour un garçon car j'avais les cheveux courts, j'étais grande et j'étais souvent en pantalon


    3. Ma grande taille me valait d'ailleurs des quolibets

    4. On me reprochait aussi d'être trop sage, trop bonne élève...

    5.Je tombais souvent

    6. Je suis tombée amoureux d'un garçon qui me ramassait

    7.Le seul endroit où je me sentais à ma place, c'était dans les livres...

  • Catégories : Des évènements, La poésie, Musique

    Poésie-Image-Son-21 et 22 juillet 2007

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    70 OEUVRES SERONT EXPOSEES
    10 ARTISTES VOUS RECOIVENT
    ENTREE LIBRE ET GRATUITE - Salle IGESA - Peïra Cava

    Olga PARRA - Karine FRIBOULET - Léon David AMSALHEM - Eric DAVEUX
    Philippe TREARD - Didier CLERO - Lydia GUIGO - Nelly JOHNSON
    Armel AUBERT Amha - Aline VESCO-CHIARAMONTI
    PoesImageSon un événement de l’Art pour Art, proposé par NJART®, où chaque exposant, poète et plasticien présente chaque œuvre P. I. S. 2007 dans une prestation en duo improvisé tout au long de ce week end. Le public est invité à participer à l’événement, à rencontrer les artistes.

    PROGRAMME

    SAMEDI 21 JUILLET 2007


    11 H - 14 H CRÉATION DE LA FUSION
    La fusion se fera par choix à plusieurs tours, les exposants, poètes et plasticiens sélectionneront sur un bulletin les œuvres choisies pour illustration réciproque. Après dépouillement des 70 bulletins du premier tour, les œuvres P.I.S. PoesImageSon crées au premier tour seront les œuvres ayant reçu le même choix réciproque Poète et Plasticien. Si après le 3 ème tour plusieurs poèmes sont sélectionnés pour illustrer une même œuvre plastique, ou plusieurs œuvres plastiques sont sélectionnées pour illustrer un même poème, sans trouver de réciprocité, NJART® se réserve le droit d’arbitrer. Simultanément, les photos et poèmes affichés sont retirés lorsqu’ils deviennent œuvre P.I.S. PoesImageSon

    14 H - 15 H BAPTÊME DE LA FUSION
    Les œuvres P.I.S. PoesImageSon reçoivent un titre proposé par les auteurs de la fusion. Le nom de l’œuvre obtenue peut être le titre du poème accolé au titre de l’œuvre picturale, mais également un titre spécifique issu de la fusion des coauteurs. La matérialisation de la fusion se fera par une exposition jumelée.

    15 H - 18 H TEMPS DE LECTURES
    Lecture de l’œuvre P.I.S. PoesImageSon - improvisation du duo poète-plasticien pour donner au public l’interprétation de l’oeuvre, le sens de la créativité, de la fusion




    DIMANCHE 22 JUILLET 2007


    11 H - 13 H MICRO LIBRE
    Chaque poète et chaque plasticien parle de lui : son parcours, son oeuvre, ses projets, la motivation de son choix dans le cadre de l’œuvre P.I.S. PoesImageSon

    13 H - 15 H A LA DECOUVERTE DE...
    Chaque exposant poète et plasticien rencontre son public, dialogue, échange, dédicace les livres exposés, présente les press book, revues de presse entre autres.

    15 H - 17 H TEMPS DE LECTURE
    Lecture de l’œuvre P.I.S. PoesImageSon - improvisation du duo poète-plasticien pour donner au public l’interprétation de l’oeuvre, le sens de la créativité, de la fusion

    17 H EVENEMENT SURPRISE.....




    L'ART n'étant qu'un et indivisible par nature, l'objectif de PoesImageSon, est la fusion d'une œuvre poétique et d'une œuvre plastique pour aboutir à une seule et même création de l'inspiration humaine au delà des règles académiques venant freiner la créativité, tout en préservant toujours la recherche du beau et de l'idéal spirituel.

    POETES
    SCULPTEURS
    ARTISTES PEINTRES
    http://poesimageson.free.fr/Pour tout complément d'information une adresse e-mail :
    njart@free.fr

    Artistiquement Vôtre.

    Nelly Johnson

    NJART®
    http://www.njart.fr

  • Catégories : Des lieux, La littérature

    C'est le premier parc à thème littéraire

    Entrez dans le monde de Dickens !

     

    L'écrivain y a vécu : c'est donc à Chatham que vient de s'ouvrir un grand parc consacré à l'auteur d' « Oliver Twist ». Tout y est du Londres misérable du XIX e siècle, catins et pickpockets compris. Visite guidée

     

    Il pleut sur Chatham, ville peu riante du Kent à quarante minutes de train de Londres, où l'écrivain anglais le plus connu après Shakespeare a passé les premières et les dernières années de sa vie. La navette pour les docks n'est pas bien signalée. Mais enfin voici Dickens World, annoncé en lettres blanches sur fond bleu étoilé, un parc d'attractions consacré à l'univers de l'auteur d' « Oliver Twist ».

    On vous promet une plongée dans le ventre fangeux de l'Angleterre du début du XIX e, ses égouts, ses odeurs et ses rats. Dans le train, pendant que défilait un paysage de cataclysme postindustriel fait d'usines désaffectées, on s'était pris à rêver d'un Zola World, avec descente aux enfers sponsorisée par Gervais ( e ) ou d'un Hugo Land avec sa parade de misérables et son train fantôme où les Thénardier feraient peur aux enfants. « A partir de ce point, plus que trois heures d'attente » : la première semaine, victime de son succès, Dickens World, inauguré en mai dernier, a refusé du monde et à la Pentecôte, particulièrement humide, 15 000 personnes y ont trouvé refuge.

    A priori, rien de franchement de mauvais goût ne nous attend : Dickens World a reçu l'approbation de la vénérable Dickens Fellowship ( fondée en 1902, 6 000 membres dans le monde ). Thelma Grove, ancienne secrétaire générale, a suivi le projet comme consultante. « Des descendants de Dickens m'ont appelée un jour, effrayés par ce qui se tramait ; j'ai participé aux réunions et j'ai été agréablement surprise » , raconte cette orthophoniste à la retraite. L'idée de ressusciter le Londres miséreux de l'ère victorienne est née dans les années 1970 dans la tête de Gerry O'Sullivan Beare, un concepteur de parcs à thèmes qui s'est battu pendant trente ans pour lever des fonds. Il est mort l'année dernière, avant l'inauguration. En 2005, grâce à Kevin Christie, un homme d'affaires spécialisé dans le cinéma, ont été enfin réunis les 500 financiers privés et les quelque 91 millions d'euros nécessaires à la création de ce complexe de loisirs de 12 000 m 2, qui englobe un parking, des restaurants et un multiplexe.

    Dans la pénombre, on distingue d'abord des maisons décrépies et, sous les réverbères, une place de quartier sordide, avec son usurier et son épicerie. On guette les rongeurs, mais de mauvaises odeurs, point. Une affiche jaunie détaille la ration quotidienne des cachots de Marshalsea, la prison londonienne où John Dickens, le père de Charles, qui travaillait au bureau de la paie sur les docks, fut emprisonné pour dettes. A 12 ans, Charles Dickens trimait déjà à la Warren's Blacking Factory, dont la façade glauque est reconstituée à l'entrée. Des journées à coller des étiquettes sur des pots de cirage pour 6 shillings par semaine : l'expérience changera définitivement sa vision du monde.

    Faquins, prostituées, chasseurs de rats, tous les personnages dickensiens sont là. A peine a-t-on posé le pied dans ces ruelles sombres qu'un certain Bill, pickpocket en haillons, vous subtilise votre carnet de notes. C'est l'un des 60 employés qui paradent en costume pour 6 livres de l'heure. Mike, le maître de la sévère pension Dotheboys, coiffe d'un bonnet d'âne les élèves-visiteurs qui ne gagnent pas assez de « Dickens points » au quiz. Derrière leurs pupitres en bois à écrans tactiles, les cancres rigolent... Tony, un autre employé portant beau avec son haut de forme, un amoureux de Dickens, a trouvé là un moyen agréable d'arrondir sa retraite. « Mettez-vous bien à l'avant , sinon vous ressortirez trempés ! » , prévient Tony. C'est par les soupiraux reconstitués de Marshalsea que commence l'attraction phare de Dickens World, « la Croisière des Grandes Espérances. », une quinzaine de minutes en bateau, des égouts douteux - un colorant marron, nous assure-t-on - jusqu'aux toits de la ville, traversée du cimetière comprise. « Aujourd'hui , tout est loisirs ! », s'enthousiasme Kevin Christie, le patron de Dickens World. Il espère atteindre les 300 000 visiteurs par an et attend d'ailleurs un coup de pouce décisif du passage dans quelques jours du Tour de France à deux pas d'ici.

    « Cela mettra notre région
    , qui en a besoin, sur la carte du monde » , se réjouit aussi Louise Dale, une infirmière. D'autres se montrent plus circonspects et craignent la saturation de ce coin du sud-est de l'Angleterre où l'on ne compte plus les références à l'auteur. « On a déjà un Dickens World : c'est Rochester ! » Chaque année, en juin, un festival y voit parader les dickensophiles, venus parfois d'Australie, du Japon ou d'Amérique un pays fou de l'écrivain : 60 % des visiteurs du Musée Dickens ( 1 ) de Londres sont américains.

    A l'étage, un film retrace l'épopée américaine de Charles, à qui l'acteur Gerald Dickens, l'arrière-arrièrearrière-petit-fils, prête sa voix. C'est le moment pédagogique de Dickens World, l'occasion d'apprendre, mais toujours en s'amusant ( la tête d'un condamné à mort vous arrive en pleine figure ...).« On a une idée fausse de Dickens ; on en fait quelqu'un de plus sérieux et intellectuel qu'il n'était . Il écrivait pour tous, était lu par tous, y compris les enfants . C'était une personnalité flamboyante, un showman plein d'humour » , explique l'écrivain Lucinda Hawksley, la cousine de Gerald.

    Dans le « Monde de Dickens », tout n'est pas parfait. Des techniciens vont et viennent, le bruit des perceuses couvre parfois la voix des apparitions dans la maison hantée où, devant un hologramme de chaise vide, les Mitchell attendent en vain que le fantôme veuille bien se montrer. Et le Britannia Theatre, un show de personnages mécaniques, n'est toujours pas opérationnel. « Les actionnaires ont mis la pression pour que l'on ouvre le 25 mai » , souffle une employée. « C'est un work in progress , concède Kevin Christie. On n'a jamais dit qu'on serait aussi spectaculaire qu'un Disneyland ; on n'a jamais promis qu'on serait aussi instructif qu'un musée . » L'ambition ici ? « S'amuser en acquérant quelques connaissances. » Le risque ? Décevoir l'amateur de sensations fortes et énerver le puriste.

    Dans son bureau à Londres, Andrew Xavier, le jeune directeur du Musée Dickens, se montre conciliant : « Tout ce qui peut contribuer à diffuser la vie et l'oeuvre de Dickens auprès des jeunes générations , qui, en juillet, vont se précipiter sur le dernier “ Harry Potter” , est le bienvenu. »
    « Dickens ? Bien sûr , j'ai vu tous ses films » , assure Billy, élève d'Ashford. On lui dédie ce mini-scoop : Robert Zemeckis, le réalisateur de « Roger Rabbit », prépare une adaptation du « Conte de Noël ». Que Hollywood vole au secours de Dickens, ça tombe bien : on annonce l'ouverture en 2009 d'un parc Harry Potter à Orlando, en Floride.

    ( 1 ) 48, Doughty Street, dans le quartier de Bloomsbury.

    Dickens World :
    Leviathan Way, Chatham Maritime,
    dans le Kent. Renseignements : www.dickensworld.co.uk.
    Pour y aller :
    Trains pour Chatham à partir de Victoria Station, Charing Cross et London Bridge. Entrée : 12,50 livres pour les adultes ; 7,50 livres pour les enfants.

     



    Marie-Hélène Martin

    Le Nouvel Observateur - 2226 - 05/07/2007

    Source:http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2226/a349248.html

  • Catégories : La littérature

    Le seul regret de Bernard Pivot

     NATHALIE SIMON.

     

     Publié le 20 juillet 2007

     

    Actualisé le 20 juillet 2007 : 08h08

    Bernard Pivot : « Avant, j'étais un peu désinvolte, parce que je comptais sur ma mémoire, là, je ne le pouvais plus. Il fallait que je bosse vraiment et que je m'applique. »

     

    Delort/Le Figaro.

     

    « JE NE VOUS AURAIS jamais reconnu et pourtant vous dites que nous nous sommes rencontrés de nombreuses fois ? », lâche Bernard Pivot qui nous reçoit dans l'appartement où il vient d'emménager dans le XVIIe arrondissement. « J'ai présenté»Apostrophes* pendant quinze ans et les gens sont persuadés que j'ai une mémoire phénoménale, mais je n'en ai pas du tout ! » Celui qu'on surnomme « le roi Lire » a hésité à évoquer un autre regret : celui de ne pas s'être assez souvent mis en colère.

     

     

     

    « J'ai toujours été une victime un peu souriante de ma mauvaise mémoire. Elle fonctionne très bien dans l'actualité, le moment, l'urgence et la fraîcheur. Après la lecture d'un livre par exemple, je peux retrouver pendant une huitaine de jours la page où telle phrase a été écrite. Quand j'animais une émission littéraire, je pouvais ainsi, avec une précision souvent redoutée des auteurs, retrouver tel passage dans tel ouvrage. Cela m'a toujours amusé de voir que les gens étaient impressionnés et croyaient que j'avais une mémoire extraordinaire. Mais au bout d'un moment, tous ces sentiments, ces images, nés de la lecture, disparaissent de mon esprit. »

     

     

     

    L'explication remonte à l'enfance du journaliste. « Après la guerre, j'ai eu ce qu'on appelle une primo-infection, la première attaque de la tuberculose. Ce n'était pas très grave, mais à ma stupéfaction, quand je suis revenu, je me suis aperçu que je n'avais plus la même mémoire. D'un seul coup, je me suis mis à peiner pour apprendre par coeur les fables de La Fontaine. Avant, j'étais un peu désinvolte, parce que je comptais sur ma mémoire, là, je ne le pouvais plus. Il fallait que je bosse vraiment et que je m'applique. »

     

     

     

    Le petit Bernard a grandi et est devenu le pape de la langue de Molière, l'animateur d'émissions mythiques comme « Apostrophes » (724 numéros) et « Bouillon de culture », qui lui ont donné la réputation de quelqu'un doué d'une mémoire hors du commun ! Depuis 2004, il est membre de la prestigieuse Académie Goncourt et ne craint pas de se comparer aux personnalités qu'il côtoie : « François Nourissier, Jorge Semprun, Françoise Chandernagor, Robert Sabatier ont tous une mémoire extraordinaire. Robert Sabatier peut vous réciter 2 000 ou 3 000 vers à la suite. Mon ami Philippe Meyer connaît, quant à lui, des centaines, des milliers de chansons sur le bout des doigts. Jean d'Ormesson, lui aussi, sort des citations comme moi je sortirais des chaussettes du tiroir de ma penderie. » Au quotidien, ce défaut joue des tours à l'ex-animateur. « Dans les articles ou les livres que j'écris, dès que je fais une citation, il faut que j'aille la vérifier parce que, deux fois sur trois, je commets une erreur. Parfois, ce problème a un avantage, il m'évite de tomber dans une sorte de facilité, de commencer un article par une citation, par exemple. »

     

     

     

    Quand on tente de rassurer Bernard Pivot - « Vous ne me reconnaissez pas, ce n'est pas grave » -, il répond qu'il en éprouve de la tristesse. Et se remémore (oui) des anecdotes savoureuses : « Un dimanche soir, sur l'aéroport d'Heathrow, à Londres - c'était du temps d'»Apostrophes* -, je vois un monsieur qui vient vers moi et me tend la main. Je me rends compte que je le connais, mais suis incapable de me rappeler qui il est. Il me demande : « Vous ne me remettez pas ? ». Je réponds « Non. » Il me dit : « Mais j'étais votre invité vendredi soir sur le plateau d'»Apostrophes*. »

     

     

     

    L'homme a évidemment appris à vivre avec son « handicap » : « Depuis une quinzaine d'années, je préviens les personnes que je rencontre que je ne les reconnaîtrai pas quand je les reverrai. Cela m'a donné mauvaise réputation. On croit que c'est du dédain, de l'orgueil. À la fin d'»Apostrophes* et de»Bouillon de culture*, nous avions l'habitude de rencontrer les invités. Anne-Marie Bourgnon, mon assistante, était toujours derrière moi pour me dire : « Attention, à gauche, c'est un tel, à droite, tel autre... ». En plus, après une émission, vous êtes un peu sonné et je reconnaissais encore moins les participants. Anne-Marie m'évitait de faire des gaffes, mais combien de fois j'ai blessé des gens à cause de ma mémoire défaillante, poreuse. J'oublie la vie tranquille, tout ce qui n'est pas marquant dans la joie ou le chagrin. C'est comme une infirmité. Avec l'âge, cela ne faut qu'empirer ! »

     

     

     

    À la fin de l'entretien, l'auteur du Dictionnaire amoureux du vin (Plon) se lève pour saluer et se précipite soudain sur un appareil photo : « Je vais vous prendre comme cela, je ne vous oublierai pas ! »

     

    Source:http://www.lefigaro.fr/reportage/20070720.FIG000000148_mon_seul_regret.html

  • Catégories : La littérature, Voyage

    Nicolas Bouvier ou l'essence du voyage

    5ccfe8001fa76d1889595c353b3ece8a.jpgLe livre culte de la littérature du voyage possède un nom, "L'Usage du Monde", et un auteur, Nicolas Bouvier. Dans "Indigo Street", les photos font écho aux phrases de l'écrivain, qui concentrent l'esprit du voyage.

    Indigo Street, sur les traces de Nicolas Bouvier

    Prilep, Macédoine. "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait." (Nicolas Bouvier, L'Usage du Monde). Photo © Eric Rechsteiner
    Les écrivains-voyageurs (2)

     

    Nicolas Bouvier, le Suisse errant

     

     

     

    De Genève à Tokyo en passant par Ispahan, et de pannes de voiture en petits boulots, il sut oublier livres et horloges pour se laisser porter par les hasards de la route. Portrait un usager du monde et styliste admirable

     

     

     

     Dans les récits de Nicolas Bouvier passent parfois d'indomptables Américaines à chapeaux et caméras, de « l'espèce qui digère en une journée une douzaine de temples et une ou deux résidences impériales sans même sentir leur estomac ». Des Françaises en gants de fil, chagrines de ne s'être pas vu livrer, en même temps que leurs billets d'avion, « l'âme du Japon ». Des touristes en longues files résignées, attendant qu'un guide les « conduise au paysage », récriminants et dociles, pleins de mépris pour les autochtones, qui le leur rendent amplement. A ces activistes péremptoires et fébriles, Nicolas Bouvier a constamment opposé sa philosophie du voyage, édifiée sur les quatre piliers de l'ignorance, de la lenteur, du dénuement, de la fatigue.

    Vieux débat, celui de savoir s'il vaut mieux partir lesté de connaissances, ou dans un état d'ignorance bénie. Nicolas Bouvier dit ne pas vouloir se prononcer, mais sa pratique est éloquente. Quand il part, ce lecteur impénitent se soucie peu de se charger de livres. Il se contentera de ce que lui offriront, à l'étape, d'improbables bibliothèques, Stendhal à Téhéran et Dickens à Colombo. Il n'établit pas la liste des monuments à visiter, des points de vue célèbres à ne pas manquer. Sur ce que lui réserve le voyage, il s'interdit d'anticiper. « Voyager, c'est prévoir », avait dit Paul Morand. Rien de plus antipathique à Nicolas Bouvier, qui fait confiance à la surprise, à la rencontre, au hasard : à quoi bon savoir et prévoir, si on est empêché de voir ?

    A quoi bon encore se fixer des dates et des horaires, établir l'emploi d'un temps qu'il faut savoir perdre ? A tous les modes de locomotion qui se targuent d'en faire gagner, Nicolas Bouvier préfère la marche, moyen le plus sûr de s'approprier le monde à la semelle de ses souliers. En cheminant, « les paysages s'annoncent, se laissent percevoir et décrire avec la minutie d'une peinture flamande, et ne disparaissent pas sans crier gare ». Au rythme litanique des pas, mille détails sautent au visage, que l'homme pressé n'a aucune chance de capter : la couleur des fichus, l’odeur du pain, la taille des oignons, la forme des nids. A chaque pas, mille bifurcations s'ouvrent, mille contretemps contraignent à la halte. Les voyages de Nicolas Bouvier ont toujours été troués de pauses imprévues : à Tabriz, la neige l'a bloqué pendant six mois ; à Tokyo, c’est un séjour forcé à l’hôpital, et à Mahabad, celui dans une prison débonnaire. Le voyageur s'accommode de cette lenteur, et même la célèbre : « Tu te pousses à petite vitesse, un mois passe comme un rien. »

    Oublier le savoir des livres et le temps des horloges, c'est aussi rompre avec les commodités de l'existence ordinaire. Le père de Nicolas Bouvier avait averti le garçon en mal d'errance : il lui faudrait se débrouiller sur les routes, exercer partout les petits métiers de la survie. A chaque étape, il devrait trouver les quatre mètres carrés où poser sa paillasse, et gagner la pitance du jour. On le voit donc faire la plonge dans les soutes torrides du bateau des Messageries, tenir la caisse dans une troupe de baladins, graisser des ressorts dans un garage, vendre des dessins de nus, s'improviser photographe ambulant, jouer des valses musette dans les bars : tout cela pour trois œufs, deux chemises amidonnées, un esturgeon fumé. Parfois aussi, dans l'espoir de négocier une conférence pour l'Alliance française ou un article dans le journal local, il doit rendre visite aux autorités : il passe de la courette du chauffeur de taxi sikh qui le loge aux salons feutrés de l'ambassade, ludion sur l'échelle sociale. Que pèsent alors les statuts, les ambitions, les carrières ? Jour après jour, le voyageur se désencombre.

    Pour décrire cette marche au dénuement, Nicolas Bouvier use libéralement du lexique de la médecine (le voyage « décongestionne » et « purge »), de la lessive (le voyage « décape », « débarbouille », « essore », « étrille », « rince », « récure »), du cambriolage (le voyage « dépouille », « déleste », « détrousse »).

    Il arrive au dénuement de basculer dans la misère. Faim, fatigue, fièvre, folie même sont alors les mauvaises compagnes du voyageur. Nicolas Bouvier, pourtant, les juge parfois bénéfiques puisqu'elles sont des moyens de connaissance, d'illumination, voire de progrès spirituel : quand le corps est recru, les bandelettes du vieil homme tombent, des portes inconnues s’ouvrent. Mais on peut aussi y laisser sa vie et sa raison. Secoué par la malaria à Ceylan, dans une chambre termitière où le guettent des monstres à la carapace de chitine, où il sait pourrir, où il croit mourir, il frôle la démence : les soirs de lune, un jésuite fantôme, grand connaisseur de diableries, sort du pavé. Alors il s'interroge : pourquoi donc un gribouille comme lui va-t-il s’égarer sans profit dans des lieux aussi disgraciés ? Qui l'oblige à croupir dans l'étuve malsaine de Ceylan ? « Qu'est-ce que j'ai au monde à foutre ici ? »

    Par quel ressort, en effet, en vient-on au lâcher tout du voyage et au choix de conditions aussi rudes ? Un coup d'oeil sur les jeunes années de Nicolas Bouvier fait vaciller l'explication déterministe. Pas trace, ici, d'un malheur natif. Dans cette enfance, on ne trouve que la musique et les livres, la beauté des paysages, la tendresse de parents cultivés et polyglottes, les belles demeures d'été au bord du lac, barque sur la grève, bouquets sur le piano, ombres longues sur les pelouses, tintement des cuillers sur les tasses à thé, jolies cousines qu'on lutine sous la capote des calèches. Une brillante carrière universitaire attend l'adolescent, un beau mariage, tout ce que sa mère, dans les lettres qui l'attendent à la poste restante de Ceylan, lui rappelle avec une sournoise insistance, en évoquant le parcours des copains, « arrivés », eux, pendant qu'il partait, dûment mariés désormais et chargés de distinctions flatteuses.
    Rien ne semblait promettre le jeune homme rangé au staccato de cette vie étrange où l'errance ne s'arrêtera que pour raconter l'errance, puis embrasser des métiers incertains qui sont autant d'errances : devenu « iconographe » au retour de ses équipées, Nicolas Bouvier s’est fait chasseur d’images pour maisons d’édition, occupé à une collecte aussi hétéroclite, énigmatique et inépuisable que le butin rapporté des voyages.

    Peut-être peut-on apercevoir, malgré tout, quelques présages de la rupture avec une existence assise. L'enfant détestait la barrette sage dans ses cheveux, vivait l'école comme un éteignoir. Quelque chose en lui protestait contre la touche de raideur huguenote de l'éducation. Tout ce qui évoquait la carrière, ambitions, honneurs, médailles, lui semblait « appeler le cercueil ». A 12 ans, allongé sur le tapis avec un vieil atlas, le nez sur les cartes, il rêvait sur le vert olive des deltas, les bruns plissés des plateaux, et plus que tout sur les blancs mystérieux qui sa vie durant le rendront fou d'impatience. Les vignettes missionnaires de l'école du dimanche avec leurs jonques et leurs baleines, Jules Verne, Stevenson et les noms des villes inconnues le faisaient délirer. Et le fait d'être le citoyen d'un pays coincé dans son corset de montagnes a peut-être aussi joué sa partie dans la vocation pérégrine : la Suisse, comme on le sait peu, est une terre de nomades. Sous la solidité suisse, « ce comme il faut qu'on nous prête, vous trouverez cette quête incessante, ce mouvement brownien helvétique où se devine un fil d'incertitude et d'insatisfaction, une nostalgie qui ne se satisfait ni de présence, ni d'absence ».

    Pour ses premiers voyages, Nicolas Bouvier avait choisi les routes de l'Est. Le chemin du couchant, Irlande, Ecosse, Californie, Colombie-Britannique, il le prendra plus tard. Pour commencer donc, Yougoslavie, Macédoine, Afghanistan, Inde, Ceylan, Japon. Des pays où rien n'est mieux compris que le projet de voyager, constamment entouré de révérence, comme un emploi du temps du plus haut intérêt : « Que vous partiez pour échapper au poignard d'un cousin, visiter un lieu saint, vendre quelques balles de pistache ou satisfaire une curiosité importe peu, le trajet compte plus que les motifs. » L'Asie, mère de l'Europe, offre partout la profondeur de l'histoire, les traces écrites des ambassades, invasions, migrations, pèlerinages, négoces, le compagnonnage des vivants et des morts. Et la merveille paradoxale de cette profondeur est d'être alliée à la frugalité des êtres et à l'extrême dénuement des lieux.
    L'homme que la dérive du voyage a ramené à l'humilité se sent chez lui dans ces cantons dépouillés. Partout Nicolas Bouvier a élu les paysages déshérités, « les chemins qui ne vont nulle part, les paysages faits avec des chutes de paysages mieux foutus ». Il lui suffit, comme à Hokkaido, l'île du nord du Japon, de trois chevaux noirs sur le vert strident d'un pré plat, du brouillard, d'une mer grise sous le cri malveillant des corbeaux ; ou, au sud d'Ispahan, des berges d'une rivière tarie. Quand il ira vers l'ouest, ce sont encore les contrées où l'homme fait figure d'accident qu'il élira : tourbières désolées d'Irlande sous la balafre du vent, collines gorgées d'eau sous le ciel fou d"Ecosse. « Les lieux d’où un homme est quasiment absent nous piègent comme des miroirs aux alouettes. » Toute cette austérité a sa récompense : « Comme une eau, le monde vous traverse et vous prête ses couleurs. » Elle délivre le voyageur des souvenirs et des projets qui engourdissent ses sens et parasitent ordinairement sa vision. Elle libère l’attention, que Nicolas Bouvier, comme Alain jadis, tenait pour la plus haute des vertus intellectuelles. Le voici prêt, au long de la route, pour la collecte des images les plus fraîches :  « Les pousses gonflées du tabac, l’oreille soyeuse des ânes, la carapace des jeunes tortues » ; les plus cocasses : dans la rue de Prilep, la boutique du marchand de cercueils jouxte celle du marchand de fusils, son frère, dont le commerce soutient le sien ; les plus efficaces : devant la porte d’un troquet afghan dont les samovars fument, un tronc d’arbre couché contraint la voiture à s’arrêter net, péremptoire argument publicitaire ; les plus insolites : au cimetière de Belgrade, croix de perles violettes et lampions font signe vers un au-delà, sur des tombes que l’étoile rouge frappe d’un emblème lourdement terrestre.

    Et il y a encore la merveilleuse diversité des visages. Sur les routes de l’Est, Nicolas Bouvier était devenu photographe. Il fallait vivre, il est plus facile de faire argent d’une photo que d’un texte, et comme les gens qui l’entouraient n’avaient que leur tête à offrir et étaient disposés à payer le travail en nature, il s’était fait portraitiste. Il avait appris les ficelles du métier : s’effacer, se faire le simple quidam qui passe par là, se taire, attendre l’instant où les émotions et les rêves réprimés affleurent aux visages, bondir alors sur l’instant décisif. Ce savoir-faire s’est communiqué à ses portraits écrits. Voici son copain Thierry Vernet, retrouvé à Belgrade derrière le rideau crocheté d’un café :  « Un jeune requin folâtre et harassé avec ses ailerons sur les oreilles et ses petits yeux bleus. » Voici l’important directeur de l’Institut franco-iranien et la rosette qui sur son veston noir « brillait comme un petit œil irrité ». Et voici encore un visage pompeux, « comme une porte à fronton derrière lequel on devine le filet de vie intérieure d’une courette ».

    Voir n’est encore rien en effet si on ne sait deviner. Derrière la profusion et le tumulte des signes, la présence d’un autre monde est constamment sensible dans la prose précise de Nicolas Bouvier. Il avait, il est vrai, choisi des pays où rôdent les forces irrationnelles : l’Asie des exorcistes, jeteurs de sorts, diseurs de bonne aventure qui détalent, pris de panique, à la seule vue d’une main aux lignes inquiétantes ; l’Irlande du « Side », ce monde souterrain, peuplé de visiteurs de l’ombre aux intentions suspectes. Mais l’extraordinaire peut loger aussi bien dans un paysage d’apparence banale : il suffit d’un roc que la foudre a fendu, d’une souche de cornouiller. Certains paysages ont une charge sacrale, une gravité particulière, une vertu maléfique ou thérapique ; ils recèlent une menace, ou une promesse. Et Nicolas Bouvier, pour les déchiffrer, fait confiance à la pulsion vitale qu’a aiguisée en lui le voyage : il y a des lieux à l’air malfaisant, où on file un mauvais coton, d’où il est urgent de déguerpir. Il y a, en revanche, des lieux qui vous font entrer en lévitation et paient d’un coup le voyage, « où le mot de bonheur paraît bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive ».

    Il n’était pas parti sans espoir de retour. Dès son premier voyage d’adolescent, son père lui avait imposé la contrainte d’avoir à raconter. Il savait qu’il devrait, après les grands espaces, se colleter avec les mots. Il avait toujours aimé l’habileté artisane, les trucs du métier, les tours de main réussis qu’on souligne d’un « et voilà le travail ! » triomphant. Sur l’édredon bleu de la chambrette irlandaise où le clouait la fièvre, il contemplait affectueusement ses mains tavelées qui avaient tenu mille emplois, « bricolé des carburateurs et des arbres à cames, fait la plonge, tenu l’accordéon dans un bar de Quetta, caressé force matous puceux et quelques dames ». Il en a usé avec les mots comme avec les choses, pratiqué sur eux un long, un épuisant bricolage ; les forgeant comme des clous ; les tisonnant sans relâche pour leur faire rendre un peu de couleur ; les considérant souvent avec suspicion comme tous ces mots en « aque », arnaque, barbaque, « liés par un fil de poisse » ; heureux, parfois, de découvrir un mot « frais comme un œuf sur la paille ». Il a parfois regretté cette application maniaque, souhaité avoir plus de désinvolture. Il a tort : pour son lecteur, le charme de cette écriture, comme de l’homme, tient à l’alliage rare de la précision et du lyrisme, de la profusion et de l’ascétisme, du prosaïque et du merveilleux, de la rigueur et du tremblement, du burlesque et de l’angoisse. Celle-ci n’est jamais absente des écrits de Nicolas Bouvier. Le voyage et la mort ont de temps immémorial partie liée, et il aurait volontiers dit que voyager, plus sûrement que philosopher, c’est apprendre à mourir. Se mettre en route, c’est nécessairement penser à l’ultime dénouement, qui accompagne comme une basse les pas du voyageur. S’il aime tant Hölderlin, Michaux, Lorca, et davantage encore la nudité liturgique des poèmes d’Akhmatova, c’est que tous rendent palpable l’approche de ce qu’il appelle la « dernière douane ». Il ne faudrait pourtant pas croire que la méditation de la mort engendre chez lui le désespoir, car « derrière ce dénouement terrifiant, au-delà de ce point zéro de l’existence et du bout de la route, il doit encore y avoir quelque chose ». En attendant cette révélation dernière, la mort « invite à ouvrir l’œil, dresser l’oreille, froncer le nez comme un lapin, à prendre au plus court, à ne rien perdre de la cambrure des femmes, de l’odeur du chèvrefeuille, du fumet d’un gigot, ou du chant du loriot ». Sans son obscure présence, on ne pourrait goûter l’allégresse d’être au monde, ce miracle élémentaire que célèbre l’œuvre amicale de Nicolas Bouvier. 


    Nicolas Bouvier est né en 1929 près de Genève, où il est mort en 1998. Il a reçu de nombreux prix, dont ceux de la critique (1982) et des belles-lettres (1986), le prix Louis-Guilloux (1991) et le grand prix Ramuz (1995).

    A LIRE
    • « L’Usage du monde », Payot, 364 p., 10,40 euros.
    • « Le Poisson-scorpion », Gallimard, « Folio », 172 p., 5,10 euros.
    • « Chronique japonaise », Payot, 228 p., 9 euros.
    • « Journal d’Aran et d’autres lieux », Payot, 182 p., 7,30 euros.
    • « Dans la vapeur blanche du soleil. Les photographies de Nicolas Bouvier », Zoé, 212 p., 37 euros.
    • « Œuvres », préface de Christine Jordis, dessins de Thierry Vernet, Gallimard, « Quarto », 1 428 p., 30 euros.

     

     

     

    Mona Ozouf

     

    Le Nouvel Observateur - 2228 - 19/07/2007

     

     

     

    http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2228/a350322.html

     

     

     

  • Catégories : Mes textes en prose

    Baudelaire et les femmes 5. Le visage de madame Sabatier

    dc733a536130dc33230a83337b38258d.jpg Dans mon mémoire de maîtrise,  

     « Le paysage dans les œuvres poétiques de Baudelaire et Nerval »  

     (en vente sur Lulu : http://stores.lulu.com/store.php?fAcctID=617288)  

     Dans la 1 ère partie consacrée à la poétique du paysage,  

    La symbolisation du paysage  

    2.2. La sexualisation du paysage dans « Les Fleurs du Mal »      

    2.2.3. Le visage

     

             

    Madame Sabatier est comparée dans A celle qui est trop gaie à un « beau paysage » (v. 2) et « Le rire joue en ton visage / Comme un vent frais dans un ciel clair. »(v. 3-4)  Mais le spleen  (/« mélancolie », étymologiquement : « humeur noire », c’est-à-dire « venin » ( Ed. du « Club du Livre », Yves Florenne, t. I, p. 1031 », cité par A. M Amiot, « Baudelaire et l’illuminisme, notes, p. 252 » est présent :

     

      Et, vertigineuse douceur !                                                                                                        

     

    A travers ces lèvres nouvelles,                                                                                            

     

    Plus éclatantes et plus belles,                                                                                      

     

    T’infuser mon venin, ma sœur ! (v. 33-36)    

    Cette allégorie – comme beaucoup d’autres des FM- a été mal comprise : « Les juges ont cru découvrir un sens à la fois sanguinaire et obscène dans les deux dernières stances. La gravité du recueil excluait de pareilles plaisanteries. Mais venin signifiant spleen ou  mélancolie est une idée trop simple pour des criminalistes. Que leur interprétation syphilitique leur reste sur la conscience (Note de l’éditeur en bas de page, cité par A. M Amiot, op. cit. , p. 252.) » L’interprétation syphilitique est du fait de Baudelaire !

     

      Source de l’image :        http://baudelaire.litteratura.com/?rub=vie&srub=per&id=11
  • Catégories : Des femmes comme je les aime, La littérature

    Littérature:Le seul regret de Régine Deforges

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    Scarlett Coten pour Le Figaro

    MOHAMMED AÏSSAOUI. Publié le 19 juillet 2007Actualisé le 19 juillet 2007 : 08h22

    Chaque jour, une personnalité du monde de la politique, des arts, du sport et de l'économie se confie. Aujourd'hui, la romancière Régine Deforges.




    UNE SECONDE à peine. Régine Deforges n'a pas eu à réfléchir bien longtemps quand on lui a demandé quel était son seul regret. Dès la question posée, elle lance : « Ce petit copain que j'ai laissé sur le bord de la route. » Puis, elle enchaîne, comme si elle avait trop retenu ses mots, l'émotion étant perceptible dans sa voix : « J'avais six ans. Nous étions en vacances à Peyrac (dans le Lot). J'avais proposé à ce garçon de faire une excursion avec nous au gouffre du Padirac. Il est venu. Mais il n'a pas pu monter avec nous dans la voiture qui nous emmenait - il y avait trop de monde dans le véhicule. J'aurais voulu qu'il monte avec nous, mais ce n'était pas possible. » C'était en 1942 ou 1943. L'auteur de La Bicyclette bleue ajoute : « Je ne l'ai plus jamais revu. Je n'aurais sans doute pas eu de regret s'il n'avait pas été juif et appartenu à une famille de réfugiés. »


    L'étonnant est que, plus de soixante-quatre ans après, elle se souvienne avec autant de précision de cette promesse non tenue. Cela arrive à tout le monde ; et les enfants ont tendance à vite oublier. On a beau lui rétorquer qu'elle n'y était pour rien, elle insiste : « C'est plus qu'un regret, c'est un remords, un sentiment d'abandon, de trahison. » De plus, ce petit garçon n'était pas abandonné, il vivait, réfugié, avec sa grand-mère à Peyrac (qui, elle, n'était pas juive). Et une fille de six ans pouvait-elle s'imaginer ce qui se passait en France et en Europe et sentir à ce point le poids de la culpabilité ? « Oui, même à cet âge-là, même à cette période-là, on avait conscience de ce qui se tramait. D'autant que, lorsque mes parents recevaient des amis juifs chez eux, ils nous disaient « ne dites pas que tel ou tel est venu chez nous ». » On sentait qu'il se passait « quelque chose ».


    Si elle ne souvient pas bien de l'année (1942 ou 1943), Régine Deforges raconte aujourd'hui la scène dans les moindres détails : « C'était l'été. Il faisait très beau. Il s'appelait Clovis, il était blond, en habits de dimanche, très bien coiffé, la raie soigneusement mise. Il devait avoir deux ou trois ans de plus que moi. » Elle se rappelle parfaitement avoir insisté pour que ses parents emmènent le garçon avec elle, lui aussi voulant rejoindre la voiture - un moyen de transport rare à l'époque. Sa mère avait même dû descendre pour expliquer au petit que ce n'était pas possible. « Maman s'est alors approchée de lui et lui a dit qu'elle ne pouvait pas l'emmener. Trop de monde dans la voiture : il y avait des adultes, ma soeur et moi. » L'automobile est partie sans le petit garçon : « Je n'ai pas cessé de me retourner, je voyais sa silhouette disparaître petit à petit. Cet épisode m'a bouleversée », dit-elle.


    Ces souvenirs lui restent fixés à jamais, comme une photo. En fait, ce qui a blessé l'auteur de Noir tango, c'est davantage ce décalage entre un moment de bien-être promis à ce garçon qu'elle ne connaissait pas et le fait de devoir le laisser tout seul avec sa tristesse. « Depuis, je me méfie de mes enthousiasmes », explique cette mère de trois enfants. Du coup quand elle propose quelque chose de sympathique à des amis, il lui reste toujours un fond d'inquiétude. L'angoisse du bonheur.


    Il y a une quinzaine d'années, elle a parlé de Clovis lors d'une émission télévisée dans l'espoir de le retrouver. Quand elle a commencé à l'évoquer, l'auteur du Diable en rit encore n'avait pu retenir ses larmes... Cette collectionneuse de romans noirs est également retournée à plusieurs reprises à Peyrac, à la recherche du moindre indice qui aurait pu la mettre sur la trace de Clovis - elle ne connaissait de lui que ce prénom. Au village, personne ne se souvient de ce petit garçon. La maison de sa grand-mère est à l'abandon.


    Elle en a fait du chemin, depuis 1942 ou 1943, la petite Régine. Libraire, éditrice remarquée, romancière populaire, auteur d'une des plus grandes sagas de l'édition française, membre d'un jury littéraire prestigieux (dont elle a démissionné avec fracas), présidente de la Société des gens de lettres, chargée de mission auprès du ministre de la Culture... Tous ces titres ne lui font pourtant pas oublier l'épisode de ce petit garçon privé d'excursion au gouffre de Padirac.


    Aujourd'hui, Clovis devrait avoir plus de soixante-dix ans. Et s'il se reconnaissait dans cette histoire, et lui faisait signe ? « Oh ! oui. Ce serait un merveilleux cadeau. Je pourrais lui demander pardon. »


    Source:http://www.lefigaro.fr/reportage/20070719.FIG000000146_mon_seul_regret.html

  • Catégories : La littérature, La presse

    Lire de juillet, dossier "correspondance des écrivains" 1

    Ce que révèle la correspondance des écrivains

    par Jean Montenot
    Lire, juillet 2007

     Genre littéraire aux contours mal définis, l'échange épistolaire nous renseigne sur l'écrivain, ses petits travers et ses grands soucis. Mais il permet aussi de donner un éclairage à une oeuvre et d'entrer dans l'intime d'une pensée et d'une création.

    Faut-il lire la correspondance de ses écrivains de prédilection? A quoi bon s'attacher à des textes qui, pour la plupart d'entre eux, ne sont pas destinés à être lus comme des textes littéraires? Est-il utile, pour apprécier La comédie humaine, de pénétrer dans l'intimité de l'homme Balzac, de le voir quotidiennement obsédé par les questions d'argent? Pourtant auteur de l'une des plus intéressantes correspondances d'écrivains, Flaubert en doute. Tandis qu'il achève la lecture de la correspondance de Balzac, qui venait alors de paraître (1876), il ne cache pas sa déception à sa nièce Caroline: «Comme il s'inquiète peu de l'Art! [...] que d'étroitesses! légitimiste, catholique [...] rêvant de la députation [...]. Avec tout cela ignorant comme un pot et provincial jusque dans les moelles: le luxe l'épate.» La correspondance des écrivains n'est-elle donc que de la «paralittérature», riche, au mieux, de copeaux d'oe; uvres qui, seules, méritent de retenir l'attention? De «l'hypertexte privé», comme l'enseignent, dans leur jargon savant, nos universitaires? Et peut-on mettre sur un même plan les correspondances qui relèvent du «gribouillage imbécile» et de «l'inondation du bavardage humain» (Barbey d'Aurevilly), et celles qui, telles certaines lettres de Flaubert, fourmillent d'indications précieuses sur les sentiments profonds de l'homme ou sur les intentions de l'écrivain au moment de la gestation de ses oe; uvres?

    Le paradoxe de l'épistolier
    «Le meilleur de nous n'est pas destiné au papier à lettres», affirmait sans ambages Mallarmé qui admettait «crayonner» ses lettres «le plus salement possible pour en dégoûter [ses] amis». Pour celui qui professe que «le monde est fait pour aboutir à un beau livre1», on n'est écrivain que lorsqu'on fait oe; uvre littéraire. Le sacerdoce de l'homme de lettres exige de ne pas mêler l'eau pure de la littérature à l'eau trouble des missives qui charrient pêle-mêle les alluvions de l' «universel reportage» et les confidences privées. Mais aux yeux du plus grand nombre, un écrivain ne cesse pas forcément de l'être lorsque, au lieu d'écrire pour la postérité, il s'adresse à ses contemporains. Il y a cependant une différence notable de situation entre l'écrivain et l'auteur de lettres. Amis, rivaux, parents, amants, créanciers, éditeurs, critiques, hommes politiques, etc., les destinataires d'une correspondance ont ceci de particulier qu'ils peuvent exercer une influence sur la vie de l'écrivain, ce qui n'est pas sans effet sur la manière dont il leur exprime (ou leur dissimule) sa pensée. C'est cette situation paradoxale de l'écrivain épistolier qui confère à la lettre son statut d'objet singulier dans le monde des Lettres. Il y a certes des lettres qui tiennent du monologue ou qui s'apparentent au journal intime, faisant parfois office de journal de bord de l'oe; uvre littéraire. Ces lettres peuvent être lues en faisant abstraction du contexte de leur rédaction et sans le secours de présentation critique, le destinataire y est d'ailleurs réduit au rang de simple faire-valoir. Mais, dans l'ensemble très varié de la correspondance des écrivains, ces lettres forment plutôt l'exception que la règle.

    Le genre épistolaire est à vrai dire un genre protéiforme, et la lettre, un objet difficilement identifiable du point de vue littéraire. Longues missives ou courts billets, les lettres sont privées ou publiques, confidentielles ou ouvertes, censées exprimer l'intime ou destinées à exercer une action sur le monde, fagotées à sauts et gambades ou rédigées dans les règles de l'art. «Chose si multiple, et variant presque à l'infini2», lit-on chez Erasme, qui fut un grand épistolier, qu'on n'a pas fini d'en recenser les formes. La correspondance dépend en plus des aléas de sa transmission, du choix des éditeurs et, parfois, des nécessités matérielles. Ces parerga, ces «hors oe; uvre», que sont les lettres d'écrivains, se présentent ainsi souvent en extraits, dans des morceaux choisis, sans les réponses des destinataires, à sens unique pour ainsi dire. Il est vrai que personne, à part les éditeurs de ces correspondances, quelques spécialistes, érudits ou monomaniaques, ne se lancerait dans la lecture suivie de la volumineuse correspondance de Voltaire ou de Proust. Il faut l'admettre: les correspondances d'écrivains ne sont pas des oe; uvres aux contours bien délimités. Elles sont même rarement complètes. Il n'est pas rare qu'en cours d'édition, ayant retrouvé un document ou après avoir obtenu des ayants droit de l'écrivain qu'ils acceptent de publier des lettres jusqu'alors soustraites à la connaissance du public, les éditeurs de «correspondances» les incluent en cours de route dans des volumes additionnels ou des suppléments. La correspondance acquiert ainsi un statut de work in progress: avec le temps, au gré des éditions, les correspondances d'écrivains se décantent et tendent ainsi à devenir d'authentiques oe; uvres littéraires.

    «J'ai de quoi faire durer les noms que je mène avec moi!»
    Il s'en faut que la lettre soit une pratique récente. Il y a toujours eu des correspondances à portée, sinon à valeur, littéraire. Des lettres (probablement apocryphes) évoquaient les ennuis de Platon lors de ses séjours auprès des tyrans de Syracuse; des lettres résument l'essentiel de la doctrine d'Epicure. C'est aussi dans une correspondance que Sénèque prodigue à Lucilius ses conseils sur la manière de mener une vie conforme à la vertu. Une partie de la doctrine du Nouveau Testament est transmise sous formes d'épîtres, dont Paul, Pierre, Jacques ou Jude sont les auteurs supposés. Lettres encore (peut-être inauthentiques, certains spécialistes y voient la plume de Jean de Meung), le récit des amours malheureuses d'Héloïse et d'Abélard. Elles forment même, selon Denis de Rougemont, le «premier grand roman d'amour passion» de notre littérature. La pratique épistolaire est aussi ancienne que l'activité littéraire. Il arrive parfois que l'épistolier prenne conscience, chemin faisant, de la valeur littéraire de ses lettres. En décidant de publier leur correspondance, et d'écrire pour la postérité, Sénèque fait miroiter à Lucilius une gloire posthume: «Ce qu'Epicure a pu promettre à son ami, je le promets à toi, Lucilius. J'aurais crédit chez la postérité; j'ai de quoi faire durer les noms que je mène avec moi!» (lettre 21). Fatuité? Orgueil? En tout cas, Lucilius, qui ne semble pas avoir été un personnage de second ordre, se prend au jeu au point de reprocher à Sénèque son style relâché (lettre 75). Sénèque lui répond qu'il tient à ce que ses lettres soient écrites «sans rien de recherché, ni d'artificiel», pour donner le change, comme si le tiers lecteur devait surprendre les protagonistes de la correspondance en train de converser «en tête-à-tête, paresseusement assis ou à la promenade» (ibid.). On pourra légitimement soupçonner toute correspondance destinée à la publication d'être, comme celle de Sénèque, un peu factice, et la spontanéité de l'épistolier, tributaire des astuces de l'écrivain. Nombre de «lettres» ont ainsi été écrites, par-delà leur destinataire déclaré, pour d'autres lecteurs. Paradoxalement, le mode de l'adresse personnelle permet de toucher le plus grand nombre. Que la lettre ait été, avec le sermon, le genre littéraire dominant au Moyen Age n'est donc qu'un paradoxe apparent: ces deux formes d'expression sont en fait complémentaires et répondent à des codes d'écriture assez contraignants.

    Une affaire de femmes?
    Un autre poncif veut que la correspondance soit un genre d'écriture féminin. On sait qu'à l'âge classique on répugne à s'étendre sur le «moi haïssable». L'esprit, quand il s'attarde sur soi, est toujours un peu la dupe des sentiments, et la pudeur et la bienséance s'opposent à l'étalage des intermittences du coe; ur. Les correspondances privées sont ainsi perçues comme un genre d'écrit spécifiquement féminin, genre secondaire, où l'esprit de spontanéité et la délicatesse naturelle des femmes trouvent un espace propice à leur épanouissement. Le jugement de La Bruyère fait alors autorité: «Ce sexe va plus loin que le nôtre dans ce genre d'écrire. Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont l'effet que d'un long travail et d'une pénible recherche» (Les caractères). Un préjugé tenace: «Genre épistolaire: genre exclusivement réservé aux femmes», écrit encore Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues. Les lettres de Mme de Sévigné forment, il est vrai, l'archétype de l'écriture privée devenue littérature. Mais si Mme de Sévigné accède à la gloire littéraire en tant qu'épistolière - ses lettres étaient lues en petit comité d'ami(e) s - la correspondance demeure en fait une pratique essentiellement masculine. Voiture, Guez de Balzac et Chapelain doivent leur (relative) consécration littéraire à l'édition de leur correspondance. Et qui veut connaître le fond de la pensée cartésienne en matière de morale se doit de lire les lettres de Descartes à la princesse Elisabeth. Le même Descartes avait d'ailleurs bien conscience de l'importance de sa correspondance «privée». Pour la diffusion de sa pensée, son ami, le père Marin Mersenne, faisait ainsi à la fois figure de correspondant privilégié, de «boîte aux lettres» et d'attaché de presse avant la lettre. Les provinciales, dans un tout autre registre il est vrai, participent aussi du genre épistolaire: on ne saurait donc cantonner la correspondance à l'expression des sentiments délicats, encore moins en faire un genre proprement féminin.

    Le roman épistolaire et l'âge d'or de la correspondance
    Plus soutenable, l'idée que la correspondance offre à l'écrivain un espace d'expression de ses sentiments plus authentique, plus libre. Et sans doute n'est-ce pas un hasard si le siècle des Lumières, qui voit réhabiliter l'expression littéraire des sentiments privés - le «charmant projet» qu'a eu Montaigne de se peindre, écrit Voltaire en réponse à Pascal - est aussi celui de l'âge d'or de la correspondance littéraire. Les lettres des uns et des autres sont lues dans les salons. L'un des signes notables du phénomène est le développement d'une mode, ou plutôt d'un procédé nouveau: le roman épistolaire. A l'origine de cette mode: le succès des Lettres portugaises, attribuées à une religieuse portugaise, parues anonymement en 1669 et dont l'auteur, Guilleragues, n'était ni religieuse ni portugaise. La fiction épistolaire connaît alors sa moisson de chefs-d'oe; uvre, avec les Lettres persanes (1721) de Montesquieu, les Lettres philosophiques (1734) de Voltaire, plus tard La nouvelle Héloïse (1761) de J.-J. Rousseau ou Les liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos. Cette littérature épistolaire ne relève bien sûr pas stricto sensu de la correspondance d'écrivains, mais, par une sorte d'effet de miroir, elle atteste l'estime dans laquelle est désormais tenue la forme de la lettre. La mode du roman par lettres a passé, mais la lettre, comme mode privilégié d'expression des sentiments intimes, a fait son entrée en littérature et, à partir de l'époque romantique, elle devient complémentaire du journal intime. Les écrivains prennent à témoin certains de leurs correspondants des tâtonnements et des impasses de leur création. Lorsque l'échange se fait entre deux écrivains dont les options esthétiques sont divergentes, cela donne au lecteur le sentiment qu'ils s'écrivent sans jamais correspondre, comme c'est le cas entre Gide et Valéry.

    Une écriture pour autrui équivoque
    La lettre permet à l'écrivain de s'adresser à autrui hors de sa présence, à l'abri de ses réactions immédiates. Cette distance est même, assez fréquemment, condition de la proximité. Quand on lit la correspondance de Flaubert, on sent qu'entre Louise Colet et lui il n'y a de proximité possible qu'à raison de la distance qui sépare Croisset de Paris. Mais la proximité ne veut pas dire toujours sincérité. On peut ainsi présumer que les plaintes de Flaubert accouchant de Madame Bovary avaient aussi pour but de tenir éloignée Louise Colet. Le jeu équivoque dont elle était le témoin privilégié prend fin avec une lettre de rupture qui est un modèle de sécheresse et de muflerie masculines. Les amours impossibles de Kafka se déploient aussi au rythme de correspondances où l'élue du moment n'est vraiment présente qu'à partir du moment où l'écrivain est seul et qu'il peut enfin jouir de la présence imaginée de l'autre: «Voilà, chérie, les portes sont fermées, c'est le silence et je suis de nouveau auprès de toi» (15-16 décembre 1912 à Felice Bauer). La correspondance est donc une «écriture pour autrui» paradoxale, nous informant de la psychologie des écrivains autant sinon plus que l'écriture autobiographique, consignée dans les Mémoires ou les journaux intimes.

    Petits et grands travers des écrivains
    Faut-il d'ailleurs croire les écrivains lorsqu'ils écrivent à leurs contemporains? Ils ne sont pas nécessairement plus sincères dans leurs correspondances que dans leurs oe; uvres ou dans leurs écrits autobiographiques. La lecture attentive des correspondances va parfois à l'encontre des images d'Epinal qui font de nos écrivains des princes désintéressés de la littérature. Il y a des correspondances qui trahissent leurs auteurs, qui nous les montrent ordinaires, humainement médiocres, mesquins, menteurs, calomniateurs voire délateurs. On songe aux échanges de lettres que ces beaux messieurs les philosophes (Hume, Grimm, Voltaire, d'Holbach, etc.) s'écrivent pour discréditer le malheureux Rousseau en fuite3. Il est vrai que les niaiseries «christicoles» de l'auteur de l'Emile allaient à l'encontre de l'entreprise politique de déchristianisation de l'Encyclopédie, et que ses vaticinations sur la justice sociale avaient le tort de mettre en cause l'idéal voltairien d'un ordre social où le «grand nombre travaille pour le petit qui le gouverne». Lorsqu'on lit la correspondance de Proust, on est surpris de voir l'écrivain, qui n'a pas son pareil pour peindre la vanité et le snobisme du monde, pris en flagrant délit de vanité ou de snobisme. On a du mal à retrouver les professions de foi du narrateur de la Recherche sur la vocation littéraire dans les circonlocutions auxquelles Proust se livre dans sa correspondance pour se faire adouber par ce que le regretté Pierre Bourdieu aurait appelé le «champ littéraire». Tacticien, Proust fait jouer la concurrence entre Fasquelle et Gallimard. Malin, il sait qu'un parfum de scandale peut constituer un argument utile pour «lancer» son oe; uvre. Sous couvert d'avertir ses éditeurs éventuels, il les «ferre» en leur révélant que le baron de Charlus «n'est pas du tout l'amant de Madame Swann, mais un pédéraste» (à Gaston Gallimard, 5 novembre 1912) - et qui pis est, un pédéraste d'un style «assez neuf» puisqu'il s'agit d'un «pédéraste viril». Ce genre de révélation servait en fait l'oe; uvre pour laquelle Proust se démenait, «comme un père pour son enfant» (à Mme Straus, 10 novembre 1912). Si la correspondance des écrivains est «à littérarité variable», moins guindée que leur production proprement littéraire, elle témoigne souvent davantage de la vraie vie, et, même lorsqu'elle est mensongère, elle mérite, à ce titre au moins, qu'on y musarde.

    1) Entretien avec Jules Huret paru dans L'Echo de Paris en 1891. 2) Erasme, De conscribendis epistolis (Sur l'art de composer des lettres), 1522. 3) Henri Guillemin, Cette affaire infernale, Utovie, 2003.

    Bibliographie
    Marcel Proust, Lettres, Plon, 2004.

    Gustave Flaubert, Correspondance, Folio, 1998.

    Abélard et Héloïse, Lettres, Le Livre de poche, 2007

    Descartes, Correspondance avec Elisabeth, Garnier-Flammarion, 1989.

    Mme de Sévigné, Lettres, Garnier-Flammarion, 2003.

    Lettres portugaises, Le Livre de poche, 2003.

    Vincent Kaufmann, L'équivoque épistolaire, Minuit, 1990.


    Un plaisir trop bref. Lettres
    Truman Capote
    10/18

    Source:http://www.lire.fr/enquete.asp?idc=51360&idR=200&idG=8

  • Catégories : Des expositions, La peinture, Paris(75,Ile de France):vécu,études

    Vollard au Musée d'Orsay

    L'Express en ligne du 13/06/2007

    Le célèbre galleriste parisien fait l'objet d'une formidable exposition au Musée d'Orsay. De Cézanne à Picasso en passant par Gauguin, Degas ou Van Gogh, découvrez en image les plus belles pièces de la collection de Vollard.

    Source:http://www.lexpress.fr/info/quotidien/reportage-photo/default.asp?id=461

  • Catégories : Des lieux, La littérature, Voyage

    Les écrivains-voyageurs (1)Monfreid, L'esclave de Dieu

    Le bout du monde a une capitale. Et la capitale règne sur la fin de tout. L'ultime est son fonds de commerce. On y vend de l'apocalypse au détail, et l'éternité s'y couche tous les soirs. Elle s'y lèverait tous les matins s'il y avait des matins. Mais le matin est un commencement, et ce n'est pas la spécialité du pays. De toute façon, quand cette brûlante ébauche est tombée de sa poche, Dieu n'avait encore rien décidé. Des lacs sans eau, ça vous a un petit côté pas fini. D'étincelantes plaines de chlorure qui ont l'air d'attendre le Déluge, à moins qu'il vienne juste de se retirer. Des chutes de soleil si brutales que les crépuscules passent à la trappe. Pour rosir le tableau il faut dépêcher de dispendieuses escadrilles de flamants, des nuages de flamants pilleurs de sel qui vous empourprent le ciel comme une joue de Botticelli. Tout ça sent la démesure inutile, l'abstraction pure, le rêve, l'imagination. Le fantasme. Dieu aurait-il un inconscient?

    Les écrivains ont accouru, fouillé sa corbeille. Du plus loin qu'on se souvienne, Djibouti a toujours fasciné les raconteurs. On pourrait même les réunir, toutes époques confondues, dans une sorte d'académie chamelière, les braves qu'a touchés un jour la violente poésie de cet enfer: vagabonds salariés, coloniaux mélancoliques, officiers de marine en rupture de dunette, aventuriers en mal de romans, coureurs de butins. Les uns viennent y chercher la poignante beauté d'un brouillon démiurgique, les autres, l'odeur de crime et de trafic qui paraît sourdre par toutes les failles d'un désert si absolu qu'il semble se fuir lui-même, et se fabriquer un alibi du néant auquel il aspire, depuis les temps canoniques, à retourner. D'ailleurs, il fut longtemps impossible de postuler à l'immortalité et d'espérer conquérir un fauteuil à l'Académie française si l'on n'avait pas fait au moins une escale dans le port de la mer Rouge. Les plus chanceux parvenaient même à faire coïncider leur séjour avec le traditionnel attentat anti-Français. On en revenait couvert de gloire (et de piqûres d'insectes, si l'on avait négligé de tirer le cordon de la moustiquaire, dans le modèle dit «en cloche»).

    Hélas, là-bas comme partout, les traditions se perdent. Depuis que Djibouti a cessé d'être français, la tradition de l'attentat anti-Français a pour ainsi dire perdu sa raison d'être. Mais du temps que la république de Djibouti s'appelait encore le Territoire français des Afars et des Issas, on venait y traquer l'inspiration. La plupart n'y trouvaient que la transpiration, mais savaient parfois la passer au lecteur. C'était l'époque où Romain Gary respirait la mort en ce désert et le trouvait plus fatal encore que le Tibesti, qu'il avait pourtant parcouru à la recherche de ses camarades de combat morts de soif auprès de leur avion. «Les affres du monde, confiait-il à un proche, paraissent plus lointaines ici que les Mille et Une Nuits...»

    La place du 23-Juin s'appelait encore place Ménélik, et plutôt qu'à la terrasse du Café de Paris, c'est à celle du légendaire Palmier en Zinc qu'on allait siroter la fraîcheur apéritive, sinon le frissonnement louche qu'avaient éprouvé sous ces mêmes arcades les grands faiseurs d'intrigues, Segalen et Joseph Kessel, Paul Nizan, Michel Leiris et Albert Londres, Pierre Loti et tant d'autres, les frères Tharaud, tenez, ceux-là mêmes qui avaient inspiré à Antoine Blondin un mot fameux quand le cadet eut rejoint l'aîné sous la Coupole: «Encore un Tharaud de casé», avait ricané l'Antoine. Il faut le savoir: jamais on n'aurait pu caser tant de Tharaud sans le concours du «81», comme on nommait entre connaisseurs le territoire. Djibouti, c'était la «Star Academy» des rebelles, l'agrégation des durs à cuire.

    Faut-il y voir un phénomène de hantise dont des doctorants méticuleux tentent encore de recueillir les indices sous les semelles de vent du sieur Arthur Rimbaud, négociant pour le compte de la maison Bardey et Cie en 1887? On a perdu la trace de la caravane qu'il est chargé d'accompagner (quelques milliers de fusils à capsules pour le roi Ménélik), arraisonnée par les Danakils, de farouches guerriers qui émasculent leurs ennemis mais que la poésie française, semble-t-il, amuse définitivement. La fable était lancée. Depuis lors, la règle est simple: nul n'entre ici que par la littérature. Il n'est jusqu'à un gouverneur des âges gaulliens, haut-commissaire du «Caillou», Dominique Ponchardier, consigné dans son palais entre deux alertes, qui sous un pseudonyme censé préserver son honorabilité n'écrivit pour se désennuyer des polars que Lino Ventura a popularisés à l'écran. «Le gorille vous salue bien», «Le gorille a mordu l'archevêque», «Le gorille se mange froid», c'était de la prose d'ambassadeur. Nos lettres doivent beaucoup à ce maître oublié: c'est à lui qu'on doit l'invention du mot «barbouze». Un tel concept, en pareil endroit, ne saurait rien devoir au hasard.

    On arrive donc ici avec un métier: diplomate, agent secret, pêcheur de perles, grenadier voltigeur de l'infanterie de marine, trafiquant d'armes ou de haschisch. Et on repart écrivain, c'est l'usage. Trente ans après Rimbaud, et premier d'une interminable lignée, c'est la métamorphose qu'a vécue le long de la côte Somalie l'incontesté caïd de la corporation, celui qui a fait sur les tribus nomades et dans la mémoire locale la plus forte impression: Henry de Monfreid, l'auteur des «Secrets de la mer Rouge», issu d'une famille d'originaux et échoué là par désoeuvrement, parce que les grandes crues de la Seine, en 1910, avaient inondé sa ferme, près de Melun, et noyé ses vaches laitières. Dégoûté, il voulait fuir «le troupeau», et ce n'était pas son cheptel perdu qu'il désignait ainsi.

    Débarqué dans le golfe d'Aden par un bateau des Messageries maritimes, une vague recommandation en poche auprès d'un affairiste d'Abyssinie, il s'était bientôt lassé d'écrire à son père de trop longues lettres où il s'épuisait à lui expliquer les mystères dont il était à la fois le témoin et l'acteur. Henri Michaux, de passage lui aussi bien des années plus tard dans cet étrange royaume abandonné à sa solitude, mais décidément très fréquenté, en avait rapporté cette simple phrase: «Il n'y a rien à voir, et tout est à interpréter...» Interpréter, c'est du travail de sphinx, d'oracle, de pythie, de sorcier de l'ombre. De la lettre au «cher papa», Henry de Monfreid est passé au récit avec un naturel déconcertant. L'ombre? Ce qui en tient lieu par ici, c'est l'inquiétante énigme des regards, des vies et des rumeurs que l'on traverse. Monfreid, oeil de caméléon sur cette terre en ruine, sans lois ni horizon, n'a pas son pareil pour interpréter. Un jeune journaliste enquêtant sur les trafics d'esclaves, et qui cherche un guide, demande à le rencontrer en 1930. Monfreid n'a encore rien publié, mais il est déjà une légende. Le journaliste est subjugué, au point de renoncer à recueillir son témoignage: «C'est à vous de raconter votre vie.» Joseph Kessel vient de convaincre Monfreid et de faire de lui un écrivain. L'envoyé spécial de «Paris-Soir» s'en souviendra dans «Fortune carrée», où Monfreid apparaît sous les traits de Mordhom. Dans le genre où il va bientôt s'illustrer et faire fortune, celui du roman d'aventures, très en vogue entre les deux guerres, il se révèle vite indépassable et sans exemple: il est le seul auteur qui soit lui-même son propre héros, sans mythomanie ni paranoïa d'aucune sorte. La contrebande des armes, du haschisch, qu'il va acheter en Inde et revendre en Egypte, c'est son ordinaire. Qu'un indélicat veuille lui piquer son magot, et l'affaire tourne à la flibuste. Alors il construit lui-même des boutres de plus en plus rapides à la mer.
    Evidemment, il sait tout faire, cultiver les huîtres perlières, jouer du piano, peindre (il a appris jeune, son père était le meilleur ami de Gauguin), reprendre tout seul des îles aux Turcs en pleine guerre mondiale (la première), ce qui va beaucoup fâcher le ministre des Colonies, Gaston Doumergue, au motif qu'on ne lui a rien demandé. Monfreid, que les fièvres ont laissé quelque peu «braque», comme il le dit parfois, c'est un sauvage qui adore la politique. Tellement, même, que l'empereur d'Ethiopie, Hailé Sélassié, dont il dénonce les visées sur Djibouti et le Yémen, tentera de l'empoisonner personnellement. Pendant une audience, avec une tasse de café. Le négus avait eu la main trop lourde, Monfreid a vomi le breuvage. Sauvé. C'est un indestructible. Il s'accommode de toutes les situations. En pleine guerre encore (la seconde), assigné à résidence au Kenya par les Anglais, privé de ses commerces coutumiers, il va inonder la bonne société britannique de ses aquarelles et, bientôt, se souvenant de ses débuts dans la laiterie, de ses camemberts. On se les arrache, jusque sur les bonnes tables londoniennes. L'histoire ne dit pas s'ils sont moulés à la louche ou fourrés à la cocaïne.
    «Où ce diable d'homme tivuve-t-il l'indispensable répit pour écouter, pour revenir à lui-même, pour écrire?» s'interroge le poète libanais Salah Stétié. La vérité est que Monfreid n'a besoin ni de répit ni de recul parce qu'il ne triche pas. Il porte son mal de vivre avec une élégance si radicale que Teilhard de Chardin tombera en amitié profonde pour le futur auteur de «Pilleurs d'épaves» et des «Derniers Jours de l'Arabie heureuse». Ils se sont rencontrés en avril 1926 sur l'«Angkor», un navire qui rallie l'Extrême-Orient par Djibouti. Qui aurait pu imaginer pareil casting, le théologien et le contrebandier accoudés au bastingage d'un paquebot revenu de tout (il avait été torpillé en 1918) et refaisant le monde après Dieu? Qui, sinon Dieu lui-même? A peine arrivé à Shanghai, le philosophe câble à Monfreid, que les Somalis, depuis sa conversion à l'islam, n'appellent plus que «Abd el-Haï» («Esclave de Dieu»): «La fin de traversée a été bonne mais -vous m'avez manqué. Je demande à Dieu de vous rendre heureux et de faire que nous nous retrouvions.» Ils se retrouveront, conduiront ensemble un chantier de fouilles en Ethiopie et le père jésuite s'occupera beaucoup d'un fils d'Henry. Entre eux, aucune ambiguïté: ce ne sont pas les relations du confesseur et de l'infidèle. On parle métaphysique et paléontologie, on discute de la structure de la monade, on cite Pascal et l'Evangile, et Monfreid écrit à Teilhard: «Une seule chose importe: aimer puissamment l'Univers, par-delà tout ce qui est individuel dans les individus. Je me fie éperdument à l'Univers.» Il se revendique vagabond, comme les peuples auxquels il se mêle et qui le reconnaissent pour un des leurs. Ces échanges en grande part inédits, Guillaume de Monfreid les révèle aujourd'hui dans un album où son fieffé pirate de grand-père apparaît plus vivant que dans bien des biographies.

    Il serait temps de retoucher le sombre portrait du «négrier» qui achetait des femmes pour une poignée de thalers et qui avouera le meurtre d'un homme qui l'avait trahi. Monfreid ne mangeait pas de ce pain-là. On l'a aussi blâmé parce que, se laissant manipuler par les Italiens contre son ennemi le négus, il a donné le sentiment de se rallier aux fascistes mussoliniens. En réalité, ce Don Quichotte orgueilleux et rude a toujours laissé dire. Il se moquait de l'opinion, du qu'en-dira-t-on, du jugement social. C'est le plus impardonnable des mépris. A-t-on le droit d'être libre à ce point?

    On hésite à remuer ce lyrisme des sables et des fortins, par crainte de réveiller on ne sait quelle rancune dans la profondeur des cafés de Tadjourah où luit toujours au mur, en guise de miroir de courtoisie, la courbe d'un long poignard. Il n'y a pourtant pas que de l'action dans les romans de Monfreid, des guerres tribales, du complot de comptoir, du libre-échange et du narcotrafic, comme on ne disait pas encore, toute cette pacotille qui entretient le charme clandestin de son oeuvre. Il a offert un purgatoire à l'utopie, au moment où elle se faisait massacrer dans les tranchées, et une oasis aux illusions perdues. Paul Morand a remarqué un jour que la mer Rouge avait la forme d'une bouteille qui se viderait dans l'océan Indien par le goulot, le détroit de Bab el-Mandeb, qui signifie justement «la passe des Affligés i>. On vient toujours ici vider quelque mélancolie. Djibouti, Asmara ou Cheik-Saïd, Djeddah ou Aden, où deux coups de canon annonçaient autrefois la Malle des Indes, ont toujours eu les faveurs du passager dépressif. Monfreid, en rupture de chimères (un chagrin d'amour s'était ajouté à ses déboires agricoles), a échoué là avec son lit de camp, son piano, ses gouaches et un dictionnaire arabe, car le spleen orientaliste n'exclut pas de s'organiser. Il en a fait un mythe.

    A chacun de ses retours à Paris, visité comme un monument (de 10 ans l'aîné de la tour Eiffel), le rituel est immuable. Une pipe d'opium à 10 heures, une autre à midi, une troisième à 15 heures. S'il y a une interview, double consommation. L'appartement de la rue Erlanger ne désemplit pas. Cocteau ou Gainsbourg, Montherlant ou Zitrone, France Gall ou Marcel Pagnol, l'auteur de «la Croisière du haschisch» ne fait pas de différence dans la clientèle, qu'elle vienne respirer là les poussières du vieil empire ou acheter à prix d'ami une dose de paradis. Kessel vient moins souvent qu'autrefois. «Monfreid a le plus mauvais opium de Paris», prétend-il. Le général de Gaulle lui écrit son admiration, on le presse de se présenter à l'Académie. Las, il ne prend pas l'habit, mais une belle veste. Trahi par de pâles épigones de la bourlingue, que son élection, par contraste, aurait sans doute ravalés à la classe touriste. Les ingrats, «Il n'y avait que des vieux», se console-t-il: il va lui-même alors sur les 90 ans. L'intenable gamin préfère sauter sur la moto de Guillaume, en charentaises parfois, pour aller donner une conférence à un auditoire ensorcelé ou signer des livres à tour de bras à la Fête de l'Humanité.

    Sa vraie gloire repose plutôt dans «Coke en stock», l'album de Tintin qu'il a inspiré à Hergé, et dans «les Cigares du Pharaon», où il apparaît tel qu'en lui-même, avec sa moustache de forban distingué, sur son boutre et dans son emploi, marchand d'armes. A la page 13, case 2, Henry de Monfreid lâche sa cargaison de fusils et sauve Tintin de la noyade. Un tel prodige lui mérite une place à part dans le gotha: il est celui qui a traversé le miroir. Une légende prétend qu'Hergé et lui sont les descendants du roi des Belges Léopold II. Que ne dirait-on pas pour admettre l'impossible et retenir encore un peu le mirage? A Djibouti, on a rasé le Palmier en Zinc et accroché à la place l'enseigne d'un Planet Hollywood. Peut-être bien qu'on a rêvé.

    «Mon pauvre Henry, MonfreidlDii soir an matin, y a des jets qui se posent/Au milieu des massifs de fleurs qu'on arrose...»
    , chante Gérard Manset dans un blues indémodable qui survit à l'âge du vinyle. Au Yémen, un centre culturel perpétue la mémoire du prince des baroudeurs. Djibouti, en face, a préféré effacer. Pourtant, on pourrait jurer que rien n'a changé. Nulle part ailleurs le passé évanoui n'a une présence plus envoûtante. Comme si le temps ne passait pas, brassé dans le refrain moite des ventilateurs, absorbé dans l'éternité incendiaire d'un soleil sans pitié. «Demain nous arrivons à Port-Saïd où nous faisons escale», dit Tintin, accoudé au bastingage d'un bateau qui ressemble à l'«Angkor». «Wbuah!», répond Milou. Le ciel est bleu, l'horizon est clair. «Ensuite, Aden.» Oui, demain.

    A lire

    Henry de Monfreid (1879-1974) a publié près de 70 ouvrages, principalement chez Grasset, parmi lesquels «les Secrets de la mer Rouge» (1932), «la Croisière du haschisch» (1937), «Pilleurs d'épaves» (1955). Viennent de paraître un album illustré de croquis de voyage par son petit-fils, Guillaume de Monfreid («Sur les pas d'Henry de Monfreid». Presses de la Renaissance, 108 p., 28 euros) et un volume de lettres d'Henry de Monfreid («Aventures extraordinaires», Arthaud, 890 p., 32 euros).

     



    Jean-Louis Ezine

    Le Nouvel Observateur - 2227 - 12/07/2007

     

    Source:http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2227/a349757.html

  • Catégories : L'actualité

    Explosion de l'usine AZF : le procès aura lieu en 2008

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    NOUVELOBS.COM | 12.07.2007 | 09:58

     

    Le site de l'Usine AZF après l'explosion survenue le 21 septembre 2001 (Sipa)

    L'ex-directeur de l'usine et de la société Grande Paroisse, filiale de Total, est renvoyé en correctionnelle pour "homicides et blessures involontaires" suite à l'explosion qui avait fait 30 morts à Toulouse, le 21 septembre 2001.

    Le procès de l'affaire de l'explosion AZF à Toulouse, qui a fait 30 morts le 21 septembre 2001, devrait s'ouvrir en 2008 après le renvoi, mercredi 11 juillet, en correctionnelle pour "homicides et blessures involontaires" de l'ex-directeur de l'usine et de la société Grande Paroisse (groupe Total).
    Les renvois devant le tribunal correctionnel de l'ancien directeur Serge Biechlin et de Grande Paroisse en qualité de personne morale, notifiés dans l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction Thierry Perriquet sont conformes "pour l'essentiel" au réquisitoire définitif du parquet de Toulouse remis début juillet.
    La fin des travaux du palais de justice de Toulouse pourrait influer sur la date de l'audience.
    Début mai, le rejet de dernières demandes de nouvelles investigations sur l'explosion avait donné le signal de la fin de l'instruction et ouvert la voie à ce procès.

    L'association des familles endeuillées fait appel de trois non-lieux


    Serge Biechlin et Grande Paroisse, respectivement mis en examen depuis mai 2006 et juin 2002, devront également répondre de "destructions de biens", a indiqué l'Association des familles endeuillées, qui rassemble de nombreuses familles ayant perdu l'un des leurs dans l'explosion du 21 septembre 2001.
    Douze autres personnes, dont un manutentionnaire soupçonné d'être à l'origine du mélange chimique, poursuivies pour les mêmes raisons, avaient, elles, bénéficié d'un non-lieu durant l'instruction.
    L'association des familles endeuillées a décidé de faire appel de trois non-lieux figurant dans l'ordonnance de renvoi.
    Les deux premiers concernent les infractions "de mise en danger de la vie d'autrui" et "d'entrave à l'enquête pénale". Cette seconde plainte a, selon l'association, démontré que sous couvert d'une enquête interne les membres de la société Grande Paroisse sont venus modifier l'état des lieux et dissimuler des preuves".

    L'association a également relevé appel du 3e non-lieu pour "les infractions au droit au travail", qui avaient été, selon elle, notées par l'Inspection du travail et particulièrement "l'abus de sous-traitance".

    Onde de choc


    De son côté, l'avocat de Grande Paroisse Me Daniel Soulez-Larivière a indiqué qu'il n'avait pas "la possibilité procédurale de faire appel". "La lecture du réquisitoire définitif n'a répondu à aucune question de la défense", a-t-il ajouté.  Par ailleurs, il a renouvelé sa réserve concernant le rapport des experts sur les causes de l'explosion.
    Les experts ont retenu l'hypothèse d'un mélange malencontreux de quelques kilos de DCCNa (un produit chloré) avec 500 kilos de nitrate d'ammonium déversés sur le tas principal de nitrate, 20 minutes avant l'explosion, une thèse accidentelle réfutée par Total. Ils ont en revanche rejeté celles d'une explosion due à un météorite, au gaz ou à un arc électrique.
    L'explosion de l'usine AZote Fertilisant (AZF) avait provoqué une secousse équivalente à un séisme de 3,4 degrés sur l'échelle de Richter. L'onde de choc avait soufflé ou endommagé de nombreux bâtiments à des kilomètres à la ronde, et des milliers de personnes avaient été blessées.

    Source:http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/societe/20070712.OBS6217/explosion_de_lusine_azf__le_proces_aura_lieu_en_2008.html

  • Catégories : La littérature

    Littérature:Le seul regret de Norman Mailer

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    Vingt-six ans après le second meurtre commis en 1981 par Jack Henry Abbott, Norman Mailer se sent coupable et responsable.
    S. Soriano/Le Figaro.

    JEAN-LOUIS TURLIN (à New York). Publié le 16 juillet 2007Actualisé le 16 juillet 2007 : 08h07


    Chaque jour, une personnalité du monde de la politique, des arts, du sport et de l'économie confie. Aujourd'hui, le géant de la littérature américaine Norman Mailer.


    « JE LE REGRETTE, oui, je le regrette prodigieusement. » Vingt-six ans après le second meurtre commis en 1981 par Jack Henry Abbott, Norman Mailer se sent coupable et responsable. Non tant d'avoir joint sa voix au choeur des intellectuels new-yorkais qui plaidaient pour la remise en liberté d'un assassin repenti et publié, mais de n'être pas allé jusqu'au bout de ses responsabilités envers un instable, incapable d'affronter sa liberté provisoirement retrouvée.


    En 1978, Norman Mailer travaille sur son livre Le Chant du bourreau, fondé sur l'exécution d'un assassin célèbre, Gary Gilmore. Pour sa documentation sur la vie dans les couloirs de la mort, il s'adresse à un autre condamné, Jack Abbott, qui se révèle un correspondant de talent. Au point que Mailer publie certaines de ses lettres dans la prestigieuse New York Review of Books avant de les réunir dans un livre : Dans le ventre de la bête. Trois ans plus tard, la notoriété épistolaire du meurtrier ferait contrepoids à son casier judiciaire.


    Après une enfance difficile marquée par des séjours successifs en maison de correction, Abbott avait 18 ans quand il a été condamné en 1962 à cinq ans de prison pour falsification de chèques. Trois ans plus tard, il y poignardait à mort un détenu et en blessait un autre au cours d'une rixe. En 1980, il avait fait naturellement appel à son mentor littéraire pour appuyer sa demande de libération sous surveillance après 18 ans de détention. Mailer s'était porté garant de lui en promettant de l'aider à trouver du travail. Mais Abbott était un récidiviste. Lors d'une première remise en liberté, il avait tenté de dévaliser une banque. La seconde allait avoir de plus graves conséquences : six semaines après sa sortie, le protégé de Mailer donnait un coup de couteau mortel à un garçon de restaurant de 22 ans sur le point de commencer une carrière d'acteur à New York, Richard Adan. Réincarcéré à vie, Abbott publiait en 1987 un second livre : Mon retour. Le 10 février 2002, on le retrouvait pendu avec un drap dans sa cellule.


    Aujourd'hui âgé de 84 ans, Mailer est encore hanté par l'affaire Abbott : « Je me suis senti coupable quand c'est arrivé, parce que j'en savais assez sur le compte de Jack Abbott... J'avais écrit Le Chant du bourreau et Jack m'y avait aidé. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai voulu l'aider à mon tour. Il m'avait envoyé de prison 70 lettres merveilleuses et elles m'avaient permis de mieux comprendre la situation carcérale. Je savais donc que quand il sortirait, il causerait des ennuis. Mais quand il m'avait demandé de faire partie du comité qui devait émettre un avis sur sa remise en liberté, j'avais dit oui, pensant qu'il n'avait aucune chance. J'avais bien tort. Ce que j'ai appris des années plus tard, c'est que la commission des libérations conditionnelles était très contente que nous, les intellectuels new- yorkais, nous nous soyons engagés en faveur de sa sortie, car cela lui enlevait une épine du pied. De toute façon, elle l'aurait laissé sortir un an plus tard. Quand Jack s'est retrouvé libre, je savais que mon devoir était de rester proche de lui. J'étais son oncle Norm. Il venait dîner à la maison, mes enfants étaient là et ils ne se sont jamais sentis plus en sécurité près d'un autre homme. Mais, pendant tout ce temps, je savais qu'il n'était pas équilibré, qu'il enrageait et qu'il gardait toute sa rancoeur ramassée. Je ne voulais pas passer tout mon temps avec lui. Ce n'était pas le type le plus intéressant de la terre et je n'avais pas envie de lui consacrer toutes mes soirées, ce qui aurait pourtant été nécessaire, j'en étais conscient. Alors quand c'est arrivé, je ne pouvais être tout à fait surpris. Je n'avais pas assumé mes responsabilités. Je le regrette donc, oui, je le regrette prodigieusement. »


    Agirait-il différemment aujourd'hui ? « Je crois que j'hésiterais à prendre ce genre de responsabilité à moins d'être prêt à m'y sacrifier totalement. Si l'on prend la responsabilité de faire sortir quelqu'un de prison, il faut assumer ou ne pas le faire. J'ai eu du mal à vivre avec ça, car je me suis rendu compte que j'avais non seulement mal agi, mais que les dégâts étaient immenses. Voyez-vous, les détenus détestent Jack Abbott, même s'il est mort maintenant, car il a obéré leurs propres chances de bénéficier d'une libération conditionnelle. Je ne pense pas qu'un type comme Abott soit jamais à 100 % sincère. Il était incapable de faire face à sa nouvelle vie. Il n'était absolument pas prêt à affronter le monde. »


    « Si l'on prend la responsabilité de faire sortir quelqu'un de prison, il faut assumer ou ne pas le faire. J'ai eu du mal à vivre avec ça. »





    Source:http://www.lefigaro.fr/reportage/20070716.FIG000000253_le_seul_regret_de_norman_mailer.html

  • Catégories : Des évènements

    Lire en fête 2007:concours de nouvelles en direct sur internet

    Dans le cadre de Lire en Fête 2007, l'atelier d'écriture Points de Suspension organise un concours d'écriture de nouvelles :


    Le 19 octobre à 19h, le sujet est mis en ligne sur le site.

    Vous avez jusqu'au lendemain, 7h, pour envoyer votre histoire par mail.

    La nuit promet d'être caféinée...

    Participation gratuite, publication du recueil des lauréats.


    Source:http://nuitecriture.hautetfort.com/

    Recommandé par les influenceurs.

    cf. liens à droite sur le blog

  • Catégories : Des évènements, Des femmes comme je les aime, KHALO Frida

    Frida Kahlo est morte dans la nuit du 13 juillet (1954)

    438d04429357b949d6c66478bd5adf54.jpgAvec Diego Riviera en 1932.

     

    Atteinte d’une grave pneumonie, Frida Kahlo s’éteignit dans la nuit du 13 juillet 1954, sept jours après son quarante-septième anniversaire. Les derniers mots de son journal furent « J'espère que la sortie sera joyeuse… et j’espère bien ne jamais revenir… Frida » pourtant en travers de son dernier tableau, peint juste avant de mourir, elle a écrit : « Viva la Vida » (Vive la Vie). Elle fut incinérée le 14 juillet comme elle le désirait. « Même dans un cercueil, je ne veux plus jamais rester couchée ! ». Ses cendres reposent dans sa maison a Coyoacan, connue comme "La Casa Azul" (La maison bleue), sur son lit, dans une urne qui a la forme de son visage.

    Source:http://fr.wikipedia.org/wiki/Frida_Kahlo

  • Catégories : Jeux, Mes poèmes, Mes textes d'adulte

    Le soleil brille mais...

    Le soleil brille
    L’océan est calme
    Mais elle n’arrive
    Pas à se décider

    A être autre chose
    Qu’infiniment triste
    Avec un butin de larmes
    Dans sa coque de noix

    Sa seule idée fixe
    C’est la souffrance
    La douleur de la perte
    De sa vie, auparavant.

    C’est un jeu macabre
    Et ce temps chaud
    Ne la réconforte pas
    Pas ; un fayot

    A dénoncé ses manques
    Comme un grand vide
    Qui la déprime :
    L’absence de son chat.

    PUBLIE CHEZ AMBROISE DANS LE CADRE D'UN PETIT JEU ENTRE NOUS:

    http://ambroise.hautetfort.com/archive/2007/07/15/petit-jeu-entre-nous.html#comments

  • Catégories : Mes textes en prose

    George Sand et "L'orgue du Titan"

    Aurore Dupin est née à Paris en 1804 mais a passé toute son enfance dans le Berry, à Nohant. Son éducation s’achève dans un couvent parisien. En 1822, elle épouse le baron Dudevant avec lequel elle a deux enfants mais elle se détache vite de son mari. C’est à Jules Sandeau(1811-1883) qu’elle doit son pseudonyme. Ils écrivent ensemble un roman. Sur Jules Sandeau, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Sandeau En 1832,  « Indiana » est le premier  des romans romanesques et romantiques de George Sand. Elle y exprime aussi ses révoltes politiques et ses revendications féministes. Après ses rencontres avec Lamennais et Pierre Leroux, elle publie des romans d’inspiration socialiste comme « Le Compagnon du Tour de France » (1841) ou mystiques comme « Consuelo » (1842). Sur Lamennais, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9licit%C3%A9_Robert_de_Lamennais Sur Pierre Leroux, cf. http://www.educreuse23.ac-limoges.fr/sand/leroux.htm En 1838, elle s’est installée à Nohant et sa sensibilité socialiste s’oriente vers les paysans du Berry qui la vénère comme « la bonne dame de Nohant » mais jusqu’à sa mort en 1876, son activité intellectuelle reste intense comme l’atteste sa correspondance et l’intérêt qu’elle témoigne aux écrivains de la nouvelle génération comme Flaubert, About(« L’homme à l’oreille cassée » que j’ai lu quand j’étais enfant) et Fromentin(dont je parle comme peintre surtout dans mon mémoire de maîtrise). A Nohant, elle écrit les romans champêtres  ou régionalistes comme « La mare au diable » (1846) ou « Les Maîtres Sonneurs »(1853), un chef d’œuvre.

    Après avoir publié ses souvenirs (« Histoire de ma vie », 1854), elle revient sous le second Empire au roman romanesque  avec entre autres « Le Marquis de Villemer »(1860).

    Dans ses romans champêtres ou régionalistes notamment, George Sand trouve dans la peinture de paysages et d’êtres chers la meilleure expression de son talent. Elle a le don de traduire avec naturel la poésie des paysages familiers et des cœurs purs. Défendant contre Flaubert les « droits du cœur » en littérature, elle n’a jamais connu la tentation de l’art pour l’art, ni celle du réalisme cru ou pessimiste. Par tempérament et par principe, elle a tendance à embellir la réalité et à idéaliser ses personnages. On trouve dans « L ‘orgue du titan » ce qui charme encore aujourd’hui dans les récits de George Sand : une intrigue attachante et bien conduite, la note pittoresque et gracieuse des mœurs et traditions rustiques, la description des paysages. La description du paysage (des roches basaltiques) n’efface pas la méditation idéaliste devant la beauté, la poésie et la grandeur du spectacle. Cette partie descriptive m’a particulièrement frappé et intéressé bien sûr. Ce conte ressemble sans doute un peu à ceux qu’on racontait lors des veillées dans le Berry de George Sand (ou d’ailleurs). Rappelons que la région évoquée dans « L’orgue du titan » n’est pas si éloignée du Berry. « L’orgue du titan » m’a fait pensé aux « Maîtres sonneurs » à cause de la place centrale que tient dans le conte et dans le roman(où Sand a tenté de reproduire par son style la manière des conteurs du Berry), la musique.   « Les maîtres sonneurs »   Tiennet, la jolie Brulette sa cousine et Joset sont amis depuis l’enfance. Mais Joset n’est pas un garçon comme les autres : distrait et renfermé, il paraît un peu simple ; il rêve de musique mais il n’a pas de voix. Brulette devine qu’il a un secret et révèle à Tiennet la vérité de la chose : « c’est que Joset prétend inventer lui-même sa musique, et qu’il l’invente, de vrai. »   Ca fait évidemment penser au jeune Angelin qui joue un morceau inconnu de son maître et du vicaire mélomane.   « Il a réussi à faire une flûte de roseau, et il chante là-dessus. » Un mois plus tard, Joset consent à leur faire entendre sa musique. Quand il s’arrête de jouer, Tiennet s’écrie : « Où diantre prends-tu tout ça ! à quoi ça peut servir, et qu’est-ce que tu veux signifier par là ? » Joset interroge Brulette.   George Sand célèbre ici « le merveilleux pouvoir de la musique » qui ouvre les portes magiques du souvenir et du rêve, et permet à l’auditeur de communier  avec l’artiste, lui-même transfiguré par l’inspiration créatrice.    La magie de la musique   est un point commun entre le roman et le conte qui  tiennent  tous deux du roman d’apprentissage. Sur l’importance de la musique dans l’œuvre de George Sand, on est obligé de penser aux musiciens qu’elle a connus : Chopin, Liszt, Gounot, Berlioz etc. Sur son amour de la musique et des musiciens, cf.  http://www.georgesand.culture.fr/fr/ar/ar01.htm5(il  y aussi sur ce site, des pages sur ses amours) George Sand est très liée également à Pauline Viardot, célèbre cantatrice contralto qui connaît un succès international. Elle sert de modèle pour « Consuelo », roman qui raconte l’itinéraire d’une artiste qui trouve sa voie en vouant son existence à la musique. Mais ce qui différencie le jeune Angelin de Joset c’est que le premier est déjà initié à la musique  alors que le second est une « âme simple » et c’est l’effet de l’art sur les « âmes simples », les paysans qui intéresse George Sand dans « Les maîtres sonneurs. » (qui sont lisibles en poche, Folio, je crois et dans la bibliothèque numérique, Gallica).   La scène du curé bon vivant dans « L’orgue du titan », qui a les charmes de la comédie, introduit le rapprochement avec le roman picaresque. Sur le « picaresque », cf. Wikipedia à ce mot   La comparaison du début et de la fin de la nouvelle conduisent à mettre en évidence le procédé du retour en arrière ou flash-back que l’on retrouve dans « Mauprat. »   La découverte d’une vocation musicale par un récit fantastique met en évidence la notion de romantisme et la place accordée à l’artiste, l’explication du génie romantique. La figure du Titan (symbolisant le génie romantique) est essentiel.   Sur le titan, cf. wikipedia à ce mot    

    Je me suis aussi aidée de mon bon vieux Lagarde et Michard

    TEXTE PUBLIE CHEZ  AMBROISE DANS LE CADRE D 'UN VOYAGE DANS LE FANTASTIQUE:

    http://ambroise.hautetfort.com/archive/2007/05/30/voyage-dans-le-fantastique.html

  • 60e anniversaire de l'agence Magnum photos

    L'Express en ligne du 12/07/2007

    Magnum à l'affiche

    Pour leur 60e anniversaire, les Nouvelles messageries de la presse parisienne et Magnum Photos célèbrent leur engagement commun en faveur de la liberté d'expression et du droit de l'information. Jusqu'au 25 juillet, 60 kiosques parisiens exposent 20 photographes de la célèbre agence.
    Retrouvez la carte de cette promenade photographique à travers Paris.

    Source:

    http://www.lexpress.fr/info/quotidien/reportage-photo/default.asp?id=493